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Individu et communauté dans "Le temps de l'innocence" (M. Scorsese, 1993)

Publié le 18 Juin 2024, 13:51pm

Catégories : #Ateliers audiovisuels

Individu et communauté dans "Le temps de l'innocence" (M. Scorsese, 1993)

The Age of Innocence, Opening Scene - Opera - Faust (4mn56)

Voir le générique : 
https://www.dailymotion.com/video/x89irrn

+ la scène à l'opéra :
https://www.youtube.com/watch?v=jaqbt-sLLWA

---> Analyse vidéo du film Le temps de l’innocence de Scorsese par Eric Schwald le 5 mai 2023 au Cinéma Elysée à Chantilly (58 mn) 
[voir le tag en 18.33 mn : "Une famille étouffante et mafieuse" (cf. Mrs Mingott en figure du Parrain - 19.31 mn) et l'analyse du générique en 21.18 mn]

---> Arnaud Desplechin présente Le temps de l'innocence de Martin Scorsese à la Cinémathèque française en février 2010
https://www.cinematheque.fr/video/529.html
[voir en 1mn53 le massif de fleurs et l'entrée d'Archer au cinéma puis le plan panoramique absolu d'Ellen évoquant son enfance, soit le Paradis ; et 6mn 10 sur le monde opaque et les codes étranger de la mafia
]

[en annexe, la scène du dîner de réhabilitation d'Ellen :]
https://www.youtube.com/watch?v=t08EQ-oo5rE

 

---> sur la question du couple (comme forme de communauté à côté de la famille et du village mis en avant par Aristote dans Les Politiques, I) présenté ici, écouter Athene noctua, Introduction au thème "Individu et communauté" (podcast, 14 mn), notamment à partir de 6mn13 jusqu'à 8mn05 sur les tensions entre individu et famille.

 

[Sur le problème posé par l'Etat (en tant que communauté aristotélicienne englobante) à l'individu, écouter à partir de 10.16 mn : problème du sacrifice de l'individu, la recherche de justice (Eschyle)  et les abus de l'Etat (Spinoza) et des sociétés individualistes pré-totalitaires]

Dans le prolongement, écouter aussi :

● Athene noctua, L'évolution du concept de communauté dans l'histoire (podcast, 17mn30)
[sur la distinction entre société et communauté, écouter à partir de 4.00 jusqu'à 8.32 mn ce qui sépare koinonia de communitas puis societas et définit le commun

 

Extrait du roman concerné :

Edith Wharton
Au temps de l’innocence, Revue des Deux Mondes, 6e période, tome 60, 1920 (p. 225-231).

 

chp II  
Au temps de l’innocence


I


Un soir de janvier 187…, Christine Nilsson chantait la Marguerite de Faust à l’Académie de Musique de New-York.

Il était déjà question de construire, — bien au loin dans la ville, plus haut même que la Quarantième rue, — un nouvel Opéra, rival en richesses et en splendeur de ceux des grandes capitales européennes. Cependant, le monde élégant se plaisait encore à se rassembler, chaque hiver, dans les loges rouges et or quelque peu défraichies de l’accueillante et vieille Académie. Les sentimentaux y restaient attachés à cause des souvenirs du passé, les musiciens à cause de son excellente acoustique, — une réussite toujours hasardeuse, — et les traditionalistes y tenaient parce que, petite et incommode, elle éloignait, de ce fait même, les nouveaux riches dont New-York commençait à sentir à la fois l’attraction et le danger.

La rentrée de Mme Nilsson avait réuni ce que la presse quotidienne désignait déjà comme un brillant auditoire. Par les rues glissantes de verglas, les uns gagnaient l’Opéra dans leur coupé, les autres dans le spacieux landau familial, d’autres enfin dans des coupés « Brown, » plus modestes, mais plus commodes. Venir à l’Opéra dans un coupé « Brown » était presque aussi honorable que d’y arriver dans sa voiture privée ; et au départ on y gagnait de pouvoir grimper dans le premier « Brown » de la file, — avec une plaisante allusion à ses principes démocratiques, — sans attendre de voir luire sous le portique le nez rougi de froid de son cocher. Ç’avait été le coup de génie de Brown, le fameux loueur de voitures, d’avoir compris que les Américains sont encore plus pressés de quitter leurs divertissements que de s’y rendre.

