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Tintin est-il déviant ?

Publié le 30 Juillet 2009, 17:38pm

Catégories : #ARTICLES PRESSE & DOSSIERS

Quand Tintin fait le guet...

 

Tintin boy-scout est aussi Tintin schizo. S’il n’était qu’un petit humaniste dévoué aux bonnes causes, il y aurait longtemps qu’il nous aurait lassés en s’inscrivant dans un club où rayonnent soeur Emmanuelle et l’Abbé Pierre.
Pierre Sterck, Tintin schizo

 

Quand Hergé, totemisé Renard Curieux, fit ses débuts dans une revue scoute, il avouait volontiers que Tintin, épris d’aventure et de justice, était l’incarnation des valeurs de ce mouvement. De fait, rarement personnage aux traits si lisses et aux moeurs si simples aura été aussi adulé ...et disséqué. Flanqué de son éternel fox, le jeune reporter à la houppe qui paraît, du haut de son empire, n’avoir rien à envier à Largo Winch semble n’avoir pas pris une ride alors que l’on a fêté cette année son quatre-vingtième anniversaire et que s’ouvre cet été en Belgique le musée qui lui est dédié à Louvain-la-Neuve [ouverture des portes le 2 juin 2009. En octobre, ce musée accueillera "Tchang et Hergé", une exposition temporaire consacrée à l’artiste chinois Tchang Tchong Jen, ami de Hergé, dans le cadre officiel d’Europalia Chine 2009, qui est aussi l’année du 75e anniversaire du "Lotus Bleu"].

 

Pourtant, derrière la bonhommie évidente du personnage et de ses comparses, qu’on devrait retrouver au tout début de l’année 2011 dans l’adaptation cinématographique du Secret de la Licorne et du Trésor de Rackham le Rouge par Steven Spielberg et Peter Jackson [Jamie Bell (Billy Elliot) incarnera Tintin tandis que Daniel Craig (James Bond) interprétera Rackham le rouge, bon nombre de spécialistes tintinophiles se plaisent à chercher la faille dans la cuirasse. Forts du mot de Jankélévitch selon lequel « le respect est parfois une barrière à l’amour », d’aucuns n’hésitent pas à revisiter les arcanes tintinniennes afin d’exhumer à la vue de tous les éléments qui permettraient de penser autrement Tintin que selon la ligne - claire - officielle régentée par les ayants-droits d’Hergé. Emerge alors au gré des Aventures... et des rencontres le comportement hors-norme du héros préféré des lecteurs de 7 à 77 ans qui tend à s’affirmer comme "déviant".

 

 Sexuelle, politique, religieuse, sociale, la déviance s’applique en effet à une manière d’être, de penser ou de se conduire qui s’écarte des standards sociaux, moraux ou culturels régissant une collectivité. Elle peut concerner un individu ou un groupe, être choisie ou subie. Quelle qu’elle soit, observe Albert Ogien (Sociologie de la déviance, Armand Colin) elle suscite généralement une réaction de malaise ou d’agressivité, et le groupe dont on a divergé s’efforce, par des moyens médicaux, sociaux ou judiciaires, de la neutraliser, de la contrôler ou de l’intégrer. Comme l’indique l’étymologie, la déviance concerne tout ce qui s’éloigne du droit chemin.

 

