La SF, où tour à tour la technique sert et dessert l’homme, ne traduit-elle pas sur un mode apocalyptique le désir infini de puissance et la peur de s’y perdre ?
Alien Quadrilogy, Partie 3
4) Le danger de l’apprenti-sorcier
On trouve justement pléthore d’échos à la folie humaine et à la gangrène techniciste dans Alien qui condamne cet instinct meurtrier de l’homme - plus effrayant à maints égards que la violence des Aliens. Dans le premier volet de la série, le docteur Ash apparaît comme le responsable de la présence de l’Alien à bord. Voulant empêcher Ripley de divulguer ces informations, il tente de l’éliminer avant d’être mis hors d’état de nuire par le reste de l’équipage qui découvre alors avec stupéfaction que le docteur n’est qu’un robot. Il devient clair que la Compagnie l’a envoyé chercher l’Alien pour ses services de défense. Une fois le robot partiellement reconstruit sur les conseils de Ripley, celui-ci ne peut donner une solution quant au moyen idéal d’éliminer l’Alien. Ash avoue que l’Alien est un organisme « dont la perfection structurale n’a d’égale que son hostilité ». L’androïde semble même admirer la pureté de l’Alien, être dans lequel il voit « un survivant qui n’est pas souillé par la conscience, le remords ou les illusions de la moralité ».
La créature, qui n’utilise que son seul potentiel biologique, paraît étrangement plus « saine » que les hommes créateurs de la toute-puissance technique mais incapables de lui faire face. Il ne faudra pas oublier ce point. Un orgueil cher payé Quoi qu’il en soit, l’homme paie toujours pour son orgueil démesuré. C’est pourquoi Ripley, tel le philosophe familiarisé avec les ombres de la caverne de nos phantasmes et de nos délires (7), doit survivre pour éclairer l’humanité sur son sort. Pour propager la bonne parole en quelque sorte. Conçu en plein essor américain de haute technologie et de conquête spatiale, Alien illustre un souci qui excède toutes les frontières : voir la technique détruire notre environnement et nos vies est plus présent que jamais à notre époque. Qui prononce le mot technique désigne désormais un danger réel ainsi que diverses formes d’esclavage. La science-fiction, où tour à tour la technique sert et dessert l’homme, ne traduit-elle pas sur un mode apocalyptique le désir infini de puissance et la peur de s’y perdre ?
De fait, le développement incontrôlé des techniques, liées à la science contemporaine, risque bien de se retourner contre l’homme qui, jouant l’apprenti-sorcier, fabrique de ses mains un monde qu’il n’arrive plus à maîtriser. La culture humaniste adopte d’ailleurs souvent une attitude de méfiance à son égard. Dans la foulée, la civilisation industrielle se voit condamnée en vertu d’une fausse rationalité : l’organisation méthodique du travail, l’amélioration notoire du bien-être s’avèrent à longue échéance des bienfaits illusoires puisqu’ils amènent une diminution de la liberté individuelle. Notre monde est envahi au plus haut point par tous types de technologies auxquelles nous sommes accoutumés depuis la plus tendre enfance, mais nul ne songe explicitement à remettre en cause le progrès accompli depuis l’aube de la première révolution industrielle. Il reste donc à évaluer au nom de quelles valeurs celui-ci est à même d’être jugé (8).
Dans Alien I, c’est parce que le Code des lois en vigueur interdit que l’on continue sa route sans effectuer de « recherches supplémentaires » que les hommes sortent du vaisseau pour repérer la source d’un signal sonore, signe de la présence possible d’une vie sur la planète à côté de laquelle ils se trouvent. L’équipage réagit également par intérêt financier (la suppression éventuelle des primes de fin de voyage s’ils sont pris en flagrant délit de non-curiosité), ...et pas seulement par appétit scientifique ! Ils découvrent ainsi un autre vaisseau spatial, en grande partie détruit, qui semble avoir été envahi, annexé par une créature étrangère, ayant comme éclaté de l’interieur et dont les « viscères » se sont répandues dans tous les couloirs. Pendant ce temps, Ripley parvient à « décoder » le message émis par cette mystérieuse planète ayant provoqué l’interruption de leur sommeil artificiel. Or, ce message, que Dallas, pourtant âme pensante de 1’expedition n’a pas demandé à « Maman » de vérifier, n’est pas un S.O.S mais s’avère en fait une mise en garde. Ainsi, c’est d’emblée à cause de l’inadvertance humaine, d’une omission dans la vérification, que la peur s’installe. On notera qu’une simple procédure « technique » de contrôle aurait suffi à éviter le pire...