Quand Newland Archer ouvrit la porte de la loge réservée à son cercle, le rideau venait de se lever sur la scène du jardin. Le jeune homme aurait pu arriver plus tôt, car il avait dîné à sept heures, seul avec sa mère et sa sœur, et avait lentement fumé son cigare dans la bibliothèque aux meubles gothiques, la seule pièce où Mrs Archer permettait qu’on fumât. Il s’était attardé, d’abord, parce que New-York n’était pas une de ces villes de second rang où l’on arrive à l’heure à l’Opéra, — et ce « qui se fait » ou « ne se fait pas » jouait un rôle aussi important dans la vie de Newland Archer que les terreurs superstitieuses dans les destinées de ses aïeux, des milliers d’années auparavant.

Le second motif de son retard était tout personnel. Il avait flâné en fumant parce qu’étant au fond un dilettante, savourer d’avance un plaisir lui donnait souvent une satisfaction plus subtile que le plaisir même. Cela était vrai surtout quand il s’agissait d’un plaisir délicat, — comme l’étaient du reste la plupart des siens, — et, dans cette occasion, le moment qu’il escomptait était d’une qualité si rare et si exquise que, s’il avait pu fixer avec le régisseur la minute précise de son arrivée, il n’aurait pu choisir un moment plus propice que celui où la prima-donna chantait : « Il m’aime, — il ne m’aime pas, — il m’aime, » en laissant tomber avec les pétales d’une marguerite des notes limpides comme des gouttes de rosée.

Naturellement, elle chantait « M’ama, » et non « il m’aime, » puisque une loi immuable et incontestée du monde musical voulait que le texte allemand d’un opéra français, chanté par des artistes suédois, fût traduit en italien, afin d’être plus facilement compris d’un public de langue anglaise. Ceci semblait aussi naturel à Newland Archer que toutes les autres conventions sur lesquelles sa vie était fondée : telles que le devoir de se servir de deux brosses à dos d’argent, chiffrées d’émail bleu, pour faire sa raie, et de ne jamais paraître dans le monde sans une fleur à la boutonnière, de préférence un gardénia.

« M’ama, — non m’ama, » chantait la prima-donna, et « M’ama ! » dans une explosion finale d’amour triomphant. Pressant sur ses lèvres la marguerite effeuillée, elle levait ses grands yeux sur le visage astucieux du petit ténor, Faust-Capoul, qui, sanglé dans un pourpoint de velours violet, coiffé d’une toque emplumée, essayait vainement de paraître aussi sincère que sa candide victime.

Newland Archer détourna les yeux de la scène pour les plonger dans la loge d’en face. C’était celle de la vieille Mrs Manson Mingott, qu’une monstrueuse obésité empêchait depuis longtemps de se rendre à l’opéra, mais qui s’y faisait toujours représenter, les jours de première, par quelques personnes de sa famille. Ce soir-là, le devant de la loge était occupé par sa belle-fille, Mrs Lovell Mingott, et par sa nièce, Mrs Welland ; et un peu en arrière des matrones embrocardées était assise une jeune fille en toilette blanche, dont les yeux extasiés ne quittaient pas les amants sur la scène.

Comme le « m’ama » de Mme Nilsson vibrait dans la salle silencieuse, — les loges se taisaient toujours pendant l’air de la marguerite, — un incarnat plus vif monta aux joues de la jeune fille, embrasant son front jusqu’aux racines de ses tresses cendrées et envahissant le contour de sa jeune poitrine, où une modeste guimpe de tulle était attachée par un seul gardénia. Elle abaissa les yeux sur l’énorme bouquet de muguets posé sur ses genoux, et Newland Archer la vit caresser doucement les fleurs du bout de ses doigts gantés de blanc. Il poussa un soupir satisfait, et se retourna vers la scène.

