Un monastère au XVIe siècle, une série de meurtres, une enquête : ça vous fait penser à quoi ?
C’est un curieux roman que celui de C.J Sansom. Un coup d’oeil à la couverture et à la quatrième de couverture suffit à alerter le lecteur un tant soit peu adepte du genre thriller à caractère historique. Pensez donc : un monastère anglais du XVIe siècle à Scarnsea en pleine réforme cromwelienne antireligieuse, un commissaire du roi en charge d’élucider une série de meurtres survenus dans ce huis clos ouaté d’une neige épaisse qui ne parvient guère à étouffer l’ambiance de stupre omniprésent, cela ne vous rappelle rien ?
De fait l’enquête diligentée par le bossu Matthew Shardlake n’est pas sans évoquer celle, plus jeune de deux siècles tout de même, de Guillaume de Baskerville dans Le nom de la rose, et l’on peut songer également à Pardonnez nos offenses de Romain Sardou qui abordait un thème similaire. On aurait tort toutefois de voir dans l’opus de Sansom une pale resucée du magnifique Eco (un clin d’œil lui rend hommage à la page 153 lorsque Shardlake voit dans la bibliothèque du monastère une copie de l’oeuvre perdue d’Aristote, Sur la comédie...) car l’intrigue, une fois qu’on consent à s’y plonger, vous prend à bras le corps pour ne plus vous lâcher. Il faut dire que le romancier connaît son sujet et que le thriller est ici l’occasion de développements qui dépassent, et c’est tant mieux, le cadre de la simple enquête policière : car c’est tout l’ordre monastique et ses privilèges papistes qui se trouve passé au crible (notamment la « théorie » fort discutée du Purgatoire) sous l’oeil de Shardlake et de son disciple Mark Poer.
Le commissaire du roi Singleton décapité telle feue la reine Anne Boleyn offre un prétexte idéal pour réviser les tenants et aboutissants de la politique du « secrétaire et vicaire général » Cromwell en 1537 mais aussi pour établir si le réformateur Shardlake est toujours digne de confiance dans les plus hautes sphères de l’Etat... Entre respect de la tradition, silences de conspirateurs, vols de reliques et velléités sodomites, entre corruption, hérésies et superstitions, Dissolution annonce la fin d’un règne en même temps qu’il s’affirme comme le premier roman d’un jeune universitaire anglais prometteur (d’ailleurs Prix Ellis-Peters du roman historique en 2003). A lire sans modération au coin d’un bon feu de cheminée donc !
C.J. Sansom, Dissolution (traduit de l’anglais par Georges-Michel Sarotte), Belfond, 2004, 418 p. - 20,90 €. | ||
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