tableau : luca giordano, La mort de Sénèque, vers 1684
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Juliette Dross pour nous parler de La Tranquillité de l'âme.
2 liens à consulter, au choix pour écouter le podcast :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/seneque-34-la-tranquillite-de-lame
https://www.youtube.com/watch?v=HPSzxq5ziUs
Références musicales:
Zorn , Elevateur
Julien Clerc et Sylvie Vartan, Partir
Brel , On n'oublie rien
Extraits :
L'exercice de l'Etat de Pierre Schoeller (2011)
documentaire
Par coeur de Benoît Jacquot
Luchini lit Baudelaire
Les numéros renvoient aux minutes de l’entretien consacrés aux thèmes présentés (ex: 8’40).
Les extraits sont choisis dans les parties étudiés en cours (I-IV). Attention : ils sont lus dans une autre traduction que celle de l’édition GF
Thèmes du programme: La conscience – Autrui – Le devoir – La politique – La morale – Les échanges – Le bonheur
– Sur la participation du sage à la vie de la cité (8’40 et suiv avec l‘extrait 1 du texte de Sénèque (IV, 2-7) et un extrait du film L’exercice de l’Etat de P. Schoeller (2011)
– Sur l’action publique comme remède à l’intranquillité et comme devoir moral (16’30…)
– Sur la vanité des voyages pour guérir l’intranquillité de l’âme (20’…). Extrait 2 du texte (II, 13)
– Sur la question du rapport entre la vie des affaires – negotium – et la vie de loisir – otium – (25’…).
– Sur la quête idéale du port de la sagesse et la faiblesse réelle de l’humanité (29’…)
– Sur la nature raisonnable de l’homme et le devoir d’agir envers les autres (30’…)
– Sur la difficulté de la compagnie de soi-même et l’oisiveté mal vécue (32′ – 35’38). Extrait 3 du texte (II, 10-12)
– Sur le devoir de l’homme de s’habituer à l’imperfection de sa condition naturelle (40′)
– La mort de Sénèque comme suicide socratique (43’30)
Analyse du tableau : « La mort de Sénèque » de Luca GIORDANO (c. 1684)
1. Le peintre :
Peintre et décorateur italien (Naples, 1634 –Naples, 1705).Il séjourna à Rome, Florence, Naples et Venise, exécutant une multitude de tableaux religieux et mythologiques ainsi que des fresques. Lors d’un séjour en Espagne, il décora des palais et églises à Madrid et Tolède. Assimilant les apports les plus divers, il élabora un style à la fois décoratif et représentant de l’école napolitaine de la seconde moitié du XVIIème siècle, et annonça le rococo.
2. L’œuvre :
La mort de Sénèque, vers 1684 (Huile sur toile, 155 x 188 cm, Musée du Louvre, Paris, France).
3. Le Mouvement :
fin du Classicisme, début du Rococo.
4. Genre ou catégorie :
Portrait allégorique. Luca Giordano représente les derniers instants de Sénèque ; il choisit l’adieu du philosophe à ses disciples.
5.Thème :
historique, philosophique et littéraire. Il correspond à un passage du chapitre XV des Annales de Tacite. L’empereur Néron se servit de l’échec de la conjuration de Pison, menée contre lui et dans laquelle Sénèque avait été compromis, comme prétexte pour se débarrasser de son ancien précepteur, qui l’empêchait d’agir comme bon lui semblait. Le philosophe était en train de souper avec son épouse Pauline et deux de ses amis quand le tribun de la cohorte prétorienne, Gavius Silvanus, lui fit part des instructions de l’empereur l’invitant à se donner la mort.
6. Bibliographie :
Site http://www.educnet.education.fr/louvre/mortsen ; Dictionnaire Robert des Noms propres et Dictionnaire des Symboles (coll. Bouquins)
7. Analyse iconographique :
La scène présente un nombre important de personnages (une dizaine) et tout est étudié pour faire converger les regards sur le personnage principal: Sénèque, qui focalise l’attention. Soutenu par un serviteur, le philosophe a encore la force de s’exprimer, de transmettre sa sagesse. Le corps du vieillard est largement dénudé, son crâne dégarni. Son aspect physique, corps blanc et maigre (dû à son régime austère), suscite la pitié. Le contraste est alors total avec la détermination de son regard, le geste encore assuré du maître enseignant à ses disciples. Près de sa main gauche se trouvent des livres.
Aux pieds du philosophe, le médecin avec sa lancette qui a servi à lui ouvrir les veines (détail qui diffère du récit de l’historien latin qui dit que Sénèque et sa femme se sont ouverts les veines des bras du même coup d’épée). Une bande enserre le bas du mollet du vieil homme. Impassible malgré la douleur, il utilise les derniers instants qui lui restent à enseigner les préceptes de la sagesse et de la fermeté d’âme (termes qu’on retrouve chez Tacite).
Autour du maître, les disciples et les serviteurs. Une extrême attention les caractérise. Deux d’entre eux (les disciples ?) notent le testament spirituel du philosophe et certains semblent se concerter sur cette pensée. Les regards vers Sénèque sont empreints de gravité et de respect, et toute l’assistance est consciente de la solennité de l’instant. À l’extrême gauche, au fond, on distingue un profil de femme (est-ce Pauline, sa femme ? ou bien une servante ?) ; esquissée dans le lointain, elle a peu d’importance. L’atmosphère antique est matérialisée par un imposant fût de colonne et un socle sculpté sur lequel repose le pied de Sénèque.
8. Analyse symbolique :
Le peintre a retenu du personnage de Sénèque le philosophe adepte du Stoïcisme. La scène dépeint un univers masculin, comme il sied à des penseurs. Impassibilité dans la douleur, maîtrise de la souffrance, force d’âme dans l’adversité, grandeur et dignité face à la mort : telles sont les lignes de conduite du stoïcien.
Leur devise exigeante « Sustine et abstine ! » (Supporte et abstiens-toi ! ) sert de fil directeur à la compréhension de la toile. Cependant, il est difficile d’interpréter le geste de la main d’un personnage qui fait écho au geste de Sénèque : est-ce un refus de ce qui se passe, un désir d’attente, un mouvement d’apaisement ?
9. Analyse chromatique :
Le bleu du drapé enveloppant Sénèque pourrait symboliser la couleur de l’infini et de l’immatériel ; le rouge de la cape du preneur de notes du premier plan pourrait rappeler la pourpre impériale. Cependant, dans ce tableau sombre et dense, on ne note pas réellement de symbolisme chromatique.
10. Charpente, composition :
La lumière est distribuée suivant une bande oblique qui enveloppe de bas en haut le médecin, un disciple, Sénèque et deux serviteurs. Le reste de l’assistance est laissé dans la pénombre ou représenté de dos. Cela met en valeur le personnage principal.
11. Synthèse : « La mort de Sénèque », récit pittoresque de Tacite que Racine considérait comme « le plus grand peintre de l’Antiquité », est un thème qui a souvent été travaillé en peinture. Depuis les livres enluminés du Moyen Âge jusqu’à Jacques-Louis David (dont le tableau sur « La mort de Socrate » présente des analogies avec celui-ci) en passant par Rubens et d’autres artistes, l’héritage culturel de l’Antiquité n’a cessé d’inspirer d’infinies variations aux artistes.
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