Aucune dépense n’avait été épargnée pour les décors, dont la beauté satisfaisait même les familiers des opéras de Paris et de Vienne. Le devant de la scène, jusqu’à la rampe, était recouvert d’un drap vert émeraude. Au second plan, dans des parterres symétriques, en laine verte moussue, et bordés d’arceaux de croquet, étaient plantés des arbustes en forme d’orangers, mais fleuris de roses variées. Sous ces rosiers, dans la mousse, poussaient des pensées gigantesques, toutes pareilles à ces essuie-plumes que les vieilles filles brodent pour leurs pasteurs. Çà et là une marguerite s’épanouissait sur une branche de rosier, présageant déjà les futurs prodiges du célèbre horticulteur Luther Burbank.

Au centre de ce jardin enchanté, Mme Nilsson écoutait les déclarations passionnées de M. Capoul. Elle était vêtue d’une robe de cachemire blanc, ornée de crevés de satin bleu de ciel. Une aumônière pendait de sa ceinture bleue, et ses épaisses nattes jaunes étaient soigneusement disposées de chaque côté de sa chemisette de mousseline. Elle affectait une ignorance ingénue lorsque, de la parole et du regard, l’amoureux lui indiquait la fenêtre du rez-de-chaussée du pimpant chalet de briques qui sortait de biais de la coulisse droite.

« L’adorable enfant, » pensa Newland Archer, son regard revenant vers la jeune fille aux muguets, « elle ne se doute même pas de ce que cela veut dire. » Et il contempla le joli visage pensif avec un frémissement où l’orgueil de son initiation masculine se mêlait à un tendre respect pour la pureté profonde de la jeune fille. « Nous lirons Faust ensemble au bord des lacs italiens », se dit-il, les scènes de sa future lune de miel se confondant vaguement dans sa pensée avec les chefs-d’œuvre de la littérature que son privilège d’époux lui réservait de révéler à sa jeune femme. C’était seulement dans ce même après-midi que May Welland lui avait permis de deviner ses sentiments, et déjà les rêves du jeune homme, allant plus loin que la bague de fiançailles, le premier baiser et la Marche Nuptiale de Lohengrin, la lui représentaient à ses côtés dans quelque paysage magique de la vieille Europe.

Loin de vouloir que la future Mrs Newland Archer fit preuve de naïveté et d’ignorance, il désirait qu’elle acquît à la lumière de sa propre influence un tact mondain et une vivacité d’esprit la mettant à même de rivaliser avec les plus admirées des jeunes femmes de son entourage : car dans ce milieu c’était un usage consacré d’attirer les hommages masculins, tout en les décourageant. Si Archer avait pu sonder le fond même de sa propre vanité, — ce qui lui arrivait parfois, — il y aurait trouvé le souci que sa femme fût aussi avertie, aussi désireuse de plaire que cette autre femme dont les charmes avaient retenu son caprice pendant deux années. Cependant, chez la compagne de sa vie, il n’admettrait, naturellement, aucune faiblesse semblable à celle qui avait failli gâcher l’avenir de cette malheureuse, et qui avait dérangé ses projets à lui pendant tout un hiver.

Comment créer un tel miracle de feu et de glace, et comment le maintenir en équilibre, Newland Archer ne s’en inquiétait guère. Il se contentait de ce point de vue sans l’analyser, le sachant partagé par tous ces messieurs, giletés de blanc, aux boutonnières fleuries, qui se succédaient dans la loge du cercle, échangeant avec lui de légers propos, et lorgnant en amateur les femmes qui étaient les produits de ce système. Par sa culture intellectuelle et artistique, le jeune homme se sentait nettement supérieur à ces spécimens choisis dans le gratin du vieux New-York. Il avait plus lu, plus pensé, et plus voyagé que la plupart des hommes de son clan. Isolément, ceux-ci trahissaient leur médiocrité intellectuelle ; mais en bloc ils représentaient « New-York, » et, par une habitude de solidarité masculine, Newland Archer acceptait leur code en fait de morale. Il sentait instinctivement que sur ce terrain il serait à la fois incommode et de mauvais goût de faire cavalier seul.

