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Angoisse (Experiment Perilous)

Publié le 16 Juillet 2012, 18:25pm

Catégories : #DVD

Angoisse : la démence, entre intrigue fin de siècle et ambiance victorienne

 

 

 

L’histoire

 

Le docteur Bailey rencontre dans un train, par une nuit d’orage, une dame âgée. Après avoir discuté avec elle, il apprend sa mort le lendemain, ce qui va l’amener à entrer en relation avec son frère, homme très riche et connu, ainsi que sa fort jolie femme ...dont le héros tombe amoureux, bientôt persuadé qu’elle est terrorisée par son époux.

 

Péril en la demeure

 

Rarement scénario a été aussi étique. Tourneur réussit pourtant le tour de force d’en faire une histoire énigmatique et des plus troublantes. Issu du catalogue RKO que les éditions Montparnasse continuent, vaillamment,à faire connaître en DVD poches (loué soit le concept !), Angoisse n’est cependant ni le meilleur ni le plus connu des films de Jacques Tourneur, cinéaste qui est à l’ombre et ses débords ce que Turner est à la lumière et ses éclats. Estampillé fantastique, ce film - déclinant le même thème que "Hantise" (Gaslight, 1944) de George Cukor - qui met en scène la façon dont un homme, malade de jalousie, veille à rendre petit à petit folle sa femme, est surtout un thriller psychologique où le suspense et le non-dit sont les véritables valeurs dominantes.

 

 

Fable sur la normalité et ses limites humaines trop humaine, Angoisse - qui porte bien son nom - amène en effet progressivement le spectateur à dépasser le stade des apparences afin de saisir en quoi le docteur Nick Bederaux, heureux époux de la séduisante Allida, est une sorte de monstre qui ne tire plaisir qu’à faire souffrir les autres en agitant dans leur dos de fantomatiques ficelles destinées à les faire " craquer ". Mais c’est sans compter sur l’amoureux transi, le romantique en mal de sens existentiel qui va se jeter corps et âme dans cette bataille psychique afin d’extirper la jeune femme et son enfant de la demeure où ils subissent les pires souffrances psychologiques à leur insu. Fil directeur de l’intrigue, le journal intime de la soeur de Bederaux, la vieille dame rencontrée dans le train par le héros, puis un tableau où l’on voit Allida servir le thé, scène qui se répète exactement à l’identique quelques jours plus tard en présence du narrateur.

 

 

Décor récurrent (et étouffant) : la maison imposante des Bederaux dans le Upper east side de New York, qui n’est pas sans évoquer l’hitchcockienne bâtisse de Rebecca. C’est à coups de savoureux flash back que nous est révélée la personnalité tourmentée du jeune Nick (prénom machiavélique en soi ?), qui joue avec Allida (femme objet avant l’heure ?) comme avec son plus beau jouet, refusant de la voir exprimer sa singularité, et n’hésite pas à exécuter les prétendants qui attirent l’attention de la jeune femme ne rêvant rien tant que de franchise et de simplicité (la vie au grand air avec champs de marguerites, larges jupes à festons et tutti quanti...) ou sa propre soeur si elle commence à se montrer gênante. Ainsi s’ouvre le règne du soupçon, Tourneur dévoilant par cette virulente satire les coulisses monstrueuses des êtres que nous croyons connaître.

 

 

Très intrigue fin de siècle, Angoisse est un récit de crime, de manipulation et de démence qui se délecte de la morbidité de l’ambiance victorienne, très collet monté, et élève la perversité au rang de parangon de réussite sociale. Tout s’achève toutefois, entre explosion et incendie dans une destruction totale du lieu du crime, preuve peut-être que la duperie ne peut durer fort longtemps et que le malin génie trouve tôt ou tard sur son chemin l’esprit cartésien qui le démasque et le renvoie au néant originel dont il est issu. Quoique les plus roués remarqueront que le film se clôt par une séquence pastorale entre Bailey, Allida et son fils, qui évoque fortement les conditions dans lesquelles Allida a jadis rencontré Nick Bederaux : et si tout cela n’allait pas tarder à recommencer ? Moins évocateur ou que les réputés La Féline ou L’homme léopard ou que le fascinant "Rendez-vous avec la peur" (Curse of the demons) - toujours pas édité en DVD à notre connaissance - voici donc une roborative Angoisse à redécouvrir sans plus tarder. A regarder en même temps qu’on lit An ideal husband de Wilde à l’heure du thé.

 

 

Du côté des bonus

 

Le principe de cette collection étant de mettre au jour des trésors occultés des mémoire par les années, il n’y a ici aucun bonus (hormis les commentaires toujours aussi insipides de Serge Bromberg), mais la qualité d’image et de son est fidèle aux attentes des fans.

   
 

frederic grolleau

 

Angoisse (Experiment Perilous), 1944 Réalisateur : Jacques Tourneur Avec : Hedy Lamarr, George Brent, Paul Lukas, Albert Dekker, Carl Esmond o Date de parution : 21 septembre 2004 Prix : 16, 00 €. o Éditeur : Éditions Montparnasse

 
     

 
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