On ne pratique pas l’histoire de la philosophie sans mobiliser plus ou moins consciemment un certain point de vue sur la philosophie
Parce qu’ on ne pratique pas l’histoire de la philosophie sans mobiliser plus ou moins consciemment un certain point de vue sur la philosophie, Christophe Giolito, agrégé de l’université, docteur en philosophie, qui enseigne en classes préparatoires (voie économique et sociale) au lycée militaire de Saint-Cyr et est chargé de travaux dirigés au CIPCEA (Paris I-Ens) revient sur les tenants et aboutissants d’une telle discipline.
Pourquoi un livre sur l’histoire de la philosophie ? N’est-ce pas une activité de spécialiste, d’audience restreinte ?
Christophe Giolito :
Certes, c’est vrai en un sens : l’histoire de la philosophie est une discipline universitaire, relevant d’une haute technicité. Mais en un autre sens, c’est une activité que nous pratiquons tous, dès lors que nous lisons un texte célèbre ou que nous invoquons une théorie platonicienne ou cartésienne. Quels critères mettons-nous implicitement en œuvre dans notre déchiffrage des écrits philosophiques ? Au nom de quoi reconnaissons-nous l’appartenance d’un principe à une doctrine ? Quelles données théoriques isolons-nous, lorsque nous nous rapportons à des philosophies du passé ? C’est pour rechercher des éléments de réponse à ces questions que ce livre explore les grandes théories de l’histoire de la philosophie.
Vous faites une histoire de ces théories. Ne s’agit-il pas en même temps d’une théorie de l’historicité ?
Soit. Mais ne nous payons pas de mots. Mon travail se présente d’une part comme une histoire des conceptions de l’histoire de la philosophie. À ce titre, il est descriptif, et c’est aussi un ouvrage d’histoire de la philosophie comme un autre. Mais il s’efforce d’autre part de constituer une théorie de l’histoire de la philosophie. Dans l’impossibilité de concevoir une pratique neutre de l’histoire de la philosophie, il s’agit de manifester la nécessité de se prévaloir d’une représentation informée de l’histoire.
En l’occurrence, quelle position défendez-vous ?
Je prône une attitude réfléchie, critique et pluraliste de l’histoire de la philosophie. L’affirmation d’une obédience théorique ne doit pas interdire l’échange avec les autres pratiques ; elle devrait même idéalement le favoriser. En outre, le fait de se prévaloir de principes caractérisés ne devrait pas interdire de les appliquer avec une certaine souplesse. Je distingue l’attitude méthodique, qui consiste à régler ses pratiques sur des principes, et le travers méthodologiste, qui consiste en cette propension à isoler la méthode de ses applications pour lui reconnaître une valeur en elle-même. Ma défense d’une conception ouverte et pluraliste de l’histoire de la philosophie tente de rendre compte de la diversité des pratiques contemporaines.
Comment utiliser un tel ouvrage ?
Les manières dont on vient de le présenter peuvent induire deux usages de ce livre. Soit, travaillant sur une période donnée, on pourra se référer aux conceptions de l’histoire de la philosophie qu’elle a développées. Soit, voulant réfléchir sur sa propre pratique, on tentera d’identifier les concepts qui permettent de mieux définir les procédés qu’on met en œuvre. Nul ne pourra y trouver de recettes, mais chacun peut prétendre y découvrir des matériaux pour définir sa propre représentation théorique de l’histoire de la philosophie.
frederoc grolleau
Propos recueillis le le 27 mars 2008. | ||
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