— Bon Dieu ! s’exclama tout à coup Lawrence Lefferts, détournant sa lorgnette de la scène. Lawrence Lefferts était, somme toute, le premier arbitre de New-York en matière de « bon ton. » Non seulement avait-il probablement consacré plus de temps qu’aucun autre à cette étude compliquée et captivante, mais il y avait un sens inné et particulier du « bon goût » chez cet homme qui savait porter avec tant d’aisance des vêtements impeccables et tirer parti de sa grande taille avec tant de grâce nonchalante. Pour en être convaincu, on n’avait qu’à voir le modelage fuyant de son front chauve, le pli de sa magnifique moustache blonde, les longs escarpins vernis qui terminaient sa mince et élégante personne. Un de ses jeunes admirateurs avait dit : « Si quelqu’un peut décider quand on peut mettre ou non la cravate noire avec l’habit, c’est Larry Lefferts. » De même, sur l’alternative des escarpins ou des souliers « Oxford, » son autorité n’était jamais discutée.

— Bon Dieu ! répéta-t-il, et silencieusement il tendit sa lorgnette au vieux Sillerton Jackson.

Newland Archer suivit le regard de Lefferts et vit, avec surprise, que son exclamation avait été occasionnée par l’entrée d’une jeune femme dans la loge de Mrs Mingott. Cette jeune femme était svelte, un peu moins grande que May Welland, et ses cheveux bruns, coiffés en boucles serrées contre ses tempes, étaient encerclés d’une étroite bande de diamants. Le style de cette coiffure, lui donnant ce qu’on appelait alors une « allure Joséphine, » était souligné par la coupe un peu théâtrale de sa robe de velours bleu corbeau, serrée sous la poitrine par une ceinture que retenait une grande agrafe ancienne. La jeune femme, qui semblait inconsciente de l’attention qu’attirait sa toilette originale, s’arrêta un moment, refusant du geste la place que Mrs Welland voulait lui céder à droite de la loge ; puis, avec un léger sourire, elle se soumit et s’y installa à côté de Mrs Lovell Mingott.

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Analyse de cette séquence au regard de l'extrait opératique correspondant :

Charles Gounod, Faust (1859)
      
FAUST
Opéra en cinq actes

Livret
Jules Barbier et Michel Carré
d'après la pièce Faust et Marguerite de Carré, elle-même tirée du Premier Faust de Goethe

Première Représentation
19 mars 1859, Paris (Théâtre-Lyrique)
Distribution
LE DOCTEUR FAUST (ténor)
MÉPHISTOPHÉLÈS (basse)
VALENTIN (baryton)
WAGNER (baryton)
MARGUERITE (soprano)
SIEBEL (soprano)

CHŒUR
Étudiants, soldats, bourgeois, sorcières etc.

Résumé :

Dans l’Allemagne du Moyen-Age, le Docteur Faust, vieux savant fatigué de la vie, songe à en finir une bonne fois pour toutes lorsque Méphistophélès, le Diable, lui apparaît en chair et en os : rusé, il fait signer à Faust un pacte qui lui garantit une nouvelle jeunesse en échange de son âme. Séduit par l’image de Marguerite, que Satan lui a fait apparaître pour le convaincre, Faust part sur le champ séduire la belle, qui offrira peu de résistance à ses riches cadeaux et à ses élans amoureux. Méphistophélès, bien sûr, ne manque pas de coller à ses pas et d’anticiper ses moindres désirs. Séduite et aussitôt abandonnée par Faust, Marguerite tue l’enfant qu’elle a eu de lui. Emprisonnée pour son crime, elle donnera sa propre vie pour sauver son âme, malgré les efforts contraires du Diable pour en faire – comme Faust – sa propre créature.

