Un mélange de pur Beau Livre et de méthodologie illustrée qui fait déjà office de texte de référence.
C’est une somme, un livre magnifique et fascinant à la fois. Pour lequel il faut savoir prendre son temps afin de digérer séquence par séquence cette remarquable histoire du verre muranais mise en place par Attilia Dorigato, directrice du musée du verre de Murano et organisatrice de diverses expositions sur les maîtres verriers des dernières décennies ayant marqué la création verrière de l’île italienne depuis le XIIIe siècle.
Ce qui surprend le plus l’expert dans ces pages, ce sont moins les somptueuses photographies d’objets de tous genres issus du verre soufflé (quoi que certaines pièces, verres à pied, carafes, animaux, bijoux, empruntés à des collectionneurs privés soient... à couper le souffle), que la volonté ici, peu commune, de donner à comprendre autant qu’à voir. Un vademecum de la création pratique du verre, photo et séquençage à l’appui, vient donc s’intercaler entre les grands chapitres historiques par lesquels l’auteure dresse le saisissant portrait de ces génies inspirés qui transmuent la matière et mettent au jour des œuvres qui n’ont jamais cessé de susciter l’admiration du monde entier. Du Moyen Age jusqu’à la production contemporaine, Attilia Dorigato fait état d’une incomparable science de l’art verrier, tout en délivrant des commentaires très précis sur les créations de la fin du XXe siècle, période des plus fastes pour le verre soufflé dont de nombreuse créations, très diversifiées, ont donné naissance à des galeries d’art spécialisées.
Le verre de Murano, par son mélange de pur Beau Livre et de méthodologie illustrée des secrets de l’art verrier (division du travail dans la fornace, descriptif des tagianti et autres borsella utilisés par les maîtres verriers sur leur scagno) fait déjà office de texte de référence. Parcours exhaustif complété en fin d’ouvrage par l’indispensable glossaire nécessaire pour pénétrer le vocabulaire professionnel de ceux qui travaillent le verre. Il permet surtout au lecteur esthète et curieux d’avoir un accès, aussi érudit qu’imagé, et articulé principalement sur les XVe et XVIIe siècles, aux différentes pâtes vitreuses (le verre soufflé, le cristal, le lattimo, la calcédoine, le demi-étampage, le moule " baloton ", les décors à l’émail) et aux techniques de décoration inventées à Murano (les filigranes, filigranes à résille, filigranes a retortoli, la peinture à froid, le verre craquelé filigranes, les murrine, travail a morise, verre craquelé, pulegoso).
Vous ne connaissez point ce que recouvrent les ésotériques appellations de verre a piume, aventurine, application à chaud, verre girasole, gravure à la roue, incalmo, primavera, sommerso ? Ce livre est pour vous. Rangé dans votre bibliothèque entre Les Ages du verre : Histoire et techniques du verre de l’Antiquité à nos jours (Skira Seuil, 2003) et Carlo Moretti, Cristalli di Murano 1958-1997 (Giorgio Mondadori, 1997, non traduit), il ne déparera en rien.
frederic grolleau | ||
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