De l’art de catiner
Ce roman - premier volet d’une trilogie qui s’est fort bien vendue en Allemagne - porte un titre assez explicite pour qu’il ne soit point besoin de barguigner : Iny Lorentz plonge son lectorat dans les tensions féodales de l’empire germanique du XVe siècle en suivant le parcours, tragique et emblématique, de la jeune et belle Marie.
Cette fille de bonne famille de Constance voit en effet sa vertu comme sa vie brisées en 1410 par l’infâme Splendidus Ruppertus, avocat crapuleux attiré davantage par sa dot que par ses formes et ourdissant un terrible complot afin de transforrmer Marie - sur le point de devenir sa promise - en une vile catin tout juste bonne à vendre ses charmes pour survivre. Mais une catin qui, tout en se prostituant au quotidien, a de la suite dans les idées et ne vise désorrmais qu’à se venger de celui qui l’a fait bannir de la cité avec la tunique d’infamie sur les épaules...
Si les cinquante premières pages, trop conformes aux codes génériques du "roman historique" pour être attachantes, ne sont guère convaincantes (l’on passera sous silence la séquence du viol de la blanche et frêle héroïne par trois brutes - "épaisses" évidemment), en revanche il faut reconnaître qu’Iny Lorentz présente une vision bien documentée d’une Allemagne en proie aux dissensions tant politiques que religieuses (avec la Réforme qui se profile en toile de fond) et qu’elle fait honorablement état des divers schismes de l’époque. Il n’est pas inintéressant alors que ce soit depuis le point de vue de petites gens (les femmes de petite vertu) que s’établisse la critique en règle des seigneurs, prélats, mercenaires et autres bourgeois qui rêvent tous à leur façon de manger une part du gâteau séculier - tout en étant identiquement menés par le bout du nez... et d’un autre appendice qu’il n’est pas difficile d’identifier.
Bref, si on laisse de côté le refrain, tenace aux oreilles, d’une chanson de Mylène Farmer qui assimile volontiers le libertinage et le statut de catin, voici un épais roman/une fresque historique qui se laisse parcourir et invite à penser, au-delà des apparences, que les femmes dites vénales le sont parfois malgré elles, ce qui ne les empêche pas de manifester un mental à toute épreuve. Peut-être Nieztsche l’anticipait-il déjà, lui qui n’hésitait pas à poser, un rien polémiste, que la vérité se trouve souvent sous les jupons des femmes ?
frederic grolleau
Iny Lorentz, La Catin (traduit par Frédéric Weinmann), Presses de la Renaissance, janvier 2008, 504 p. - 21,00 €.
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