 

Acte 1

Fatigué par la vie, le vieux Docteur Faust veut en finir avec le monde qui l’entoure. Au moment où il invoque Satan, ce dernier fait son entrée, l’épée au côté, la plume au chapeau, et propose au savant la jeunesse en échange de son âme. Méphistophélès lui fait apparaître la belle Marguerite, et Faust signe immédiatement le pacte. Rajeuni, il tente de se faire remarquer de Marguerite au cours d’une kermesse, flanqué de son diabolique alter ego, qui célèbre la gloire du Veau d’or.

 

Acte 2

Marguerite est courtisée par l’adolescent Siebel et protégée jusqu’à l’excès par son frère Valentin. Faust peut toutefois compter sur l’aide de Méphistophélès pour la conquérir : il dépose un riche coffret de bijoux devant la porte de Marguerite puis se recueille dans son jardin, profondément ému et, semble-t-il, épris de la jeune fille.

Acte 3

Marguerite n’a pas été indifférente au jeune homme qui l’a abordée durant la kermesse : mais qui est-il donc ? Elle fredonne la vieille ballade du Roi de Thulé avant de tomber, éberluée, sur les bijoux de Faust. Elle hésite, avant de s’en parer et de s’admirer dans un miroir, elle, modeste jeune fille que colliers et pendants d’oreilles transforment en reine. C’est le brillant et célèbre «Air des bijoux ».

NB : Le troisième acte contient des scènes décisives pour le destin de Faust et de Marguerite. Il débute dans le jardin de Marguerite, où la jeune fille doit choisir entre un bouquet de fleurs déposé par Siebel et un coffret rempli de bijoux de Méphistophélès au nom de Faust. Ce dernier exprime son impatience dans l’air « Salut, demeure chaste et pure », observant Marguerite au loin. Marguerite apparaît plongée dans ses souvenirs (elle repense à sa mère et sa soeur décédées), et après avoir pris le bouquet, elle se saisit du coffret et se pare des bijoux : c’est le fameux Air des bijoux. Elle les montre à sa voisine Marthe et souhaiterait revoir le jeune homme qui l’a abordée à la kermesse, maintenant qu’elle ressemble à une belle princesse. Méphistophélès détourne l’attention de la voisine en la courtisant et permet aux deux amoureux d’avoir un moment ensemble (duo « Il était temps ! Ô nuit d’amour… »).


--> Approche à mettre en lien avec les textes choisis sur le thème :

- le principe d'insuffisance ou d'incomplétude l'être chez Blanchot (contre la suffisance de la classe sociale whartonienne) et la surindivdualité (texte 1)

- le sujet « singulier-pluriel » et le partage communautaire chez Nancy (texte 2)

- la communauté comme mimésis et contagion chez Bataille (texte 3) (en relation avec le virus mortel dans Je suis une légende)

Extrait vidéo Scorsese =  Acte III, SCÈNE XI
Marguerite, Faust

N° 18 - Duo

MARGUERITE
courant vers le Pavillon

 

Il se fait tard,…adieu !

FAUST
l'arrêtant sur les premiers degrés de l'escalier


Quoi, je t'implore en vain,
Attends, laisse ma main s'oublier dans la tienne!
Laisse-moi, laisse-moi contempler ton visage
Sous la pâle clarté
Dont l'astre de la nuit, comme dans un nuage,
Caresse ta beauté! ...

[début extrait Scorsese, ouverture générique sur ces mots :]

MARGUERITE
O silence! ô bonheur! ineffable mystère!                                   

O Silenzio ! O felicità ! Ineffabile mistero !
Enivrante langueur !
Languore sognante !
Qui chante dans mon cœur !
Che canta nel mio cuore !
J'écoute ! Et je comprends cette voix solitaire
Io ascolto ! E comprendo questa voce solitaria
Laissez un peu, de grâce! ...
Lasciatemi un attimo, di grazia !
 

