N'en faisons pas un chou-fleur !
L' argumentaire de presse et la 4ème de couverture sont plutôt alléchants puisqu'on nous y vend ce roman comme « Une petite bombe d'originalité et d'humour. Le premier thriller botanique – et écologique – de la littérature. » Rien de moins. L'originalité est peut-être au rendez-vous et les premières pages, agrémentées de quelques sentences savoureuses, sont agréables en ce sens ; hélas ! , l'ensemble tourne vite court et l'on reste sur sa faim.
C'est d'autant plus dommage que l'idée de départ consistant à mettre en scène les investigations d'un spécialiste de la communication des plantes (lesquelles serviraient de miroir à l'inexorable dégénérescence en cours de l'humanité) est au moins amusante, pour ne pas dire « parlante », en ce qu'elle autorise des rapprochements parfois saugrenus certes mais souvent stimulants, à la limite de la critique philosophique. Ainsi, quand notre « phyto-analyste », Germain Tzaricot le bien nommé, retrouve ces plants anéantis par une mystérieuse pourriture dans son appartement et que la contamination s'étend bientôt à la gent humaine, le lecteur est encore prêt à créditer l'auteur d'une forme de cohérence, au nom du bon vieux principe de charité herméneutique.
Il l'est moins dès que le récit s'interrompt toutes les deux pages pour glisser, avec la subtilité obvie d'un baobab trônant au mitan d'un parking de centre commercial, des citations du « botaniste-philosophe » de père du héros, procédé aussi répétitif que systématique dont la lourdeur - qu'ils sont exaspérants ces "Père disait/pensait/croyait que" à tout bout de champ - entrave la progression de l'histoire, elle-même accablée, sans espoir de rémission aucun, par des rebondissements qui apparaissent azimutés quand ils rêveraient d'être tous azimuts...
Le texte se perd dans les relations entre les personnages improbables qui constellent l'univers du phyto-analyste, surchargé par un humour façon polar Le Poulpe, mais qui ne prend jamais vraiment ici tant il se donne comme un prétexte expéditif pour ne pas avoir à creuser davantage le coeur de l'intrigue et « planter » l'intrigue dans un terreau plus sophistiqué que celui, fort sophistique, qui nous est céans offert.
L'on s'interroge alors à bon droit devant cette farce inaboutie et mal maîtrisée, aux dialogues qui sonnent faux et surannés : ce n'est pas parce que le premier éditeur de Busson (Marchand de feuilles en 2012) a cru à la vertu (médicinale ?) de ce roman poussif (faut-il y voir un ultime clin d'oeil, inconscient selon nous, aux plantes alentour qui dépérissent ici ?) de la part d'un auteur qui n'a rien d'un buisson ardent que les éditions Carnets nord/Montparnasse devaient le reprendre tel quel, sans un travail minimal pour l'épurer ou le densifier là où il le fallait. C'était vraisemblablement possible mais, là, l'insipidité atteint ses limites et le roman nous tombe des mains à la page 85 - ce qui fait qu'il se distingue, au moins sous cet angle, du "diagnostic" dont Freud dit, selon l'auteur (p. 32), que plus il est aberrant, plus il peut être légué à la postérité. Le Phyto-analyste, loin d'être le nouveau fleuron de la littérature, n'est que l'ombre portée du Père de la psychanalyse, c'est déjà ça de gagné.
Bref, carton vert !
frederic grolleau
Bertrand Busson, Le Phyto-analyste, Carnets nord/ éditions Montparnasse, 2013, 256 p – 17,00 €.
Commenter cet article