Tintin est-il humain ?
De ce point de vue, comme en témoigne l’essayiste et auteur dramatique Jean-Marie Apostolidès dans Les métamorphoses de Tintin, Tintin, de par son angélisme affiché, sort bien parfois du sillon psychologique et existentiel qu’il ne devrait point quitter. Petit garçon au sobriquet enfantin qui ne veut pas grandir et se confonter à la figure du Père ou des substituts qui en tiennent lieu - Hergé reconnaît dans son Entretien avec P. Hamel et B. Peeters qu’il connaît bien la psychanalyse de Jung -, Tintin n’a pas de parents attitrés, c’est une sorte d’"enfant trouvé" tout-puissant qui semble plier le monde à ses volontés. Mais sans père il est aussi sans repère (sans rival au sens pyschanalytique), et c’est auprès d’autres figures (Haddock, Siclone, Calystène, Halambique, Tournesol...) qu’il cherchera une incarnation du mystère, de la loi et de l’autorité.
On peut ainsi lire L’Etoile mystérieuse comme une exploration de l’enfance (insulaire) primitive et de ses peurs où il faudrait pouvoir établir sa marque pour éviter d’être dépendant d’une Mère-nature toute-puissante et monstrueuse. Notre héros lutte en ce sens pour maintenir ce qu’Apostolidès nomme la « structure de l’ordre » et vivre au regard des valeurs que tout père, symbolique ou effectif, impose à sa descendance) : installé dans une zone pré-oedipienne rassurante, le héros est semblable à un personnage de contes de fées. Refusant comme Peter Pan de vieillir, il n’a aucune vie personnelle, n’a rien d’individualisant et voit toutes les choses à l’entour comme issues d’une famille unique. D’où dans les premiers albums sa non distinction de ce qui sépare les êtres et les cultures.
 

 

Malgré ses errances autour du monde, rien de l’univers extérieur ne pénètre chez Tintin. (J.-M. Apostolidès)

Méconnaissant la sexualité et obsédé par le Bien, sans femme ni argent, il cherche seulement, note l’auteur des Métamorphoses..., à « rétablir sur terre l’état d’innocence paradisiaque » originaire, ce qui contribue à le perdre dans notre monde symbolique de consommation et d’ échanges. Il échappe ainsi aux règles admises par la société qu’il assimile à un monde dégradé, ne trouvant parfois le repos, via des robinsonnades qui ne déplairaient pas au Deleuze de La logique du sens, que dans la Nature. Sa déviance s’enracine en ce que, dépourvu d’origine et de filiation assignables, il n’a paradoxalement pas grand chose d’humain ne dispose d’aucune existence privée, ce qui explique le "communisme" du château de Moulinsart.

 

Il n’accumule rien, n’apprend rien, ne possède pas de caractéristiques qui le rapprocheraient des humains ordinaires (...) Tintin revient sans cesse à la case de départ puisque l’expérience n’a pas prise sur lui. (...) c’est pourquoi il ne viellit jamais. (J.-M. Apostolidès)

 

 Haddock ou le retour impossible au monde réel
Héros sotériologique tel le Christ, sans amour ni haine, ce surhomme en pantalons de golf qui refoule tout désir ne vit que dans ce miracle permanent au fil de ses exploits : restaurer le Bien ici-bas. C’est cet irréalisme des premières aventures encore dédiées à la figure de la première enfance culminant dans Le Sceptre d’Ottokar que vient contrer la figure de Haddock, bouche sur pattes toute en démesure et oralité introduite par Hergé à partir du Crabe aux pinces d’Or (le capitaine alcoolique est à la tête d’un navire faisant à son insu du trafic d’opium et où Tintin est emprisonné par le bras droit du méchant Rastapopoulos). Haddock permet à Tintin d’entrer dans le monde objectif des échanges et des adultes, de commencer une existence personnelle au lieu de rester dans son quant-à-soi.

 

Une relation particulière qui amène le Capitaine, perdu dans le désert, à vouloir ensuite faire sauter la tête de Tintin comme un bouchon de champagne, ce qu’Apostolidès assimile à un désir homosexuel explicite, l’alcool qui équivaut à une pulsion du Ça freudien étant de l’ordre du symbole phallique. Haddock qui, plus loin, remet le couvert phantasmatique en voulant cette fois « boire Tintin » ramené à une bouteille de bourgogne rouge !
Or, en menant Haddock à maîtriser ses pulsions destructrices, Tintin va prendre conscience des siennes propres : ainsi de la scène plus loin où, dans une cave de Bagghar, Tintin et Haddock, enfermés par des bandits sont enivrés par les vapeurs de l’alcool et goûtent au plaisir défendu de la saôulerie collective, Tintin entonnant un air d’opera et encourageant Haddock à se comporter ...comme un chien. Ce passage de l’univers théologique à l’univers psychologique, en même temps qu’il donne la vedette des Aventures... au capitaine, permet au héros pré-oedipien qu’était Tintin, indifférent jusqu’alors à la différence des sexes, de s’ouvrir à la sexualité humaine au sens où le reporter, "au-delà d’un desir homosexuel inconscient et constamment réprimé" (Apostolidès), accède enfin à un univers tant personnel que phantasmatique.