Elle se penche et cueille une marguerite.
(Coglie una margherita)
 

FAUST
Qu'est-ce donc ?
Che cosa c'è?

MARGUERITE
Un simple jeu !
Laissez un peu !

Un semplice gioco !
Lasciatemi un attimo !

Elle effeuille la marguerite.
(sfoglia la margherita)


FAUST
Que dit ta bouche à voix basse ?

Che cosa dice la tua bocca a voce bassa ?

MARGUERITE
Il m'aime ! – Il ne m'aime pas ! –
Il m'aime ! – pas! – Il m'aime ! – pas. –
Il m'aime.

M'ama ! Non m'ama !
M'ama ! Non m'ama ! M'ama ! Non m'ama !

FAUST
Oui ! ... crois en cette fleur éclose sous tes pas !
Sì ! Credo in questo fiore sbocciato ai tuoi piedi !
Il l'embrasse


Quelle soit pour ton cœur l'oracle du ciel même !
Che sia per il tuo cuore l'oracolo stesso del cielo !
Il t'aime ! ... comprends-tu ce mot sublime et doux ?
Io t'amo ! Comprendi questa parola sublime e dolce ?

Aimer ! porter en nous
Une ardeur toujours nouvelle !

 

Prenant Marguerite dans ses bras
Nous enivrer sans fin d'une joie éternelle !

FAUST ET MARGUERITE
Éternelle !

[Archer et May échangent au sujet de l'annonce leurs fiançailles, en contrebas Marguerite et Faust]

FAUST
O nuit d'amour ! ... ciel radieux ! ...
O douces flammes ! ...
Le bonheur silencieux
Verse les cieux
Dans nos deux âmes!

MARGUERITE
Je veux t'aimer et te chérir ! ...
Parle encore !
Je t'appartiens! ... je t'adore ! ...
Pour toi je veux mourir ! ...

4mn 25 : retour à l'écran du duo opératique, tension entre Faust et Marguerite]

FAUST
Marguerite ! ...

MARGUERITE
Ah! ... partez! ...

FAUST
Cruelle !

MARGUERITE
Je chancelle !

FAUST
Me séparer de toi, cruelle !

MARGUERITE
suppliante

 

Laissez-moi !
Ah, partez, oui, partez vite !
Je tremble ! hélas ! J’ai peur !
Ne brisez pas le cœur
De Marguerite !

FAUST
Tu veux que je te quitte !
Hélas! ... vois ma douleur !
Tu me brise le cœur.
O Marguerite !

[fin de la séquence chez Scorsese, applaudissement du public]

MARGUERITE
Si je vous suis chère,
Par votre amour, par ces aveux
Que je devais taire,
Cédez à ma prière ! ...
Cédez à mes vœux ! ...
Partez ! partez ! oui, partez vite !

Elle tombe aux pieds de Faust.

FAUST
la relevant doucement
Divine pureté ! ...
Chaste innocence,
Dont la puissance
Triomphe de ma volonté ! ...
J'obéis ! ... Mais demain ! ...

MARGUERITE
Oui demain ! ... dès l'aurore ! ...
Demain ! ... toujours ! ...

FAUST
Un mot encore ! ...
Répète-moi ce doux aveu ! ...
Tu m'aimes! ...

MARGUERITE
s'échappe, court au pavillon, s'arrête sur le seuil et envoie un baiser à Faust

 

Adieu ! ...
Elle entre dans le pavillon.

FAUST
Félicité du ciel ! ... Ah! ... fuyons ! ...

Il s'élance vers la porte. Méphistophélès lui barre le passage.


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Testo del libretto  
https://www.flaminioonline.it/Guide/Gounod/Gounod-Faust4-testo.html

 

version courte :

MARGHERITA
Il se fait tard! ...adieu!    

S'è fatto tardi... addio!


FAUST
(trattenendola)
Quoi! je t'implore en vain! 
Che! Io ti imploro invano!

