Cette fois ça y est, la déception est au rendez-vous. Autant les auteurs avaient non sans sagesse à peu près vaillamment tenu le choc jusqu’au quinzième tome, autant celui-ci, au moment même où les aventures de papier du golden boy aventurier sont adaptées au cinéma (connaissant d’ailleurs un certain succès), annonce clairement la couleur.
Devenu lui-même un (im)pur produit capitaliste, - retourne-toi dans ta tombe, Marx ! - Largo Winch fait désormais dans l’esbrouffe jamesbondienne, cultivant l’art des relations superficielles quand bien même pseudo-teintées d’une fidélité à toute épreuve, le tout sur fond de spiritualiré obsolète. Marre du beau chevalier blanc et son hégélien complexe de la belle âme !
Suite attendue de l’épisode « Les trois yeux des gardiens du Tao » (où Largo venu signer à Hong-Kong un accord de joint venture avec la Tsai Industries Corp. disparaissait, car devant honorer sa dette d’honneur envers une triade - dérober le Daodejing, manuscrit écrit de Lao Tseu, fondateur du taoïsme - et était déclaré mort par les cadres du groupe W), les diptyques ayant semble-t-il, Dupuis l’a bien compris, les faveurs du public plutôt que les séries interminables ou les one shot fugitifs, « La voie et la vertu » - qui porte fort mal son nom dans le contexte - surfe toujours sur la même vague archi poussive : le « milliardaire en blue jeans » s’échappe du piège qu’on lui tendait, rétablit la justice, se débarrasse des méchants et affiche son plus beau sourire Colgate après quelques cascades entouré de bimbos à moitié nues...
Surnage seul dans ce pâle marigot le personnage saphique de Silky, la pilote d’avion du héros, qui semble s’autonomiser en diable face à son patron - encore que la fin du maigre suspense, une course entre un hélicoptère et un hydravion en trois pages à la fin de l’album, est expédiée en deux de coups de cuillère à pot guère crédibles ! Bref, quand l’éthique se fait étique, le lecteur, à l’instar de l’hydravion susnommé, pique du nez.
Voilà qui n’a rien de palpitant, qui ne surprend aucunement et qui n’est acceptable somme toute que grâce à la maîtrise du dessin réaliste d’un Francq impeccable. Secondé par Fred Besson, le dessinateur nous livre des vues sompteuses en grand angle de la ville de Hong Kong, des décors très détaillés aux couleurs éclatantes. Certes. Mais quid du scénario quand on pense que van Hamme est derrière une saga culte comme celle, entre autres, de XIII ?
A découvrir en lisant Livres Hebdos qu’il s’agit pourtant, en dépit de la morosité ambiante, du livre qui se vend le plus, tous genres confondus, les mots nous en manquent. La crise a belle et bien des effets pervers. C’ets à croire que plus les gens sont fauchés plus ils sont crédules puisqu’on peut alors leur fourguer n’importe quel ersatz de bonheur et de richesse ...à petit prix.
frederic grolleau | ||
Jean Van Hamme (Scénario), Philippe Francq (Dessin), Fred Besson (Couleurs), Largo Winch, tome 16 : La voie et la vertu, Dupuis, 2008, 48 p. - 10,40 €. | ||
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