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Christine

Publié le 15 Juillet 2012, 13:35pm

Catégories : #Philo & Cinéma

"Tu n’as jamais compris qu’une partie du rôle des parents, c’est d’essayer de tuer leurs gosses ?"

 


L’histoire

Timide et maladroit Arnie achète une Plymouth Fury 1958, baptisée Christine, une vieille voiture qu’il remet complètement à neuf. Plus sûr de lui, Arnie change radicalement de vie. Mais possédée par un esprit diabolique, cette voiture a décidé de faire la vide autour de son propriétaire.

 


Furie métallique

A l’origine septième roman de Stephen King paru en France en 1983, Christine, vertigineuse descente dans le paranormal reprise en main par John Carpenter n’est pas un des plus grands films du Maître. L’horreur sourde que représente la machine vivante et méchante n’est pourtant pas des plus inintéressantes. Sortie en 1958 des ateliers automobiles de Detroit, la Plymouth « Fury » rouge sang ne tarde guère à montrer qu’elle porte bien son nom. La furie s’est d’abord abattue sur l’ingénieur de la fin de chaîne de montage qu’elle blesse à la main parce qu’il a osé toucher son moteur rutilant, puis sur un autre ouvrier qui a eu l’impudence de lasser tomber sa cendre de cigare sur sa belle banquette avant en cuir vermillon. Le sang de la Plymouth ne fait qu’un tour, il faut croire, puisqu’ aussitôt le fauteur de trouble se met à asphyxier lentement tandis que retentit, issu du poste radio qui s’est déclenché tout seul, un standard de musique rock. Dix ans plus tard, à Rockbridge, en Californie, Arnie Cunningham, le souffre-douleur de son lycée que malmène la bande de voyous local, tombe en pâmoison en apercevant sur un terrain vague devant cette ruine rouillée à mort qu’il achète pour la somme de 250 $. En deux plans enchaînés se trouve scellé sous la caméra de Carpenter le destin de Christine : cette belle voiture, racée et séduisante, aime les sensations fortes, les virées nocturnes et le rock n’ roll des années soixante. Plus que tout, elle aime exterminer ceux qui se mettent en travers de son chemin et qui accaparent l’attention de son propriétaire.

 

Grâce à Arnie, bricoleur-né, elle reprend vie et roule bientôt... mais comme elle l’entend : elle cale sans motif puis bondit comme un fauve avec des grincements qui ressemblent à des cris. A part son conducteur, qui se métamorphose chaque jour davantage, et pas qu’en bien, personne ne se sent bien dans cette voiture qui sue la méchanceté par tous ses pores et toute ses portes. En particulier Leigh, la douce petite amie d’Arnie, qui est considérée par la Fury comme une rivale à éliminer...

 

Petits arrangements entre monstres...
Il vaut la peine nonobstant de se pencher sur cette œuvre de Carpenter, qui parvient à monter en quoi l’attachement porté par le lycée introverti à cette guimbarde en piteux état vaut comme un sublimation de son mal-être. Alors qu’il pourrait s’opposer à la loi parentale en s’affichant avec une fille de son âge, Arnie se sert de Christine comme du prétexte idéal pour assumer, pour la première fois de sa vie, une « décision autonome ». Manière de négation de la surprotection qu’exercent père et mère sur lui, qui passe notamment par le chantage à l’échec scolaire. Et le retour sur investissement psychologique sera des plus féconds dans la mesure où c’est parce qu’il conduit Christine que Leigh condescendra à sortir avec lui, tandis que tous les garçons, plus robuste et mûrs que lui, à commencer par son meilleur ami Dennis,la convoitent vainement ! Arnie le dit en plaisantant, lui qui travaille comme un acharné chez le ferrailleur Darnell où il a déposé Christine afin de la restaurer : « Pour la première fois, j’ai trouvé quelque chose de moins moche que moi, et que je peux arranger ! »

 

Mais le spectateur a déjà compris ce qu’il en est : ce qu’a déniché le jeune homme en proie à l’âge ingrat, c’est un monstre qui va « arranger »à sa façon son conducteur en le rendant aliéné. Dennis, qui enquête sur ce qu’il est advenu des propriétaires précédents de la Fury découvre avec horreur que ceucx-ci ont été retrouvés avec leur petit fille, morts asphyxiés à l’oxyde de carbone à l’intérieur de habitacle ; un étouffement qui menace déjà Arnie, devenu arrogant, violente et solitaire, habité bientôt par une aura maléfique qui le rend dangereux aux yeux de tous...

