Mark Steven Johnson parvient, à l’instar de Bryan Singer avec X-Men, à imposer sa griffe et à faire exister ce Daredevil à la mythique canne-matraque et au costume écarlate, indépendamment du comic. Ce n’est pas là mince exploit....
L’histoire
Aveugle suite à une projection de produits chimiques radioactifs survenue par accident dans sa jeunesse, Matt Murdock (Ben Affleck) est un avocat new-yorkais toujours prêt à se mettre au service des opprimés. Un engagement qu’il pousse à son extrémité logique lorsqu’il se transforme la nuit tombée en un justicier, tout de cuir rouge moulant vêtu, implacable, surveillant les sombres ruelles de Hell’s Kitchen où le mal sévit sous les traits des very bad Bullseye et Kingpin...
Du comic à l’écran
Après le succès de l’adaptation de Spiderman, l’un de ses plus célèbres comic-books, le groupe Marvel s’est lancé dans la transposition cinématographique d’une autre de ses valeurs sûres, quand bien même moins connue que la précédente mais issue elle aussi de l’imaginaire de Stan Lee (clin d’oeil : c’est l’homme perdu dans son journal que Matt arrête au début du film avant qu’il ne se fasse écraser), Daredevil : l’homme sans peur. Dans un tel contexte, on pourrait s’attendre à un opus vite fait vite expédié, mais il n’en est rien. Car si l’intrigue de fond demeure des plus banales ici (la traque du mal, sous toutes ses formes, par un coeur pur), ce sont pour une fois les effets spéciaux qui viennent soutenir le scénario et accrocher le spectateur à son fauteuil. Ce qui ne signifie pas, d’ailleurs que Matt Murdock/Daredevil soit dénué de toute psychologie, mais disons que celle-ci est sublimée par une montagne de cascades et de manipulations virtuelles qui offrent un remarquable contrepoint aux exploits nocturnes de notre super- héros. Multiplier à tout va les effets visuels au service d’un justicier dont la vue est déficiente, il fallait y penser. C’est enfin l’utilisation récurrente de l’ombre et du noir (très intéressant travail de renforcement des ombres de la part du directeur de la photographie, Ericson Core) qui confère à ce film une aura que l’on n’attendait pas, à mi-chemin de Batman et de The Crow, l’esthétisme gothique d’Alex Proyas trouvant ici, à notre grande surprise, comme son prolongement naturel. Black is beautiful, c’est vrai.
La spécificité de Daredevil
Né chez les éditions Marvel Comics en 1964, Daredevil : The Man Without Fear, ne dépare en rien la famille des Spider-Man, Hulk et autres X-Men. Comme ces super-héros à qui l’atome ou la radioactivité confèrent des pouvoirs surhumains, ce « risque-tout », cet « audacieux » (mais pas téméraire !) se veut le reflet d’une époque en proie aux incertitudes. A la fois personnage doté de pouvoirs extraordinaires (malgré son handicap visuel, il se dirige comme si de rien n’était grâce à son ouïe, son odorat et son agilité surdéveloppés qui lui permettent de débarrasser les rues de New York des criminels), il est aussi un homme confronté à ses propres peurs et ses échecs. A la différence de ses congénères, Marvel, dont l’apparence physique et/ou le patrimoine génétique sont modifiés par la radioactivité - ou autre catastrophe techniciste similaire à laquelle ils ont été exposés -, Matt Murdock représente l’humain par excellence. C’est-à-dire le faible puisque, aussi bien, notre héros se montre tout à la fois, si l’on y regarde bien, menteur, parjure et violent. Il n’a pas changé de nature, il s’est permis simplement de compenser ses carences par un entraînement (physique, mental et sensoriel) qui développe son potentiel pour faire de lui une sorte de « radar » hypersensible (la pluie, chaque fois qu’elle tombe, moment magique de cinéma, lui permet littéralement de voir la personne en face de lui).