Ridley Scott met bien en relief dans ce premier volet filmique d’une série (qui deviendra mythique) le thème de l’apprenti-sorcier, ou les fâcheuses conséquences qui accompagnent toujours l’action de celui qui veut aller trop loin en se croyant le maître de la technique et du monde. Oswald Spengler reprend à son compte cette idée dans Le Déclin de l’Occident. Il y condamne les excès de « l’homme faustien » qui cultive à outrance « les vertus de l’action » : « ce n’est pas telle parcelle de l’Univers ni telle autre - comme lorsque Prométhée déroba le feu du ciel - mais bien l’Univers lui-même, avec son secret de l’énergie, qui est arraché en guise de butin pour être incorporé à notre culture » (10). Comme le souligne Spengler, le vol de l’apprenti-sorcier, du scientifique jouant avec le monde comme avec une surface dont il faudrait amoindrir le plus possible toutes les zones d’ombre rebelles à la connaissance, est un vol qui porte sur le Tout. Et si le péril est radical ici, c’est parce que l’homme, qui n’est lui-même qu’une infime partie de ce Tout, s’expose à être emporté par les conséquences de son propre geste.
Ce culte de l’action qui réunit en l’homme occidental à la fois Faust et Prométhée transforme le destin de l’occident en une culture de la « bête de proie » : attitude négative qui culmine dans l’idee de machine comme « petit cosmos qui n’obéit plus qu’à la volonté de l’homme ». La tragédie ultime selon Spengler est celle qui fait que "la créature se dresse contre le Créateur (...) Le maître du monde est en train de devenir l’esclave de la machine qui le force à en passer par là où elle veut. Abattu, le triomphateur est traîné à mort par le char." Dans Alien, les vaisseaux remplacent les chars et les monstres de l’espace, les machines humaines (qui avaient cela de rassurant qu’elles ressemblaient encore quelque peu à ce qu’il y a d’humain en l’homme).
Au contraire, les Aliens sont des antitypes de l’humanité. Aussi intelligents que les plus perfectionnées machines humaines, ils feront payer très cher à l’homme sa curiosité morbide, son sens de l’intérêt égoïste et individuel. Ils sont le tribut à verser pour celui qui a trop joué avec la technique, l’horrible rejeton de ce que le progrès technique ne peut même pas affronter - en dépit de sa richesse inventive. Le paradoxe insoutenable que soulève Alien est donc double : d’une part, malgré le poids de toutes leurs conquêtes spatiales et de l’union des différentes communautés humaines entre elles à l’echelle interplanétaire, il suffit d’une créature primitive et sauvage pour réduire à néant plusieurs siècles d’efforts et d’histoire. D’autre part, seule une femme parviendra à venir à bout de ces créatures que des vaisseaux entiers d’hommes suréquipés et entraînés ne pourront combattre sans perdre la vie. Tout se passe comme si, jusqu’au bout, le courage et la fermeté - ou la seule énergie du désespoir ? - suffisaient pour anéantir ces créatures comme au bon vieux temps où les hommes savaient encore garder les pieds sur terre.
N’est-ce pas d’ailleurs parce que, accaparés par le règne et l’extension croissants de la technique, les hommes se sentent aliénés qu’ils semblent errer dans l’espace, le sens même de leur existence leur échappant ? Un moment ironique de Alien IV en témoigne : dans le cadre des procédures d’alerte déclenchées par l’évasion puis l’attaque des monstres contre l’équipage, le vaisseau est remis en marche pour revenir vers la base sur Terre en trois heures. Ce qui déclenche l’effroi et la répulsion des protagonistes - comme si la Terre était devenue la pire des horreurs et que la compagnie des Aliens lui était encore préférable. On ne saurait donc occulter la question de savoir qui est finalement aliéné dans cette saga : les créatures de l’espace ou les hommes dans l’espace ? Une chose est sûre en tout cas : penser l’aliénation, quelque forme (technique ou organique) qu’elle puisse endosser, revient toujours pour l’homme à interroger sa nature, c’est-à-dire ce qui le rattache aux autres membres de son espèce.
frederic grolleau
NOTES
7. Voir le livre VII de la République de Platon où l’activité philosophique est présentée métaphoriquement comme l’inquiétude d’un homme cherchant à quitter la caverne des préjugés où ses sens sont abusés en permanence.
