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Individu et mondanité : Scorsese ("The Age of Innocence") et la robe jaune de Tissot ("Evening")

Publié le 19 Juillet 2024, 17:20pm

Catégories : #Ateliers audiovisuels

Individu et mondanité : Scorsese ("The Age of Innocence") et la robe jaune de Tissot ("Evening")

Exercice :

Analyser le tableau ci-dessous de James Tissot mis en avant dans le fil de Scorsese afin d'éclairer ici le lien entre individu et communauté


 

Dress code
Tissot le voluptueux, jusqu’à faire sa cour à « une danseuse de corde », nous dit encore Goncourt, n’eut pas uniquement foi en lui. Très patriote, comme il le prouva en 1870-71, catholique breton formé chez les Jésuites, il affiche envers l’argent et la religion une relation toute protestante, volontaire et conciliatrice. Ses premiers tableaux mettent en scène, de façon révélatrice, la séduction de Marguerite par Faust, ils font aussi une place à Luther et aux symboles du sacrifice christique. (…) Tout laisse à penser cependant que le peintre, malgré les profits qu’il en tira, en France et plus encore en Amérique, se voulut un serviteur conséquent des affaires célestes et l’adversaire de « l’irréligion d’État », que le tout jeune Proust dénonça en 1892. Au temps du Banquet et de la Revue blanche, Marcel a croisé Tissot dans l’entourage de Robert de Montesquiou et l’a fait savoir. Une même relation d’appétence et de distance au snobisme les rapproche à leur insu. Les Plaisirs et les Jours illustré par Tissot, et non par Madeleine Lemaire, c’eût été le rêve. Un siècle plus tard, le Martin Scorsese de The Age of Innocence y importe, à trois reprises, les tableaux du Français en manière de collage ironique et érotique… Aimer le beau sexe et la peinture à égalité, mener grand train sans négliger les devoirs de la piété, Tissot n’y voyait aucune contradiction, au contraire. C’est peut-être la clef de son génie déroutant.
Stéphane Guégan

https://moderne.video.blog/tag/degas/page/2/

 

Portrait, scène de genre ou critique de la société ?

Jacques Joseph Tissot naît à Nantes en 1836. Ses parents, qui exercent le négoce de tissus, lui insufflent le goût pour les belles matières et la mode. En 1856, le jeune homme se rend Paris pour se former à l'École des Beaux-Arts. Dès 1859, il expose au Salon et commence une carrière de peintre tournée vers la représentation de la haute société du Second Empire. Il se fait alors prénommer James.

C'est après la Commune, en 1871, que Tissot s'installe en Angleterre pour une dizaine d'années. Il y rencontre Kathleen Newton (1854-1882), sa compagne et sa muse, qui lui sert régulièrement de modèle. C'est elle qu'il représente dans ce tableau, intitulé Evening (Le Bal) image principale. Très vite, James Tissot est reconnu comme le peintre des « mondains ».

UNE IMAGE TOUT EN MOUVEMENT
La toile présente une jeune femme, accompagnée d'un homme visiblement plus âgé qu'elle, faisant son entrée au bal. Le modèle est en mouvement ; la scène semble prise sur le vif.

En figurant une femme vêtue d'une robe d'un jaune éblouissant, Tissot se place dans le sillage de grands portraitistes tels que Jean-Auguste-Dominique Ingres, qu'il admire et dont il copie même le Portrait de madame de Senonnes.

Attentif à la mode, le peintre analyse et dissèque presque tous les effets de cette magnifique « robe à tournure », qui envahit l'espace de la toile. Son incroyable traîne est composée de rubans et de dentelles qui se superposent. Dans un jeu de courbes et contre-courbes, Tissot entraîne le regard du spectateur de l'angle inférieur gauche à l'arrondi de l'éventail et la ligne des épaules.

UN FORMAT ÉTROIT QUI MET EN VALEUR LA TOILETTE
Le peintre adopte un format très étroit, qui n'est pas sans rappeler celui des estampes japonaises, qu'il apprécie comme bon nombre de ses contemporains. Un imprimé japonais au motif de poissons est d'ailleurs visible dans la partie basse du tableau.

Le cadrage resserré concentre l'attention sur la jeune femme, et plus encore sur sa tenue de bal, que le peintre décrit avec beaucoup de détails.

À la différence de Bonnard, qui, dans un esprit très japonisant, simplifie les lignes et semble placer tous ses éléments sur un même plan, Tissot laisse entrevoir la profondeur du champ pictural ; d'autres convives sont, en effet, représentés à l'arrière-plan. C'est là, au milieu de cette société huppée, que se jouent et se déjouent les codes qui régiront désormais la vie mondaine de cette jeune femme.