 

Mais c’est là une exception, la déviance de Tintin l’empêchant le reste du temps de quitter le monde de la petite enfance, le temple du sommeil. Curieusement, face au falot capitaine, aussi maladroit qu’exubérant, note Apostolidès, Tintin, avec son contrôle permanent des pulsions agressives ou sexuelles, incarne un être abstrait, tout en refoulement : son ouverture à la vraie vie a échoué.

 

Ce qu’ignore l’enfant trouvé, c’est que dans le combat fraternel qu’il livrera au capitaine, le vainqueur n’est pas celui qu’on atendait. (J.M. Apostolidès)

P
our parler de déviance, il faut que soient réunis trois éléments : existence d’une norme, transgression de cette norme et stigmatisation de cette transgression. L’origine de la déviance n’est donc pas à chercher dans la nature profonde de l’individu, mais bien plutôt dans son rôle social, lequel détermine son identité. La déviance s’inscrit dans une dialectique dont le pôle opposé est forcément la norme qu’elle enfreint. Partant, le déviant est celui qui, par consensus communautaire, est affublé d’une étiquette - véritable "stigmate social"- ; celui qui ne souscrit pas à la morale commune.

 

 

Tintin incarne l’universalisme occidental ... qu’il subvertit
Le professeur et critique d’art Pierre Sterckx pose alors dans son essai, Tintin schizo, la dérangeante question : é-norme par définition, Tintin est-il fou ? Dépositaire des grandes valeurs universelles, Tintin arpente certes le monde et rencontre partout la différence, le relativisme, l’opposition (les tribus en Afrique et en Amériques, les commnuautés chinoise et manouche, les moeurs orientales etc.). Mais « chez Hergé, dit Apostolidès, l’idéal est premier : l’essence précède l’existence ». N’en déplaise à l’existentialisme sartrien, l’idéal seul importe au père de Tintin. Est premier pour lui non ce que nous faisons, la somme de nos actes, mais la source suprasensible dont nous provenons et sommes le reflet dans le monde de la contingence historique. Or, en en restant à cette essentialité originaire, Tintin dévie de la norme commune :

Tintin est un héritier kantien du Siècle des Lumières pour lequel le beau, le vrai et le bien sont des vérités universelles, c’est-à-dire des universalités distribuées par l’Occident à tous les peuples de la Terre...
 (P. Sterckx)

S’il n’est pas le personnage conventionnel et froid, humaniste et chrétien, misogyne et réac que l’on décrit parfois, le fait est qu’il passe le plus clair de son temps à transcender les codes moraux et politiques de son temps. Ainsi est-il passionné de civilisations exotiques mais les cultures planétaires l’intéressent-elles moins qu’il y paraît : le monde des Arumbayas (L’oreille cassée), des Indiens (Tintin en Amérique), des Incas (Le temple du du soleil), la figure du Yéti (Tintin au Tibet) ou du gorille (L’île noire), la découverte des cercles lunaires (On a marché sur la lune) : tout cela, qui méritait bien un "scoop", est pour finir ex-pliqué, mis à plat, à ce point décodé que le pouvoir magique qui s’y lovait s’en est comme absenté. Au croisement de la psychanalyse et de l’ethnologie, Tintin est un grand décrypteur qui démythifie en permanence. Etre fourchu, il incarne selon Sterckx à la fois la raison du système occidental et sa folie.

 

Hergé n’est pas (...) un homme de la désillusion et du désenchantement, (...) il est un héritier de cette modernité - esquissée par Spinoza ou Leibniz, et pleinement affirmée, un siècle plus tard, par Kant, Voltaire, Diderot (...). (P. Sterckx)

 

