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"1917" (Sam Mendes, 2019) et la perception éparpillée

Publié le 3 Décembre 2022, 16:32pm

Catégories : #Philo (exposés)

"1917" (Sam Mendes, 2019)  et la perception éparpillée

Proposition de traitement par Mlle Maëlle Robert, lycée naval de Brest, novembre 2022.

Résumé du film :
Lorsque la Première Guerre mondiale frappe le monde, deux soldats britanniques, le caporal suppléant Schofield et le caporal suppléant Blake, reçoivent une mission qui leur semble impossible : ils doivent traverser le territoire ennemi pour délivrer un message. Celui-ci avertit une troupe d'infanterie qu’elle va tomber dans un piège, ce qui permettra à 1600 vies d’être épargnées.

Lien de la vidéo : https://youtu.be/0E3YVqjYkTI

Introduction
L’inconscient se définit par la non-conscience de son existence et de la réalité qui l'entoure. C’est pour cela que l’on dit qu’une personne a perdu connaissance. De nombreux philosophes ont proposé des théories dans leurs œuvres concernant cette notion, tels que Freud, Leibniz ou encore Sartre. Dans cet extrait, on observe un jeune soldat Britannique, le caporal suppléant Schofield, qui court non loin des tranchées pour atteindre un bureau se situant à l’arrière, où un haut gradé se trouve, pour apporter un message urgent. Le caporal est passé par un chemin très risqué (car passer par les tranchées assez étroites et entre chaque soldat était trop long et chaotique).

Problème : le soldat est-il vraiment conscient lors de sa course ? Comment sa/la perception peut être altérée? Si elle est altérée durant cette action, pourquoi pas avant ?

Pour analyser cet extrait, nous nous aiderons des différentes théories des philosophes sur l’inconscience : celles de Descartes, Leibniz et enfin Freud.
Avant de débuter l’analyse de cet extrait, nous allons définir certaines notions importantes :

l'altérité est un concept d'origine philosophique signifiant « caractère de ce qui est autre » et « la reconnaissance de l'autre dans sa différence » → l’individu est influencé/modifié par autre lui et va changer sa vision de lui même.

la conscience est la capacité de se représenter le monde et soi-même =l’aperception (conscience d’avoir conscience et pas forcément besoin de percevoir) =  conscience réflexive &La perception=conscience intentionnelle/ Dans son œuvre Discours de la méthode paru en 1637, Descartes, décrit ces « perceptions non conscientes »,comme étant devenues habituelles, et elles seraient de l’ordre du corps seul, un phénomène purement mécanique qui ne concernerait pas l’âme, car pour lui, l’homme a conscience de tout, d’après sa thèse du cogito, « je pense donc je suis ».

Donc, si nous analysons l’extrait du film 1917 : d’après le philosophe Descartes, ce n’est pas l’âme qui guiderait cette non-conscience de la réalité mais le corps qui est non-conscient de celle-ci. Pour Leibniz, au contraire, ces sensations sont toujours « dans l’âme et dans le corps », elles ont simplement perdu les «attraits de la nouveauté » qui donne une importance et/ou ce qui est  utile pour la sujet. En effet, cela fait 3 ans que ce jeune soldat vit au rythme de la guerre ; il possède donc une certaine habitude du bruit, des bombardements et des tirs de toutes sorte. En courant, sur le champ de bataille, le soldat n’a pas conscience (capacité de se représenter le monde et soi-même) et son aperception (ce qui s’apparente à un phénomène de prise de conscience, mais n’épuise pas l’activité mentale ou la pensée ) est donc dégradée. Il ne remarque plus le bruit des bombes qui surgissent de toutes parts.

Leibniz explique dans ses Nouveaux Essais sur l'entendement humain de 1703-1704 que nous sommes rarement conscients de nos perceptions : surtout si l’objet est insaisissable aux 5 sens,  par ex : une goutte d’eau, mais additionné à d’autre, cela produit une masse visible. L’objet dans cet extrait est donc associé aux obus qui sont envoyés sur le champ de bataille. D’après le philosophe Leibniz, l’homme n’est pas conscient si le sujet (le bruit ou l’objet) étudié est soit trop ténu (trop minuscule), trop chaotique ou trop peu différent( habitude).