Ses nouvelles facultés auditives l’amènent ainsi à capter à distance les battements d’un coeur humain, à percevoir le moindre biorythme ambiant, ce qui le plonge parfois dans des situations compliquées, sinon cocasses. Au rayon du son, les trois pistes proposées - version originale anglaise en 5.1, son homologue en français et piste DTS française - sont monstrueusement efficaces : les canaux arrières des pistes 5.1 illustrent le « sens-radar » de Daredevil grâce à une spatialisation des plus réussies. La palme est à attribuer à la piste française DTS, beaucoup plus puissante que les deux autres. Cette idée là, le fait que le super-héros aveugle perçoive le rythme cardiaque propre à chaque individu (équivalant à des empreintes digitales) est merveilleusement exploitée par le réalisateur et donne naissance à des scènes somptueuses qui justifient à elles seules que l’on regarde ce DVD dont on soulignera la parfaite gestion des couleurs tout en tons froids et bleutés.
A quoi il faut ajouter la scène au cours de laquelle, accidenté la veille, Matt se réveille dans son lit d’hôpital, victime de son environnement sonore, ce qui vaut au spectateur, bien installé devant son dolby surround 5.1, une bande son illustrant au possible l’hypersensibilité dont souffre le jeune garçon et qui va l’amener pour la suite de ses jours à sommeiller, antitype du vampire, dans un caisson d’isolement. Voilà bien, en définitive, l’étrange morale de cette histoire : faire le bien par tous les moyens, cela « isole » de ses prochains ! Rappelons-le, Daredevil est un mortel qui a besoin de se protéger...
Par-delà bien et mal...
A la différence d’autres super-héros plus tranchés, Matt - qui utilise la nuit les informations qu’il a glanées à son travail le jour pour « réparer » les bévues et les incohérences de la justice - est constamment assailli par un dilemme moral. Puisqu’il ne parvient jamais par son action -légitime mais pas légale- à se soustraire à la dichotomie du Bien et du Mal, de la justice et de la vengeance, Daredevil, c’est son drame, a parfaitement conscience qu’il risque de devenir à son tour ce qu’il s’est juré de détruire (notons qu’un bas-relief décrivant un combat d’anges et de démons orne l’entrée de l’appartement, symbole de la dualité de son occupant). Comment donc pourrait-il ne pas se révéler ambigû celui qui, pour rendre/rétablir la justice à tous, n’hésite pas à enfreindre les lois ?
Ce dont témoigne dans le même registre d’idées son attirance pour la belle Elektra Natchios (Jennifer Garner), fille d’un présumé caïd de la mafia, égérie de l’avocat mais ennemie mortelle de Daredevil, qu’elle blesse de ses tridents ! Ce qui nous vaut au passage une scène de combat hallucinante sur un terrain de jeux de Hell’s Kitchen lorsque nos deux gaillards se rencontrent pour la première fois dans la vie civile. Au croisement de toutes ces difficultés, Mark Steven Johnson, qui improvise à partir du canevas du comic book davantage qu’il ne le respecte à la lettre, parvient, à l’instar du X-Men de Bryan Singer, à imposer dans un genre ultra-codifié sa griffe et à faire exister ce Daredevil à la mythique canne-matraque et au costume écarlate, indépendamment du comic. Ce n’est pas là mince exploit et les éditions Fox Pathé Europa l’ont bien compris qui nous achèvent avec des bonus de haut vol, contribuant à faire de ce titre un authentique collector. A conserver donc.
frederic grolleau Daredevil o Date de parution : 19 septembre 2003 o Éditeur : Fox Pathé Europa Présentation : Snap Case Format image : Cinémascope - 2.35:1 Zone : Zone 2 Langues et formats sonores : Français (DTS), Français (Dolby Digital 5.1), Anglais (Dolby Digital 5.1) Sous-titres : Français, Anglais, Hollandais, Grec Bonus : o Une Edition 2 DVD : DVD 1 : o Le film o Le commentaire audio de Mark Steven Johnson (réalisateur) et Gary Foster (producteur) o Deux modes de visualisation : Normal / Enhanced Viewing (inclus scènes multi-angles...) DVD 2 : o Les documentaires exceptionnels « Beyond Hell’s Kitchen » (1h) et « Le Monde de Daredevil » (1h) o Le Making Of « HBO 1st Look » (25 min) o Les reportages sur le caïd, le créateur des effets spéciaux, Jennifer Garner... o Le reportage « Dans le monde obscur... » o Les clips vidéos o La galerie de photos o Les bandes-annonces o Et bien plus encore !...
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