« Or les lois se maintiennent en crédit non parce qu’elles sont justes, mais parce qu’elles sont lois. C’est le fondement mystique de leur autorité, elles n’en ont point d’autre. Qui bien leur sert. Elles sont souvent faites par des sots. Plus souvent par des gens qui en haine d’équalité ont faute d’équité. Mais toujours par des hommes, auteurs vains et irrésolus. Il n’est rien si lourdement et largement fautier que les lois, ni si ordinairement. Quiconque leur obéit parce qu’elles sont justes ne leur obéit pas justement par où il doit. »
Montaigne, Essais (III, 13)
Cette proposition est directement tirée du texte de Montaigne (voir ci-contre la page correspondante des Essais, Livre 3, chapitre 13, vers 1580). Pascal utilise lui aussi l'expression Le fondement mystique de l'autorité (dans le recueil de ses Pensées publié après sa mort, en 1669) sans citer Montaigne.
Jacques Derrida (Force de loi - le "Fondement mystique de l'autorité"", Ed : Galilée, 1994,) lit et interprète cette formulation, qu'il reprend également en sous-titre de son livre, de façon non conventionnelle, comme il dit, pour montrer que la loi n'est pas le résultat d'un compromis ou d'une démarche rationnelle, mais, dans son essence, d'une force. Il n'y a pas de droit sans la force. La loi doit être obéie, il est juste qu'elle le soit, il le faut. Pourquoi? Parce qu'on leur accorde du crédit, on y croit. "L'autorité des lois ne repose que sur le crédit qu'on leur fait", dit Derrida. Cet acte de foi est le seul fondement des lois, ce qui conduit à déplacer le problème : Que veut dire croire? Croire, c'est faire crédit à cet acte performatif inaugural qui inaugure et justifie le langage et la loi.
Qu'entend-on par "mystique"? Une structure à la limite du discours. Pour faire la loi, il faut que le langage soit déchiré. Cela peut se faire silencieusement, mais pas sans violence.
source : https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1303251701.html
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