L’argent pourrit les gens ?
Le précédent tome, "Le prix de l’argent", nous a exposé les affres de Winch, milliardaire en fuite car accusé d’avoir provoqué la mort en direct du directeur d’une petite société d’équipement sportif, Speed One, au capital détenu majoritairement par le Groupe W. Suite à une délocalisation pour cause de cotations en bourse et autres spéculations de requins en cols blancs, Tarrant s’est tiré une balle dans la tête (deux mille cinq cents travailleurs ont été licenciés, la comptable du W dépêchée sur place assassinée) et Largo est désormais traqué, outre les gardiens de l’ordre (monétaire), par un avocat aux dents longues qui entend lui faire rendre gorge des paquets de dollar dont il a le contrôle.
Bref, Largo n’a plus le temps de se raser de près et même ses compagnons d’infortune des précédents tomes le boudent quelque peu, soupçonnant (corruption de l’argent aidant) qu’il est devenu un grand vilain - lui aussi. Tel n’est pas le cas bien entendu, et après la descente aux abysses du golden boy, c’est ici à la résurrection du dieu Winch que l’on assiste, en vertu d’un schéma plutôt récurrent (pour ne pas dire usé) dans la saga orchestrée par Van Hamme.
Largo mène donc son enquête pour (se) faire justice (charité bien ordonnée...), ce qui va lui permettre d’épingler à son tableau de chasse quelques crapules supplémentaires. Ainsi découvre-t-il, ô infamie, un refrain naguère pulsé en métropole par un groupe de rap qui commençait alors tout juste à faire parler de lui : J’en ai le sentiment, l’argent pourrit les gens. La mondialisation en est pour ses frais (une prise de conscience passant justement par l’achat de cet album, hum...), dont acte.
Rien de nouveau donc sous le soleil de l’empire winchien et des de stock-options (déjà mises en scène dans le précédent cycle "Opa"). Largo est grand, il est beau il est bon, les femmes sont folles de lui, seuls changent les personnages satellites qui gravitent autour de sa noble stature... etc. L’aventure est menée tambour battant (Jean Van Hamme a de la bouteille tout de même), Philippe Francq excelle plus que jamais dans un dessin hyperréaliste et les couleurs sont impeccables : voilà un produit-BD comme certains en raffolent, sans nul doute.
Ceux que lassent les vieilles lunes des complots politico-financiers et des super-héros à qui tout sourit devront trouver ailleurs de quoi alimenter les rêves qui leur restent. Ou répondre aux lancinantes et véritables questions qui demeurent, du genre : jusqu’ où chacun de nous consentirait-il à aller pour réaliser le maximum de profit aux dépens d’autrui ? Mais il est vrai que, on l’oublierait pour un peu, la casuistique, Largo, c’est pas son truc.
frederic grolleau
J. Van Hamme, Francq, M. Alluard, Largo Winch, tome 14 : "La loi du dollar", Dupuis, Coll. "Repérages", 2005, 48 p. - 9,80 €.
Commenter cet article