Quelques années plus tard, Tissot reprendra ce thème dans une toile intitulée L'Ambitieuse.

UNE IMAGE DE MODE OU UNE CRITIQUE SOCIALE ?
La robe semble être le véritable protagoniste du tableau. Cette image de jeune femme élégante devance l'illustration de mode, remplacée plus tard par la photographie.

Le modèle, dont la jeunesse contraste avec l'âge mûr des messieurs qui l'entourent, pose. Mais son visage lisse et régulier n'exprime rien, sinon une forme de détachement. La jeune femme présente si peu de caractères distinctifs que le spectateur comprend assez vite que l'enjeu de Tissot n'est pas de peindre un portrait, mais plutôt un archétype. Oui, mais lequel ? Une dame de la haute société ? une demi-mondaine ? une cocotte, cherchant la réussite en moyennant ses charmes et sa jeunesse ? Les intentions du peintre n'apparaissent pas clairement. Celui-ci joue sur l'ambiguïté, en exprimant à la fois fascination et ironie mordante à l'égard de cette société.

UN STYLE BIEN PERSONNEL
À la différence des peintres novateurs qui lui sont contemporains, Tissot traite des sujets modernes avec une approche particulière, celle du mélange des genres picturaux. Evening oscille ainsi entre scène de genre réaliste, gravure de mode et peinture d'histoire.

Grâce à un dessin très précis, au jeu des regards et des postures, Tissot traque les codes de la société victorienne. Dans la grande accumulation de détails qui remplissent la composition, le peintre livre autant une image de mode qu'une interrogation sur les conventions mondaines. À la différence des impressionnistes qui se jouent de l'éphémère et des sensations fugitives, Tissot incise le tissu social. Lorsque Renoir peint avec amour sa sensuelle compagne dans une somptueuse robe noire, Tissot, lui, montre son modèle dans une mise en scène ambiguë qui en soulève les paradoxes.

UN UNIVERS PROUSTIEN AVANT L'HEURE
Des années plus tard, l'œuvre de Tissot trouvera un écho dans la littérature, sous la plume de Marcel Proust. Dans son roman intitulé À la recherche du temps perdu, publié entre 1913 et 1927, l'auteur se base sur ses souvenirs pour dépeindre l'aristocratie et la grande bourgeoisie de son temps. Tissot comme Proust traquent et dévoilent ce qui se cache derrière les apparences.

Après la mort de Kathleen Newton en 1882, James Tissot rentre en France. À partir de 1888, ses convictions religieuses l'incitent à s'éloigner de ses thèmes de prédilection pour se consacrer aux sujets bibliques.

 

James Tissot (1836 - 1902), Evening (1878), Musée d'Orsay

Dans Evening, appelé aussi Le bal, Tissot décrit l'entrée d'une jeune femme, vêtue d'une luxuriante robe jaune, dans une soirée huppée. L'extrême féminité du personnage principal est mise en valeur par un savant jeu de courbes. Pratiquement au centre du tableau, son large éventail prolonge le galbe de ses épaules. Dans l'angle inférieur gauche, la longue traîne forme une impressionnante arabesque ascendante. Là, au milieu des rubans et des dentelles, apparaît un tissu à motifs japonisants de poissons dans l'eau. Ce détail doit être perçu comme une métaphore de la scène représentée, la jeune femme pénétrant dans un milieu où sa beauté l'imposera sans grandes difficultés.
De l'homme qui l'accompagne, on ne voit que le dos et la chevelure blanche. Ainsi dissimulé, ce personnage semble réduit à une seule fonction, celle d'ouvrir à sa partenaire les portes de la société mondaine. D'ailleurs la jeune femme se détache déjà de lui, portant son regard au loin.
A l'arrière plan, au milieu de la foule, on distingue deux femmes. Elles posent la nouvelle entrante comme une potentielle concurrente.
La Albright Knox Art Gallery de Buffalo, aux Etats-Unis, conserve dans ses collections une composition très proche de celle-ci, dont le titre, L'ambitieuse, dévoile un peu plus le projet de Tissot: livrer une vision incisive et critique des salons de son époque.

https://panoramadelart.com/analyse/evening


Dans Evening, appelé aussi Le bal, Tissot invite à l’observation d’une jeune femme faisant son entrée dans une soirée huppée. Vêtue d’une luxuriante robe jaune à longue traîne en forme d’arabesque, au milieu des rubans et des dentelles, un tissu à motifs japonisants de poissons dans l’eau… Métaphore de l’aisance certaine de la jeune femme à pénétrer ce milieu où seule sa beauté l’impose au rythme d’une valse.

https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/histoires-de-musique/james-tissot-un-carnet-de-bal-a-l-anglaise-7263396
 


 

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