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Julia Ducournau, "Titane" (palme d'or Cannes 2021) : du fantastico-gore trop huilé

Publié le 24 Juillet 2021, 09:33am

Catégories : #Philo & Cinéma

Julia Ducournau, "Titane" (palme d'or Cannes 2021) :  du fantastico-gore trop huilé

Une carrosserie parfaitement lustrée et polie, un moteur qui rugit mais atteint trop vite sa vitesse de croisière pépère… En apparence du même métal que son premier et précédent long métrage, Grave, le nouveau film de Julia Ducournau semble effrayé d’affronter la rationalité et convoque le fantastique en vain. Dommage.

Victime enfant d'un accident de voiture dont elle a été la cause, Alexia vit depuis avec une plaque de titane dans le crâne. Devenue danseuse, elle se livre en parallèle des meurtres affolant le sud de la France et “s'accouple” avec une voiture. Pour se faire oublier près une soirée très sanglante, Alexia endosse l'identité d'Adrien, un adolescent disparu depuis dix ans. Son père, un commandant de pompiers détruit, va cependant reconnaître ce “fils” prodigue et l'accueillir…

Programmé par la Semaine de Critique en 2016, le sympathique Grave avait instantanément transformé Julia Ducournau, dès son premier long métrage, en nouvelle figure de la hype cinématographique française. Sans doute les festivaliers, déjà peu coutumiers des œuvres se revendiquant d'un “autre cinéma” louchant vers le fantastico-gore, la série B et les séances de minuit, avaient-il été titillés par le fait que ce film soit signé non pas par l'un des olibrius vaguement inquiétants fréquentant les marches du Palais (Gaspar Noé, Lars von Trier, NWR, Mandico…) mais par une jeune réalisatrice présentant bien. Le peuple de la Croisette, et sans doute celui de Berlin et de Venise, semble avoir besoin d'être rassuré : il lui faut du décalage entre du sordide à l'image et du propret sur le tapis rouge. Ce même décalage qui permet également à un parterre en smoking et talons hauts de rigueur, ces uniformes hors d'âge, de s'émouvoir devant des histoires de chômeurs ou de réfugiés…

Crash sexe Alexia
Il n'empêche que le cinéma auquel Julia Ducournau se rattache, underground de niveau supérieur, ne surgit pas de nulle part et possède une foule de fenêtres et de réseaux de diffusion. À commencer par les festivals spécialisés — dont Hallucinations collectives, pour lequel elle pourrait presque paraître trop mainstream. Pas uniquement parce qu'elle se prévaut de l'onction cannoise, mais parce que la dimension fantastique ici semble relever de l'accessoire, du prétexte, du superflu. Comme l'excipient légitimant le statut de la cinéaste parmi les auteurs hybridant la chair et le cyberpunk. Mais, si l'on s'y attache vraiment, le cœur et le sens du drame se passent totalement du coït mécanique et des épanchements huileux causés par la gestation d'Alexia. Là où Crash et EXistenZ de Cronenberg, Jumbo de Zoé Wittock dépendent totalement des interactions entre l'Homme et la machine, Titane peut en réalité parfaitement s'en absoudre.

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