8. M. Henry, La Barbarie, Grasset, 1987, pp. 97, 98, 100 : « la notion de progrès en est (...) venue à désigner de façon exclusive le progrès technique. (...) Ainsi l’univers technique prolifère-t-il à la manière d’un cancer, s’autoproduisant et s’autonormant lui-même, en l’absence de toute norme (...). A supposer que, au sein de ce développement monstrueux de la technique moderne, l’apparition d’un procédé nouveau - la fission de l’atome, une manipulation génétique, etc. - pose une question à la conscience d’un savant, cette question sera balayée comme anachronique, parce que dans la seule réalité qui existe pour la science, il n’y a ni question ni conscience. (...) Car tout ce qui peut être fait par la science doit être fait par elle et pour elle, puisqu’il n’y a rien d’autre qu’elle et que la réalité qu’elle connaît, à savoir la réalité objective, dont la technique est l’autoréalisation. »
9. Ce thème est notamment développé dans Frankenstein ou Le Prométhée enchaîné de Mary Shelley où sont dégagés les effets de terreur provoqués par le risque que courent les savants modernes : ceux-ci déchaînent des forces qui peuvent leur échapper et se retourner ensuite non seulement contre eux mais surtout contre l’humanité dans son ensemble
10. Voir le tome I, p. 400 sq.
Lire les Parties 1 et 2 du dossier Alien Quarilogy
Détails techniques de l’édition Alien Quadrilogy
ALIEN Dvd 1
Label THX Audio : VO Dolby Digital 5.1 + VF Dolby Digital 5.1 et DTS 5.1
Sous-titres : Anglais, Français et Néerlandais.
Format 2.35 - Cinemascope Version Cinéma (112mn) et Version Director’s Cut (111mn) via le seamless branching
Editeur : Fox Pathé Europa
Bonus ALIEN : Commentaire audio de Ridley Scott et d’autres membres du film (111m 45s) Documentaire The Eighth Passenger - Creature Design (31m 33s) Featurette : Star Beast - Developing The Story (18m 9s) Multi-Angle Chestbuster sans Commentaire (10m 27s)
Featurette : A Nightmare Fulfilled - Réaction face au film - (19m 19s) Documentaire : Future Tense - Musique et Montage (16m 28s) Scène coupée - Untitled Scène coupée - The Derelict Scène coupée - Kane’S Condition Scène coupée - Brett Scène coupée - Parker And Ripley Argue Scène coupée - Planning Scene Scène coupée - Ripley Soothes Lambert Scène coupée - Airlock Sequence Galerie photo - The Darkest Reaches Nostromo et Featurette : Alien Planet (17m 27s) Extrait des essais de Sigourney Weavers - avec/sans commentaire (4m 26s) The Visualists - Réalisation et design (16m 41s) Introduction de Ridley Scott pour le Director’s Cut 2003 (55s) Documentaire Alien Evolution (64m 31s) Documentaire Fear Of The Unknown Shepperton Studios 1978 (24m 3s) Featurette du casting : Truckers In Space : (15m 46s) Featurette Promotionnelle : Experience The Terror 1979 P (7m8s) Extraits du tournage (20m 59s) Interviews de Ridley Scott (6m 27s) Alien - Post-Production (1m 39s) Archive Alien tirée du Laserdisc - Chapter 4 - Interview avec Ridley Scott (1m 49s) Archive Alien tirée du Laserdisc - Chapter 17 - Lanbeth Confronts Ripley (1m 39s) Condition de Kane (2m 16s) Ripley et Parker (1m 15s) Planning : The Search (2m 57s) A Quick Glimpse (48s) Ripley Reassures Lambert (1m37s) Séquence : The Airlock Pt. 1 (1m 02s) Séquence : The Airlock Pt. 2 (48s) Chapitre 17 - Ridley Scott et la séquence "The Cocoon" Chapitre 17 - Extraits du tournage B (Mute) (22s) Chapitre 17 - Extraits du tournage C (Mute) (38s) Chapitre 17 - Extraits du tournage D (1m17s) Chapter 18 - Trailer (1m09s) Chapter 20 - Interview de Ridley Scott (2m 49s) Spot TV A (29s) Spot TV B (9s) Spots TV C (37s) Trailer A (1m 07s) Collection de Bob Burns (16m 52s) Questions/Réponses avec Ridley Scott (15m 38s) Trailer du film (Director’s Cut)
ALIENS, le retour Dvd 1
Label THX Audio : VO Dolby Digital 5.1 + VF Dolby Digital 5.1 et DTS 5.1
Sous-titres : Anglais, Français et Néerlandais. Format 1.85 - 16/9ème Version Cinéma et Version Longue via le seamless branching
Editeur : Fox Pathé Europa