 

...Ou comment tuer ses parents
Faille existentielle atteignant son sommet lorsque, venu à l’hôpital voir Dennis, blessé gravement au foot lorsqu’il a vu Leigh embrasser Arnie, ce dernier affirme explicitement sa volonté de tuer ses parents, qu’il soupçonne de refuser de le voir grandir, signe ostensible de leur propre vieillissement : « tu n’as jamais compris, lâche-t-il du bout des dents devant Dennis, qu’une partie du rôle des parents, c’est d’essayer de tuer leurs gosses ? » A elle seule, la formule, si emblématique de l’univers kingien, a valeur d’anthologie. Elle en dit long en tout cas sur un certain mal être de la famille américaine du début des années 80. Surtout, elle nous renseigne sur les dégâts qu’a provoqué chez Arnie une éducation qui ne lui a pas permis de trouver un substitut d’accomplissement individuel autre q’un objet rejeté par tous. Alors, obsédé, Arnie ? Envoûté Arnie ? Peut-être, plus simplement, jamais vraiment intégré dans la sphère relationnelle et prêt, pour une fois, à aller jusqu’au bout de ses fantasmes d’autoréalisation. Un mot ici qui rime, suite à la rencontre d’un « mauvais esprit » au mauvais moment au mauvais endroit, avec autodestruction.

 

Aussi, lorsque les voyous qui le harcèlent d’habitude détruiront par jalousie son véhicule-transfert, Arnie se joindra-t-il à Christine en une communion sabbatique pour accomplir sa vengeance. Soif de représailles et goût du sang qui l’amèneront à la confrontation finale avec Dennis et Leigh, les derniers êtres chers à ses yeux... Si le roman légendaire de Stephen King, rythmé par la musique de Chuck Berry et de Janis Joplin, a pris place dans les classiques de l’épouvante, curieusement, il n’en a pas été de même avec l’adaptation de Carpenter. Faute en est moins aux spectaculaires scènes de traque des voyous par la voiture, ou encore aux rénovations spontanées dont celle-ci est capable qu’ au contexte des années 70 qui n’est pas des plus stimulants et à un casting assez sommaire. De ternes décors que ne rehausse en rien les bonus de ce dvd - déjà desservi, soulignons-le par quasiment une faute d’orthographe ou de grammaire dans la bande de sous-titrage de chaque séquence ! - puisque Gaumont ne nous offre en tout et pour tout qu’un chapitrage et une filmographie.

 

Autant dire qu’il ne faut pas compter là-dessus pour se faire une idée plus juste de la manière dont Carpenter reçut et interpréta en son temps le roman de King. Pour s’interroger par exemple sur le déplacement de Libertyville, en Pennsylvanie à Rockbridge, en Californie etc. Cela étant, rien n’empêche chacun de comparer le texte d’origine et le scénario, ni de visionner les mythiques apparitions de la Plymouth en feu, servies par une bonde originale du tonnerre de ...diable !

   
 

frederic grolleau

Christine
Réalisateur : John Carpenter Avec : Keith Gordon, John Stockwell, Alexandra Paul, Robert Prosky, Harry Dean Stanton, Christine Belford

Date de parution : 26 mars 2002 Editeur : Gaumont Columbia Tristar Home Video Zone 2 Origine : France PAL Image : 2.35:1 Dolby Digital 1.0 Mono Autres langues : Français, Allemand, Espagnol, Italien Sous-titres : Français, Anglais, Allemand, Polonais, Tchèque, Hongrois, Hindi, Turque, Arabe, Danois, Suédois, Finois, Islandais, Néerlandais, Norvégien, Portugais, Grecque, Hébreu, Espagnol, Italien

 

 
     
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