Attends! laisse ta main s'oublier dans la mienne!  
Aspetta! Dimentica la tua mano nella mia!


(inginocchiandosi davanti a Margherita)
 

Laisse-moi, laisse-moi contempler ton visage
Sous la pale clarté
Dont l'astre de la nuit, comme dans un nuage,
Caresse ta beauté!....    

Lasciami, lasciami contemplare il tuo viso
Sotto la pallida luce
Con cui l'astro della notte, come in una nube,
Accarezza la tua beltà!...

 

MARGHERITA
O silence! ô bonheur! ineffable mystère!
Enivrante langueur!
J'écoute! Et je comprends cette voix solitaire
Qui chante dans mon coeur!
Laissez un peu, de grâce!  

O Silenzio! O felicità! Ineffabile mistero!
Languore sognante!
Io ascolto! E comprendo questa voce solitaria
Che canta nel mio cuore!
Lasciatemi un attimo, di grazia!
(Coglie una margherita)


FAUST
Qu'est-ce donc?    
Che cosa c'è?

 

MARGHERITA
Un simple jeu!
Laissez un peu!    
Un semplice gioco!
Lasciatemi un attimo!
(sfoglia la margherita)

 

FAUST
Que dit ta bouche à voix basse ?    
Che cosa dice la tua bocca a voce bassa?

 

MARGHERITA (1mn06 / extrait vidéo Scorsese)
Il m'aime! Il ne m'aime pas!
Il m'aime! pas! Il m'aime! pas! Il m'aime!    
M'ama! Non m'ama!
M'ama! Non m'ama! M'ama! Non m'ama!

 

FAUST
Oui! crois-en cette fleur éclose sous tes pas !
Qu'elle soit pour ton coeur l'oracle du ciel même !
Il t'aime !
Comprends-tu ce mot sublime et doux ?    

Sì ! Credo in questo fiore sbocciato ai tuoi piedi!
Che sia per il tuo cuore l'oracolo stesso del cielo!
Io t'amo !
Comprendi questa parola sublime e dolce?
(prendendo tra le braccia Margherita)

 

Aimer! Porter en nous
Une ardeur toujours nouvelle!
Nous enivrer sans fin d'une joie éternelle!    

Amare! Portare in noi
Un ardore sempre nuovo!
Ebbri senza fine di una gioia eterna!

 

FAUST E MARGHERITA
Éternelle!    
Eterna!

 

FAUST
O nuit d'amour, ciel radieux!
O douces flammes!
Le bonheur silencieux
Verse les cieux
Dans nos deux âmes!    

O notte d'amore, cielo radioso!
O dolce fiamma!
La felicità silenziosa
Riversa il paradiso
Nelle nostre anime!

 

MARGHERITA
Je veux t'aimer et te chérir!
Parle encore!
Je t'appartiens! Je t'adore!
Pour toi je veux mourir!    

Voglio amarti e adorarti!
Parla ancora!
Io ti appartengo! Io ti adoro!
Per te voglio morire!

 

FAUST
Marguerite!    
Margherita!

 

MARGHERITA
(sottraendosi alle braccia di Faust)
Ah! partez!    
Ah! Partite!

 

FAUST
Cruelle!    
Crudele!

 

MARGHERITA
Je chancelle!    
Mi fai soffrire!

 

FAUST
Me séparer de toi!  
Separarmi da te!

 

MARGHERITA
(supplicando)
Laissez-moi!
Ah, partez, oui, partez vite!
Je tremble! hélas! J 'ai peur!
Ne brisez pas le coeur
De Marguerite! etc.    

Lasciatemi!
Ah, partite, sì, partite presto!
Io tremo! Ahimè! Ho paura!
Non spezzate il cuore
Di Margherita! etc.

 

FAUST
Tu veux que je te quitte!
Hélas!... vois ma douleur!
Marguerite! Marguerite!
Tu me brises le coeur!
Par pitié!    