 Double et ambigu, s’il n’est pas le sage porte-parole des codes moraux et politiques de son temps (il dénonce les inégalités craintes dans Tintin au pays des Soviets et Le Lotus bleu par exemple), Tintin ne fait pourtant pas qu’affronter les codes extérieurs à lui ; il va au-delà d’eux, tentant d’en expérimenter la source, d’où toute une série d’hallucinations (l’alcool d’Haddock, le poison, l’opium, les fakirs...), les cauchemars et les rêves confondus avec le réel. Ainsi, quoique inscrit dans l’ordre, dans l’immobilisme social et moral qu’on lui connaît, le petit reporter est toujours attiré par les marques de la déviance.
D’où son flirt permanent avec la folie. Mais il est moins schizophrène (cette maladie mentale qu’on s’emploie à enfermer, d’où un Tintin à l’envi "jeté en asile ou en prison, enterré vif, momifié"...) que, au sens de Deleuze et Guattari dans les Mille Plateaux, ce qu’on peut qualifier de "schizo". Sorte d’electron libre multidirectionnel, Tintin ne s’inscrit pas dans l’orbite de l’universalisme et du capitaslime occidental dont il devrait promouvoir les codes anthopocentriques, il ne fait pas que vouloir éclairer rationnellement le monde mais s’en écarte sans cesse dans une trajectoire schizoïde qui se veut puissance créatrice.

 

Schizo (...) est une production de désir et de langage qui fait passer des flux (actes, signes) à l’état libre. (P. Sterckx)

 

Sous des dehors de brave garçon, cet "énergumène indiscipliné au devenir imprévisible" est plus complexe qu’il y paraît : il est sans cesse en mouvement tout en ne changeant pas ; il vit dans une « solitude radicale, absolue » mais en étant toujours entouré (d’amis ou d’ennemis) ; il se retire souvent à Moulinsart mais y est tout de même exposé aux bouleversements du monde ; il est au cours de ses aventures constamment confronté à la mort tandis qu’il est plus immortel qu’ Highlander. Qui plus est, on ne lui connaît aucun fantasme sexuel ! Avouez qu’il y a de quoi perdre son latin...
Tintin n’entérine donc pas un "empire des signes d’Occident" par ses sempiternels voyages mais se délie et s’absente, faisant plutôt exploser toutes les structures préexistantes à son propre mouvement. La loi - incarnée par les Dupondt - lui colle aux basques mais il est rétif à la norme. Adepte des temps morts (déambulation nocturne à Shangai, endormissement à la belle étoile en Syldavie, rêverie bucolique à Moulinsart au son d’un air manouche...), "il se tient au coeur de l’évènement d’une façon schizoïde." Petite planète ex-orbitale, il sait s’approcher de l’imperceptible. Ni voleur ni violeur ni touriste, "il intervient" affirme Sterckx.

 

 Ce qu’il va chercher jusque sur la Lune, déviance assumée, ce sont rien moins que " des occasions d’éliminer sa propre culture", de "se détérritorialiser totalement, se volatiliser comme sujet bien élevé - bien pensant." Il trahit ainsi sans cesse le monde capitaliste qui est censé l’envoyer en mission pour asseoir son emprise sur l’atérité des significations ...puisqu’il se révèle lui-même un fou qui échappe au système en parvenant à occuper l’espace d’un temps -toujours provisoire mais répété - le lieu de la déviance absolue représentée notamment par la drogue et l’alcool, les hallucinations et les pscychotropes. Dans Tintin et l’alcool (interdit à la vente par Moulinsart), Bertrand Boulin remarque que l’oeuvre de Tintin vaut comme une société universelle avec ses complexités, ses rêves, ses non-dits et ses interdits - en particulier au sujet de l’alcool, ses dépendances, ses audaces et ses folies. (on peut consulter sur ce point le stimulant site Tintin et les psychotropes)

(...) l’indifférence affective qui en résulte, la rupture entre une vie imaginaire totalement libérée et un comportement social hyper-conditionné, tout cela ne fait plus partie d’un modèle négatif classé sous la rubrique ’schizoïdie’ mais est devenu au contraire un idéal à atteindre... (Pierre Sterckx)

 

Contre toute forme de linéarité, le mouvement brownien est en définitive le credo de Tintin, l’échappement vers le vide est son maître mot : "Etre schizoïde, c’est oser des connexions sub-atomiques, aller aux particules les plus hétérogènes afin de les agencer dans des ensembles inouïs".

