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Sensation et Perception

Publié le 24 Octobre 2021, 02:33am

Catégories : #Philo (Notions)

Sensation et Perception

La sensation est un phénomène qui traduit, de façon interne chez l’individu, une stimulation des organes récepteurs (ou des sens) ; les plus connus étant la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût.

L’individu va ensuite organiser et interpréter ses différentes sensations en fonction de l’environnement dans lequel il se trouve. Ce processus s’appelle la perception.
 

1. La sensation
a. Notion de sensation
L’individu reçoit une multitude d’informations par l’intermédiaire de ses organes sensoriels (vue, odorat, goût, toucher, ouïe) constituant un premier contact avec le monde extérieur. Une personne privée de l’ouïe verra sa communication altérée avec l’autre. La sensation peut être définie comme une impression consciente produite sur les sens ou ressentie par l’organisme.

Pour connaître la réalité extérieure, il doit y avoir un événement physique qui se déroule à l’intérieur de nos organes sensoriels grâce au processus de la sensation.
Exemple : lorsque l’on entend un bruit ou un son, il y a un phénomène physique dont l’étude relève de l’acoustique (le bruit ou le son en tant que vibration de l’air). La cause physique de la sensation (ici, la vibration de l’air) est appelée stimulus.
Le stimulus se définit comme un élément extérieur susceptible d’activer les organes sensoriels d’une personne et d’avoir un effet sur son comportement.

Nos organes sensoriels nous permettent de capter toutes les informations qui nous sont envoyées en les traduisant en influx nerveux (exemple : la vision du sang dans un film va provoquer des tremblements pour certains ou un éclat de rire pour d’autres). L’impression est une sensation produite par l’effet d’un stimulus extérieur.
À partir d’une simple image, on développe des capacités d’observation, de communication et d’évaluation différentes d’un individu à l’autre. En fait, l’individu qui observe l’image la voit avec des niveaux différents d’observation et l’interprète avec des niveaux divers de compréhension, signification, de référence personnelle et culturelle. Par exemple, l’image polysémique est une représentation visuelle qui présente plusieurs sens.

 

b. La relativité des processus de sensation
Les sensations peuvent être en partie prédéterminées par le groupe d’appartenance. Ainsi, un Français qui se rend en Asie ne pourra apprécier gustativement le rat cuisiné ; de même un Anglais se refusera à manger des cuisses de grenouille. L’attrait ou le rejet pour un aliment est donc conditionné par la culture.

Par ailleurs, le développement récent du marketing sensoriel montre comment une stimulation positive de l’un des cinq sens procure une sensation de bien-être et rend l’individu plus enclin à consommer. Il est donc possible pour les professionnels de la mercatique de manipuler le consommateur, en douceur, et à son insu.

 

2. La perception
a. Notion de perception
Les individus interprètent les sensations en fonction de l’environnement dans lequel ils se trouvent. Par conséquent, une même sensation peut être interprétée comme du froid ou du chaud selon le contexte dans lequel les individus vivent (exemple : un Scandinave n’a pas la même perception du froid qu’un Espagnol).
La perception est donc un processus par lequel un individu organise et interprète ses sensations de façon à donner un sens à son environnement.

Ce processus se décompose en quatre étapes :
- l’attention : réaction à un stimulus provoqué par un objet ou une personne ;
- l’interprétation : identification ou reconnaissance de l’objet ou de la personne ;
- la compréhension : différenciation par rapport à une autre personne ;
- la mémorisation : l’enregistrement et l’inscription du phénomène dans sa mémoire.

 

b. Caractéristiques de la perception
 La perception est immédiate dans le sens où c’est un processus automatique et inconscient ; c’est un processus beaucoup plus complexe que la sensation (exemple : l’influence des températures sur le choix de nos tenues vestimentaires).

 La perception a un sens : l’environnement et les circonstances dans lesquelles un événement ou un objet est perçu ont une influence considérable sur l’interprétation qui lui sera donnée.

 La perception est sélective : l’individu oublie la majorité de ce qu’il apprend. Il a tendance à retenir les messages qui confortent son opinion, ses convictions. La distorsion sélective est un mécanisme qui pousse l’individu à détourner les informations reçues afin de les rendre plus conformes aux attentes.

 

c. Les biais de la perception
Selon le contexte, les préjugés ou les stéréotypes, la perception peut être modifiée, façonnée voire transformée.

 Les préjugés sont des opinions préconçues qui vont favoriser un jugement (défavorable ou favorable) et donc une attitude prédéterminée non justifiée envers un individu ou un groupe.

 Les stéréotypes sont des liens établis entre l’appartenance à un groupe donné et la possession de certaines caractéristiques (exemple : le Français porte un béret et une baguette de pain sous le bras). Un stéréotype est donc un ensemble d’idées a priori, relatives à une catégorie de personnes.

