Fidèle à son habitude le réalisateur nous convie à inverser notre propre regard, en subvertissant ici les rôles traditionnels du beau mâle viril et de la douce jeune fille...
L’histoire
1945, fin de la seconde guerre mondiale, en Allemagne. Le capitaine français Henri Rochard (Cary Grant) épouse la lieutenant américaine Catherine Gates (Ann Sheridan). Mais comme les formulaires de l’armée destinés au rapatriement des conjoints des soldats américains et de l’émigration ne prennent en compte - fait authentique - que les femmes, il doit s’affubler d’un uniforme de femme et d’une perruque (devenant ainsi "une épouse de guerre mâle" selon le titre original du film, The male war bride) pour l’accompagner aux Etats-Unis en montant sur un navire... prévu uniquement pour les femmes de soldats.
La femme est l’avenir de l’homme
A partir d’une romance parfaite contrariée par d’absurdes règlements militaires, Hawks s’amuse à filmer les nombreux quiproquos générés par une situation non prévue par des règles administratives tâtilonnes : les amours mouvementées et rocambolesques de deux agents secrets, français et américain, en mission en Allemagne en 1945. Par delà ce fait divers, qui n’est pas à l’honneur de ladite administration, Hawks nous offre un classique de la comédie américaine : insolence et humour sont donc au rendez-vous de cette comédie où Cary Grant - qui signe là sa troisième collaboration avec Howard Hawks, après L’impossible Monsieur Bébé en 1938 et La Dame du vendredi en 1940 - est une « épouse au masculin » plus vraie que nature ! Fidèle à son habitude le réalisateur nous convie à inverser notre propre regard, à mesure que Cary Grant dévoile son côté féminin tandis qu’Ann Sheridan affiche son côté masculin, les rôles traditionnels du beau mâle viril et de la douce jeune fille se trouvent ici de facto subtilement subvertis. Preuve en est semble-t-il que Hawks sait prêcher l’extravagance et n’a rien à envier de ce côté à un Lubitsch.
Car même si le ton demeure celui de la pudibonderie de bon aloi, c’est bien une histoire des plus farfelues, rehaussée de gags loufoques, que nous présente cet audacieux et moderne Allez coucher ailleurs !, qui ne sombre jamais dans les remous de la vulgarité. Même s’il ne s’agit pas là d’un chef d’oeuvre, cette vision de la guerre des sexes assez crue (où la femme, éternelle séductrice consciente de son pouvoir, l’emporte toujours par sa finesse sur l’homme) vaut surtout par l’interprétation de Cary Grant en "folle". Servi par un tempo très vif qui secoue le spectateur ravi ici par le beau grain de cette version et une bande VO qui tient la route, voilà une comédie qui s’installe sans déparer dans la poignée de celles que commit Hawks (L’Impossible Monsieur Bébé, La Dame du vendredi, Chérie je me sens rajeunir) et qui met l’accent sur ce grand cliché du ciné Us de l’époque : les relations tout en déboires renouvelés des hommes et des femmes. On peut déceler derrière le propos humoristique une charge plus sérieuse, car le travestissement de Grant souligne l’ambiguïté sexuelle de l’acteur, bisexualité-tabou dont on parlait déjà à l’époque. Un phénomène plus général de l’homosexualité dont rendent compte aussi des films tels que Certains l’aiment chaud (Billy Wilder, Some like it hot, 1959) et Victor Victoria (Blake Edwards 1982). A chacun de se reporter à cet égard dans les agréables bonus à "Masculin Pluriel" analyse de la dernière séquence du film.
Un bonheur dvdesque arrivant rarement seul, il est à noter que Carlotta Films édite en même temps que ce titre début avril 2004 La folle ingénue (Cluny Brown, Ernst Lubtisch) et Infidèlement vôtre (Unfaithfully yours, Preston Sturges), deux autres merveilles abordant la même thématique hommes-femmes à ne rater sous aucun prétexte.
frederic grolleau Allez coucher ailleurs ! • Titre Original : I Was a Male War Bride Réalisateur : Howard Hawks Avec : Cary Grant, Ann Sheridan, Randy Stuart, William Neff, Ken Tobey, Eugene Gericke • Date de parution : 6 avril 2004 • Éditeur : G.C.T.H.V. Présentation : Snap Case Prix : 24, 99 € Format image : Full Screen (Standard) - 1.33:1 Zone et formats son : Zone : Zone 2 Langues et formats sonores : VF & VO 2.0 mono Anglais Sous-titres : Français Bonus : "Cary Grant : un acteur comique" entretien avec Luc Moullet (5’) "Howard Hawks : un indépendant à Hollywood" entretien avec Jean-Loup Bourget (15’) "Masculin Pluriel" analyse de la dernière séquence du film (10’) "Howard Hawks American Artist" portrait du cinéaste à travers des images d’archives, interviews et témoignages (52’) Movietone : bandes d’actualité de l’époque & BA
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