La magie cesse d’opérer à partir de la page 46.
Le lion est mort ce soir
La sortie d’un nouvel album de "Blake et Mortimer" est en soi un événement qui suppose toujours le même rituel : une fois le pieux document en mains, cup of tea à l’appui, entreprendre si possible au calme de se délecter avec lenteur de cet enivrant parfum d’enfance.
Quatrième aventure réalisée par le duo Sente-Juillard afin de poursuivre le grand œuvre d’un Jacobs ayant médité la leçon de l’arrêt brutal de l’épopée hergéenne, conformément aux derniers souhaits du grand créateur, "Le sanctuaire de Gondwana" ne déroge point à la règle rigoriste de confection qui sied au genre : longs récitatifs, voyages dépaysants, intrigue fantastique (plus que policière ici), archéologie, couleurs surannées et décors kitchissimes, l’indécrottable Olrik, déguisements et rebondissements à la happy end de bon aloi.
Sur le papier, tout commence avec la découverte par un professeur Mortimer des plus affaiblis après son périple en Antarctique que la roche gravée qu’il en a ramenée daterait de plus de 350 millions d’années - un temps d’avant les dinosaures - et que les gravures de cette pierre sont identiques aux inscriptions d’une bague trouvée en Afrique, sous le lac du Ngorongoro par un paléontologue devenu fou ensuite... Suspense, suspense donc.
Reste que, si le lecteur est indéniablement charmé par le périple de Mortimer en Afrique coloniale, dans l’ancien Tanganyka devenu le Kenya et la Tanzanie actuels, la magie de la rencontre avec une civilisation disparue et de mystérieux guerriers cesse d’opérer à partir de la page 46. Elle réapparaît il est vrai quelques pages plus loin, avec un retournement à la Volte-face qui n’est pas malhabile, mais le cœur n’y est plus. À qui la faute ? Non pas au fait que cette suite des "Sarcophages du 6e continent" soit décousue, mais plutôt au fait que le parti pris explicatif de l’intrigue tienne à l’apparition d’une pseudo-entité fantastique, ultime legs d’une civilisation humaine ayant existé quelque 350 millions d’années avant notre ère, qui sent le réchauffé et paraît assez expéditif : on s’attendait à mieux et il eût certainement mieux valu une suite qu’une fin en queue de poisson sur ce modèle !
Entre temps néanmoins, parmi quelques autres scènes d’action gratuites, on aura vu, bien servi par le dessin de Julliard, impeccable épigone de Jacobs, un massacre total d’animaux emblématiques de la savane : éléphant, lion, lycaons (une grosse dizaine), presque un hippopotame - tout y passe. Mais ils sont devenus fous ces colons, by Jove !
En substance, ce titre est par conséquent surtout à réserver aux passionnés de "Blake et Mortimer", qui sauront apprécier les clins d’œil disséminés ici et là aux titres précédents et, véritable trouvaille ici, les retours de personnages apparus dans d’autres aventures (jacobsiennes ou postjacobsiennes) qui s’inscrivent avec perfection dans ce concept de synthèse architectonique/diachronique des aventures de nos deux héros.
frederic grolleau
André Juillard (dessinateur), Yves Sente (scénariste ), Blake et Mortimer - Tome 18 : "Le sanctuaire du Gondwana", Blake et Mortimer, 56 p. - 14,00 €. | ||
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