 L’effet de halo consiste à se faire une opinion d’une personne à partir d’une seule de ses caractéristiques comme son apparence, son intelligence ou sa sociabilité.

 

L’essentiel

Chez l’individu, les réactions sont fonction du ressenti, de la perception particulière des objets et des personnes qui entourent les individus. Les biais font qu’une même information peut-être reçue de façon différente par les individus. La perception a donc un caractère relatif.
 
 
 
 
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En quoi la distinction conceptuelle entre sensation et perception est éclairante ? La sensation est une donnée brute qui correspond à la modification d’un sens externe ou interne. La constitution d’une image visuelle par exemple est produite par un mécanisme supposant quelque chose qui est là et qui affecte  l'oeil. D'un autre côté, je puis ressentir une sensation de chaleur sans qu’il fasse froid à l’extérieur. C’est alors le psychisme de l’individu (cf. enthousiasme, honte, timidité, etc.) qui provoque dans son corps  ce type de modification. Nous avons alors affaire au travail du sens interne.

Mais la sensation est très critiquée par la tradition philosophique classique (1) comme source de l’erreur. D’abord, elle influence notre jugement en nous faisant croire à l’existence d’un monde physique en dehors de nous, peuplé d’êtres et d’objets,  causes directes des sensations, qui sont bel et bien présents tels que nous les percevons.  Ensuite, elle contribue à former des catégories universelles susceptibles de niveler ou même d’identifier les sensations au cœur d’une même catégorie. Les sensations de chaleur par exemple sont les mêmes car, si l’on exclut les différences quantitatives, l’individu les ressent toutes de la même façon. La chaleur est chaleur pour tous et toutes. Ici, comme ailleurs.

Or l’on sait bien qu’il n’en est pas ainsi. Les mécanismes sensitifs internes nous montrent qu’il n’y a pas toujours d’objet extérieur les produisant : la chaleur existe sans objet chaud, simplement à partir d’une idée qui influence le corps. D’autre part, la pauvreté du vocabulaire du langage commun a tendance à nous faire limiter ce que l’on sent à ce que le dictionnaire impose. Les multiples nuances de sensation de chaleur qui existent lorsque le soleil brille et nous chauffe, lorsque je viens de terminer une course à pied, quand je viens de me brûler en retirant le plat du four, etc.… nous indiquent que nous ne ressentons pas les mêmes types d’affection. Certaines sont douloureuses, d’autre pas ; certaines sont intenses, d’autres pas, certaines sont agréables, d’autres profondément désagréables, etc.

On entend par perception l’organisation du donné de la sensation. « Je me suis brûlé » suppose en effet que notre entendement comme faculté de juger soit capable d’identifier la cause de cette brûlure (Le plat sorti du four), la localisation (ma main droite), la douleur (plus ou moins grande), les nuances de celle-ci (cela ne me fait pas mal de la même façon tout le temps),etc.…Dans ce cas, il faut comprendre que la perception est ce qui rend intelligible la sensation en articulant les éléments divers que l'on vient de voir.

Alors, y a-t-il une vérité de la sensation ? La condamnation classique voit dans l’expérience sensible de la perception le changement. (2) Et en ce sens, comment statuer sur la sensation si les perceptions sont individuelles, mouvantes et contextuelles ? C’est que peut-être la recherche de la vérité n’est pas nécessairement la recherche la plus adéquate aux phénomènes ici observés. Il faudrait plutôt substituer à cette interrogation celle de l’herméneutique, donc celle du sens. Comment prend sens une sensation ? Réponse : dans une perception d’un individu x, à un moment donné t, dans un contexte c. Ainsi, pensons à la douleur du masochiste, sensation infligée et recherchée, qui lui procurera le plaisir qu’il affectionne parce qu’il aura choisi son partenaire et les supplices qu’il lui fera subir. La douleur n’est donc pas en elle-même sensation de douleur : elle est « colorée » par le psychisme d’un individu qui l’oriente vers un autre objectif dans une situation construite par lui. La vérité est donc celle de l’expérience individuelle et éminemment subjective de la perception.

Ceci, à notre sens, ne devrait pas ouvrir l’espace des condamnations en tout genre mais plutôt  une interrogation sur une économie ou une métriopathie [Faire le calcul de ses souffrances lié à une action, selon Épicure] des perceptions. Suis-je capable de construire consciemment ma perception selon les caractéristiques de mon être et surtout selon les objectifs pratiques que je me propose d’atteindre dans la vie ? Sans doute ici repose l’intérêt de la distinction conceptuelle entre sensation et perception.

b. gruitton

Notes:

1-      Platon, République, Livre VII.

2-      Descartes, Méditations métaphysiques II.

 

source : http://www.bgphiloconseil.com/article-28565460.html

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