 

La déviance de l’hétérosexualité ou quand Tintin fait le guet
La déviance n’est pas une nature, mais bien une (contre)forme sociale, qui remet en question légitimité, relativité et rébellion. Si le principe de déviance permet de jauger le degré de liberté qu’une société est prête à accorder à ses membres, les normes, comme la censure, qui sont les modes d’autoprotection ou d’autopréservation de cette société révèlent pour leur part aussi bien ses valeurs que ses peurs.
D’où la tentation, une subversion venant en chasser une autre, de briser l’asexuation revendiquée de Tintin (cf l’exercice de ventriloquie quasi schizophrénique dans Lire en 1978, où Hergé fait parler Tintin à sa place...) pour lui substituer l’image, politiquement incorrecte mais plus hype, d’un boy-scout belge gay. Matthew Paris s’est ainsi complu dans un article du Times de janvier 09 (Of course Tintin’s gay. Ask Snowy : « Bien sûr que Tintin est gay, demandez à Milou ».), s’inspirant certainement de l’album pastiche Tintin en Thaïlande où notre reporter faisait son coming-out, à jouer de l’Outing forcé pour raviver les clameurs des ligues de vertu et, qui sait, les pousser à interdire les albums de Tintin pour soustraire les enfants à son influence déviante.
Ancien boy-scout lié aux milieux catholiques belges les plus réactionnaires (via son employeur Le Petit Vingtième), éternel célibataire, à qui on ne connaît aucune liaison féminine (sauf la Castafiore, ses amis sont tous des hommes - dont les Dupont-Dupond, "flamboyant couple moustachu" rencontré "en croisière", qui aiment se travestir...), tout plaide en vérité contre lui :

Un jeune homme sans expérience, androgyne, avec une houppe blonde, des pantalons bizarres et une écharpe, qui emménage dans le château de son meilleur ami, un marin entre deux âges ? (Matthews Paris)

 

 

L’écharpe est un signe qu ne trompe pas. Bien entendu, on ne saura jamais si Tintin était gay ou pas, conclut M. Paris. "Milou a tout vu. Milou sait tout. Et Milou ne dira jamais rien". Reste que le doute est permis : fort mignon avec sa petite mèche et sa tenue un peu moulante, Tintin, avec sa libido inexistante, sa relation ambiguë avec le capitaine Haddock et ses rapports plus qu’affectifs avec Tchang - sans oublier les inséparables Dupond-Dupont -, est un reporter qui ne séduit jamais les femmes (quasi inexistantes hormis la présence d’une Castafiore à la limite du drag-queen). Une recherche dans Google sur les termes « Tintin » et « gay » donne 526 000 références...
En définitive, la déviance, si elle n’est pas véritablement subversive, peut contribuer, les moeurs changeant, à la régulation, voire au renforcement de la norme. D’où l’attrait exercé par Tintin sur les parodistes, eux-mêmes apôtres de la déviance en tant qu’écart par rapport à la forme paradigmatique, qui ne se privent pas pour inventer à Tintin nombre de comportements sexuels satiriques, souvent plus ludiques que scandaleux. Autre façon pour Tintin d’honorer le sens littéral de la déviance en traçant de nouvelles lignes de fuite (on peut citer entre autres les pastiches Tintin en version X , Tintin fait un porno, Aventures libertines de Tintin n°1 de Jan Buquoy, et la revue Croc,"Special Gai" (Québec, 1983) où Tintin se fait frictionner par un Haddock SM ! Quiconque aspire à faire le bilan mouvementé de toutes ces exégèses tintiniennes peut aussi consulter notre ouvrage Après,Tintin... éditons BOD, avril 2009) 

 

 Il n’est pas impossible de ce point de vue que le héros de Hergé ne propose pas seulement une déviance sociale et esthétique, mais nous confonte, sentinelle insaisissable, à un espace possible de liberté permettant d’échapper au déterminisme et, comme Lao-Tseu l’a si bien dit, de "trouver sa voie". Et l’on songe à la boutade du général de Gaulle, rapportée par Malraux : Au fond, vous savez, mon seul rival international, c’est Tintin ! Nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands. On ne s’en aperçoit pas à cause de ma taille...
A déviant déviant et demi.

 

 frédéric grolleau

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