Dans cet extrait, les bruit ne sont plus perceptibles car ils sont trop peu différents. Le philosophe nous explique dans son texte que si l’on habite à proximité d’un lieu qui produit du bruit, on finit par tellement s’habituer au bruit qu’on en vient à ne plus l’entendre. Mais ce n’est pas pour autant qu’il a disparu. Par ailleurs, lors du début de l’extrait, quand le soldat quitte la tranchée et se tient débout sur le champs de bataille, on observe que durant ses tous premiers instants il réagit au bruit de l’obus qui percute le sol. Le soldat, a donc un semblant de conscience cConnaissance, intuitive ou réflexive immédiate, que chacun a de son existence et de celle du monde extérieur. ) durant un instant.
Néanmoins, au bout de quelques secondes, c’est son objectif premier qui prend place, qui requiert de l’attention. Le soldat ne se rend plus compte du danger auquel il doit faire face pour atteindre son but. Il a donc sa perception (impression ou changement qui se fait dans l’esprit sous l’effet d’un évènement extérieur, par ex : un bruit/ processus pour lequel un individu organise et interprète ses sensations pour donner un sens à son environnement) qui est altérée.

La perception est un processus inconscient et automatique et elle est aussi sélective car l’individu va oublier la majorité des informations. Elle se déroule usuellement en 4 étapes : Attention, Interprétation, Compréhension et Mémorisation. Appliqué à l’extrait : le soldat va bloquer son attention , et comme il ne fait pas la première des étapes de la perception alors celle-ci ne peut pas avoir lieu. Le soldat a aussi son aperception qui est altéré par sa rapidité et son instinct de survie qui est mis en jeu lors de cette course.
C’est aussi pour cela que l’on peut observer que le soldat va provoquer deux collisions distinctes avec deux autres soldats : il est focalisé par l’idée d’atteindre son objectif et donc sa vue est brouillée/réduite (il ne voit plus à 180°), c’est une raison pour laquelle il va foncer dans les deux soldat. Par exemple, si on court trop vite dans les bois on peut se prendre le pied dans une racine car nous ne somme pas attentifs à ce qui nous entoure, on va trop vite).
Pour le caporal suppléant Schofiled, c’est une non-conscience provoquée par l’habitude du bruit que font les obus lorsqu’ils tombent à terre. Si aucune nouveauté ne retient l’attention du soldat, alors, il n’a pas conscience des choses non importante, des "petites perceptions" (texte de Leibniz), par habitude. Cette perception est chamboulée lorsque quelque chose d’inhabituel surgit.

Enfin, le philosophe Sigmund Freud, créateur de la psychanalyse (investigation des processus psychiques profonds, de l'inconscient ) a lui aussi posé un thèse concernant la possibilité de rendre compte de notre aperception dans son œuvre Métapsychologie (étude de la vie de l’esprit), parue en 1915. Pour lui , ne pas percevoir ou apercevoir les choses serait dû à l’envie de la personne. Il essaye de nous expliquer que si je refuse de regarder l’objet qui requiert de l’attention, je ne veux pas avoir conscience (le sujet veut une certaine non-conscience) de celui-ci et donc l’individu ne perçoit ou ne l’aperçoit pas.
L’individu subit donc un refoulement (c'est l’opération par laquelle le sujet repousse dans l’inconscient des représentation ou des pulsions qu’il juge indésirables) de ses pensées. Par cette thèse, le philosophe, dissocie la pensée ou vie psychique de la conscience réflexive et intentionnelle. Ainsi, associé à l’extrait du film 1917, la thèse de Freud serait donc que le jeune soldat ne regarde pas les obus largués tout près de lui et donc ne "veut" pas avoir conscience de ce danger tout près.

Conclusion
Ainsi, au regard de toutes les thèses de ces philosophes, l’extrait étudié peut être analysé de différentes façons. Si l’on prend la thèse de Lebniz , le soldat ne possède plus de perception et aperception car ces bruits tout autour de lui sont devenus une habitude et donc il n’en a plus réellement conscience même s'il existe ou alors c’est a cause de son objectif premier que sa perception est altéré. Le bruit que produisent les obus sont des "petites perceptions" inconscientes pour le soldat.
Cette thèse s’oppose à la thèse de Descartes qui explique que l’homme a conscience de tout et qu'il ne peut y avoir d’inconscience que par le corps et ses phénomènes ou mécanismes qui ne concerne pas l’âme.
Enfin , si l’on analyse l’extrait avec la thèse de Freud, on peut suggérer que c’est le soldat qui ne "veut" pas avoir conscience du bruit alentour et donc ne "voit" pas les obus.

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