"C'est la majorité qui définit la norme, non les individus isolés."
R. Matheson, Je suis une légende (1954)
Synopsis :
Robert Neville était un savant de haut niveau et de réputation mondiale, mais il en aurait fallu plus pour stopper les ravages de cet incurable et terrifiant virus d'origine humaine. Mystérieusement immunisé contre le mal, Neville est aujourd'hui le dernier homme à hanter les ruines de New York. Peut-être le dernier homme sur Terre... Depuis trois ans, il diffuse chaque jour des messages radio dans le fol espoir de trouver d'autres survivants. Nul n'a encore répondu.
Mais Neville n'est pas seul. Des mutants, victimes de cette peste moderne - on les appelle les "Infectés" - rôdent dans les ténèbres. observent ses moindres gestes, guettent sa première erreur. Devenu l'ultime espoir de l'humanité, Neville se consacre tout entier à sa mission : venir à bout du virus, en annuler les terribles effets en se servant de son propre sang. Ses innombrables ennemis lui en laisseront-ils le temps ?
Ce qui est intéressant et proche du roman de Matheson, c'est de voir que ce dernier homme lutte pour sauver désespérément ce qu'il reste de l'Humanité et que les contaminés, eux, se regroupent, forment une sorte de communauté et s'organisent entre eux pour lutter contre Robert Neville, en quelque sorte dernier obstacle à ce nouvel ordre social et biologique vers lequel tendent les mutants. Parce qu'il est le dernier homme sur Terre, il est : soit voué à disparaître, soit destiné à sauver le monde et guérir les infectés, donc dans les deux cas de figure, il deviendra une légende… Dans tous les cas, face à la désocialisation qui règne, on voit que le monde est fait grâce à la majorité et qu'on ne peut pas se baser que sur l’avis d’un seul homme : "C'est la majorité qui définit la norme, non les individus isolés" dit le roman.
Sur le thème Individu et communauté :
extrait 1 : Mustang GT in New York
https://www.motorsdb.com/videos/1030/Je-suis-une-legende-Will-Smith.html
ou
https://www.youtube.com/watch?v=OwHVpcdRi4A
Hormis avec son chien, Will Smith n’a aucune réelle interaction durant les trois quarts de Je suis une légende. La solitude l'a plongé dans un semi-délire permanent Pour éviter de sombrer dans la folie, son personnage communique en permanence avec son fidèle berger allemand et s’impose surtout une discipline drastique. Il se rend également régulièrement dans un vidéoclub pour emprunter des films, histoire de garder un semblant de vie sociale avec des mannequins de la ville qu'il a récupérés. Ceux-ci peuplent un imaginaire qui agit comme une soupape de sécurité : il les a placé dans un magasin de DVD où il se plaît à jouer des scènes qui auraient pu être celles de la vie de tous les jours. Puis replonge dans un état semi-sauvage de chasseur de cerfs. Malgré le peu d’espoir qu’il lui reste, Robert Neville lance des appels quotidiens à d’éventuels survivants et continue de chercher un antidote pour contrer le virus Kripkin.
---> à corréler avec la relation pointée chez plusieurs essayistes entre communauté et contagion :
« Les individus modernes deviennent vraiment tels – c’est-à-dire parfaitement in-dividus, individus ‟absolus”, délimités par une ligne frontière qui à la fois les isole et les protège – seulement s’ils se sont préalablement libérés de la “dette” qui les lie les uns aux autres, s’ils sont exemptés, exonérés, dispensés de ce contact qui menace leur identité en les exposant à un possible conflit avec leur voisin, en les exposant à la contagion de la relation. »
Roberto Esposito, Communitas. Origine et destin de la communauté, PUF, 2000.
" Comme le dit Bataille à plusieurs reprises, dans l'expérience de la communication mimétique, la distinction entre sujet et objet, le soi et l'autre, une vague et une autre vague, ne tient plus et ce qui reste est le «mouvement », le « flux», la « contagion » ou la « fusion » qui dissout l'ego dans des torrents qui ouvrent la voie à ce que Bataille appelle aussi « la venue du fantôme » ou de « l'être quelconque » (Bataille, Œuvres complètes, Gallimard, V - cité par Nidesh LAWTO, "BATAILLE ET LA COMMUNAUTÉE MIMÉTIQUE", Revue Europe, 2020.
Le réalisateur mène si bien son film que le spectateur se prend lui aussi voir en ces mannequins de vrais humains: apercevant une silhouette humaine, visiblement connue, mais refusant d'obtempérer, Robert Neville lui tire dessus de sang froid. On pense tout de suite au meurtre. Lui aussi d'ailleurs, car il craque, avant de prendre conscience que ce mannequin n'était qu'un leurre placé par lui-même. A moins qu'il ne s'agisse d'un piège qui lui a été tendu par le mâle alpha qui commande les infectés et veut se venger de Neville qui massacre ses compagnons toutes les nuits (voir le débat sur la tête de Fred qui bouge en plein jour).
extrait 2 : le piège de Fred
https://www.youtube.com/watch?v=XH6TDxFHGGg
HQ Fred turns his head I AM LEGEND (youtube.com)
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Analyse du film par DOZgeek (58 mn) :
https://www.youtube.com/watch?v=n2GqMggoJgQ
La fin alternative
https://www.dailymotion.com/video/xudrse
Sur le roman de Richard Matheson Je suis une légende (1954) :
PODCAST - Les Annales d'Opale : #17 Je suis une Légende de Richard Matheson (46 mn)
https://www.youtube.com/watch?v=mx5agDyPFoc
Alchimie d'un roman, n°75 :
https://www.youtube.com/watch?v=PPczASFaNJg
voir 7mn35 : "C'est la majorité qui définit la norme, non les individus isolés."
R. Matheson, Je suis une légende (1954)
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