Bonus ALIENS, le retour : 57 Years Later : La continuité de l’histoire (10m 59s) Aliens Unleashed : Réactions au film (11m 38s) Beauty And The Bitch : Monte-Charge VS Reine Alien (22m 25s) Bug Hunt : Design des Créatures (16m 23s) Building Better Worlds : Du Concept à la Construction (13m 28s) The Final Countdown : Musique, Montage et Son (15m 30s) Animatiques-Pré-Visualisations en multi-angle avec/sans commentaire(s) (3m 14s) The Power Of Real Tech : Effets Visuels (27m 49s) The Risk Always Lives : Armes et Action (15m 12s) Preparing For Battle : Casting et Caractérisation (16m 59s) This Time It’s War : Pinewood Studios (Featurette originale de 1985) (19m 39s) Two orphans : Sigourney Weaver et Carrie Henn (Newt) (13m 47s) Interview de James Cameron (9m 29s) Extraits Interview/Film de James Cameron (3m 13s) Introduction de James Cameron sur la version originale/étendue (31s) Trailer : Aliens International (29s) Trailer : Aliens Domestic (32s) Spots TV : Aliens (29s) Easteregg : The Boy And His Power Loader (9m 35s)
Bonus caché : L’enfant et son Monte-Charge (9m 35s)
ALIEN 3 Dvd 1
Audio : VO Dolby Digital 5.1 + VF Dolby Digital 5.1 Sous-titres : Anglais, Français et Néerlandais. Format 1.85 - 16/9ème Version Cinéma (111mn) et Version Longue (139mn) via le seamless branching
Editeur : Fox Pathé Europa
Bonus ALIEN 3 : Special Edition Feature (138m 51s) Pas de director’s cut de Fincher sur cette version longue
Featurette : Music, Editing et Sound (14m 50s) * Featurettes : Adi’s Workshop Production (23m 26s) * Featurette : Optical Fury Visual Effects (23m 18s) * Featurette : Post Mortem Reaction To The Film (5m 46s) * Multi-Angle Segment E.E.V. Bioscan Avec Commentaire (12m 1s) * Featurette : Réalisation - Partie 1 (18m) Featurette : Time Lapse Sequence (4m 33s) Featurette : Xeno-Erotic - Redesign par H.R. Giger’S (10m 17s) Featurette : Tales Of The Wooden Planet - vu par Vincent Ward (13m 9s) Commentaire audio (109m 59s) Featurette : Pre-Production - Partie 3 (1m 39s) Featurette : Développement - Concluant l’histoire (16m 54s) Featurette Alien³ (2m 47) Featurette sur le design des créatures : Adaptive Organism (20m 31s) Making of d’Alien³ (22m 25s) Trailer A (1m 00s) Trailer B (1m 07s) Trailer C (1m 01s) Trailer D (31s) Trailer E (1m 06s) Spot TV : Three Times (14s) Spot TV : Everywhere (15s) Spot TV : Review (14s) Spot TV : A True Knockout (28s) Spot TV : Galaxy Review (29s)
ALIEN RESURECTION Dvd 1
Label THX Audio : VO Dolby Digital 5.1 + VF Dolby Digital 5.1 et DTS 5.1 Sous-titres : Anglais, Français et Néerlandais. Format 2.35 - 16/9ème Version Cinéma (111mn) et Version Longue (139mn) via le seamless branching Editeur : Fox Bonus ALIEN RESURECTION : Featurette : Virtual Aliens - Computer Generated Imagery (9m 51s) Featurette : Under The Skin - Casting et "Characterization" (12m 44s) Featurette : French Twist Direction et Design (26m 7s) Alien Extra Easter Egg (6m 47s) Featurette : A Matter Of Scale - Photographie miniature (22m 48s) Introduction à la Version étendue (44s) Extraits des tests des Costumes des Créatures et des segments (14m 27s) Multi-Angle Segments sans Commentaire (8m 34s) Featurette : In The Zone - The Basketball Scene (6m 41s) Featurette : Death From Below - Photos sous-marines (31m 35s) Featurette : Unnatural Mutation - Design des créatures (26m 21s) Featurette : Genetic Composition Music (13m 8s) Featurette : From The Ashes - Reviving The Story (10m 3s) Featurette : Critical Juncture - Reaction To The Film (14m 26s) Making of d’Alien Resurrection (25m 42s) Commentaires audio du réalisateur (104m18s) Spot TV : Scream (28s) Spot TV : Host (28s) Spot TV : Scream Cut Down (14s) Trailer (2m 19s) Spots TV D (1m 41s)
DVD 9 BONUS ALIEN Quadrilogy
Alien - le 8ème passager avec des bonus issus de la version LD : - Le documentaire BBC : Alien Evolution (75’) - Expérimenter la Terreur (1979) - l’interview de Ridley Scott - Archives LaserDisc - 2 BA & Spot tv Aliens, le retour avec des bonus issus de la version LD : - Archives LaserDisc - teaser / 3 BA (cinéma / Vidéo & internationale) + spot TV Alien 3 - documentaire - 5 bandes-annonces - 7 spots TV Alien : la résurrection : - teaser - bande-annonce - 4 spots TV Galerie (illustrations comic-book) + Supp’ DVD-ROM
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