Vuoi che io ti lasci!
Ahimè!... Vedi il mio dolore!
Margherita! Margherita!
Tu mi spezzi il cuore!
Per pietà!

 

MARGHERITA
Si je vous suis chère!    
Se vi sono cara!

 

FAUST
Marguerite!    
Margherita!

 

MARGHERITA
Par votre amour, par ces aveux
Que je devais taire,
Cédez à ma prière!
Cédez à mes voeux!    

Per il vostro amore, per questa confessione
Che avrei dovuto tacere,
Ascoltate la mia preghiera!
Cedete alla mia richiesta!
(si getta ai piedi di Faust)

 

Partez, oui, etc.    
Partite, sì! etc.
 

FAUST
Tu veux, hélas, etc.    
Tu vuoi, ahimè!, etc.
(sollevandola dolcemente)

 

Divine pureté!...
Chaste innocence,
Dont la puissance
Triomphe de ma volonté!
J'obéis. Mais demain...    

Divina purezza!...
Casta innocenza,
Il cui potere
Trionfa sulla mia volontà!
Obbedisco, ma domani...

 

MARGHERITA
Oui, demain, dès l'aurore!
Demain! Toujours!    

Sì, domani, all'aurora!
Domani! Sempre!

 

FAUST
Un mot encore!
Répète-moi ce doux aveu!
Tu m'aimes?    

Una parola ancora!
Ripetetemi la dolce confessione!
Mi ami?

 

MARGHERITA
(Scappa. Corre fino alla casetta. S'arresta sulla soglia e invia un bacio a Faust.)
Adieu!    

Addio!
(Entra nel padiglione.)

 

FAUST
Félicité du ciel! Ah, fuyons!    
Felicità del cielo! Ah, fuggiamo!
(Si lancia verso la porta del giardino. Mefistofele gli sbarra il passo)

 

MEFISTOFELE
Tête folle!    
Testa matta!

 

FAUST
Tu nous écoutais!    
Tu ci ascoltavi!

 

MEFISTOFELE
Par bonheur!
Vous auriez grand besoin, docteur,
Qu'on vous renvoyât à l'école!    

Per fortuna!
Voi avreste un gran bisogno, dottore,
Che qualcuno vi rimandi a scuola!

 

FAUST
Laisse-moi!    
Lasciami!

 

MEFISTOFELE
Daignez, seulement écouter un moment
Ce qu'elle va conter aux étoiles,
Cher maître!
Tenez! Elle ouvre sa fenêtre!    

Degnatevi di ascoltare per un momento
Quello che lei sta raccontando alle stelle,
Caro maestro!
Guardate! Apre la sua finestra!
(Margherita appare alla finestra della casetta e si appoggia al davanzale, con la testa tra le mani)

 

MARGHERITA
Il m'aime! quel trouble en mon coeur!
L'oiseau chante, le vent murmure,
Toutes les voix de la nature
Semblent me répéter en choeur:
«Il t'aime! » Ah qu'il est doux de vivre!
Le ciel me sourit, l'air m'enivre!
Est-ce de plaisir et d'amour
Que la feuille tremble et palpite?
Demain? Ah! presse ton retour
Cher bien-aimé! Viens!    

M'ama! Che agitazione nel mio cuore!
L'uccello canta, il vento mormora,
Tutte le voci della natura
Sembra che mi ripetano in coro:
«Egli ti ama!». Ah, com'è dolce vivere!
Il cielo mi sorride, l'aria mi intossica!
E di piacere d'amore
Che le foglie tremano e palpitano?
Domani? Ah! Affretta il tuo ritorno
Cara amato bene! Vieni!

 

FAUST
(Si lancia verso la finestra e afferra la mano di Margherita)
Marguerite!    
Margherita!

 

MARGHERITA
Ah!....    
Ah!...

 

MEFISTOFELE
Hein...    Eh...
(Per un attimo Margherita rimane interdetta, e lascia cadere la testa sulla spalla di Faust; Mefistofele apre la porta del giardino ed esce sghignazzando)

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