fredericgrolleau.com


"Déterminisme et libre arbitre dans "DETROIT: BECOME HUMAN"" (jeu vidéo)

Publié le 12 Mars 2021, 14:47pm

Catégories : #Philo (exposés)

"Déterminisme et libre arbitre dans "DETROIT: BECOME HUMAN"" (jeu vidéo)

Proposition de traitement par Mlle Safaa Aboussaoud, lycée Jean Macé de Rennes, TG2, mars 2021.

« DETROIT: BECOME HUMAN » est un jeu vidéo crée par le réalisateur David Cage et par le  studio parisien Quantic Dream.

Nous sommes en 2038, à Détroit aux États-Unis et la ville américaine connaît une nouvelle jeunesse grâce a Cyberlife, une entreprise qui a réussi en quelques années à devenir la plus grande du monde. La raison de ce succès est très simple : c'est la seul qui ait réussi à inventer, breveter et mettre sur le marché des androïdes. Des machines à caractéristiques humaines, dotées d'une intelligence artificielle bien supérieure à l'homme et capables d'exécuter n'importe quelle tâche, du travail de bas niveau aux travaux conceptuels, en respectant et en exécutant les ordres de leurs propriétaires. La particularité de ce jeu c’est que chacun va créer sa propre histoire en fonction des choix que nous faisions.  La plupart des êtres humains traitent les androïdes comme des esclaves.
En revanche, l'introduction des robots dans le monde du travail a conduit à une augmentation du chômage et il y a une part importante de la population qui souhaiterait les voir détruits. De plus, depuis quelque temps certains androïdes sont devenus "sensibles": leur intelligence artificielle a évolué de manière autonome vers un stade conscient et voudrait donc échapper au joug des humains. Non seulement ils ont commencé à désobéir aux «patrons», mais dans certains cas ils sont venus les attaquer, même si peut-être pour une simple légitime défense. Ces androïdes sont appelés « déviants » et sont très effrayants pour certains humains. 


vidéo d’intro  : 

Markus, est un androïde d’intérieur, il a pour tache de s’occuper d’un artiste connu âgé. Cet artiste  a un fils, qui déteste les androïdes en particulier Markus, et un jour il frappe le robot, jusqu’à ce Markus devient un déviant. Kara est une androïde destinée aux tâches ménagères, elle appartient à une famille où le propriétaire n’a pas de travail et est très violent en effet il se drogue et bois de l’alcool souvent. Il n’aime pas les androïdes mais étant donné que sa femme l’a quittée il en a besoin pour que quelqu’un s’occupe de la maison ainsi que de sa fille Alice. Cependant son père devient trop violent et pour protéger Alice, Kara va devenir déviante et toutes les deux vont s’enfuir. Enfin, Connor appartenant à la dernière génération de Cyberlife, est un androïde policier conçu pour aider les enquêteurs humains. L’enjeu pour le joueur réside dans la recherche d’indices conduisant à l’interpellation de suspects. 
Les histoires des trois personnages sont apparemment sans rapport mais, lorsque l'intrigue commence, les chemins des trois sujets se retrouveront et après le « combat » de ces machines. Ce jeu peut nous amène à poser des questions telles que  : comment les androïdes peuvent devenir déviant ? Comment peuvent-ils faire des choix et se sentir vivants alors que se ne sont que des machines ? Les androïdes peuvent-ils exiger la liberté dans un monde humain ? 
Pour cela nous allons voir par quel processus les androïdes se sentent vivants, ensuite on va  prouver l’existence  du libre arbitre et de la liberté. Pour finir, on sera amené à faire une critique déterministe du libre-arbitre et de la liberté.


1ère partie :  Les androïdes sont vivants et libres 
Au début du jeu la situation est normale, ces androïdes ne sont que des simples robots privés de libre arbitre, c’est-à-dire la capacité de choisir entre deux ou plusieurs comportements, ils ne font que exécuter les ordres de leur maîtres. Ils sont différents des humains, en effet comme on peut  voir sur cette image ils sont séparés des hommes, cela peut nous faire penser à la ségrégation raciale :

Au fil du jeu, les androïdes se sentent comme des « esclaves » comme l’a dit Markus dans la vidéo « je m’appelle Markus et tout comme vous j’étais esclave. » nonobstant, un esclave est un humain qu’on soumet complètement, qu’on prive de sa liberté, or ces androïdes ne sont que des machines,  qui par ailleurs se sentent vivant alors comment ressentent-ils ce sentiment d’être privé de liberté ?
Un être vivant est un ensemble constitué par des organes remplissant des fonctions différentes or ces machines ne sont constitués que de fils, d’appareils électriques et ils se qualifient d’êtres vivants, ils pensent. Alors la définition d’un être vivant ne se base pas sur le corps mais sur la possibilité de penser. L’esprit et la pensée sont en liens étroits avec l’âme. L’âme est souvent tenue pour une cause de la pensée. Il faut posséder une âme pour penser, et être capable de penser prouve que l’on a une âme. Si les androïdes sont capables de penser et de dire qu’ils sont vivant alors ils ont une âme. Par conséquent, ce qui empêcherait les androïdes de vivre, c’est leur corps.
En effet, comme le dit Platon, « le corps est le tombeau de l’âme ». Platon distingue l’âme du corps, pour lui l’âme est supérieure au corps le monde intelligible (le monde des Idées, celui de l’âme) du monde sensible (le monde matériel, celui du corps). En d’autres termes, ils n’ont plus simplement un corps mais une chair, et c’est pourquoi ils peuvent ressentir ce qui a lieu dans celle des autres. Alors on peut affirmer que les androïdes sont des êtres vivants.

Ensuite, la plus part des androïdes vont s’enfuir, en recherchant cette liberté c’est-à-dire ce pouvoir que possède tout homme de n’obéir qu’a lui même, dans sa propre volonté et d’agir uniquement en fonction de ses désirs, indépendamment de toute contrainte ou de toute passion extérieure, ils vont donc aller dans un endroit caché nommé « Jericho ». Cependant, quand Markus découvre cet endroit, il n’est pas d’accord, il veut se révolter :

https://www.youtube.com/watch?v=JJrEeKhVGS0&list=PL99PbHOFiorlhTQ0ig0DyJxjnR9Z-1Om1&index=6
de 0:15 a 1:19


C’est sans doute que la liberté dont il est ici question existe bel et bien, mais doit être entendue en deux nouveaux sens : au sens politique, d’une part cette liberté est un projet de société, qu’il faut (librement) décider de faire passer par le compromis ou la violence, par la réforme ou par la Révolution. D’autre part, on
ne peut pas se libérer concrètement de l’oppression et de la discrimination sans aide, sans alliés, sans amis, sans personnes auxquelles on prend le risque d’accorder sa confiance, comme le fait Markus à Jericho. L’homme à l’origine de la création de ses machines dit : « la liberté d’être libre serait-elle une maladie contagieuse ? » [capture d’écran dans le diapo]

En effet, cette métaphore, interroge la prolifération de cette dysfonction de leur système, que l’on nomme le libre arbitre. Un homme qui brise ses chaînes, qui refuse de se soumettre à des règles ou à des ordres iniques, tout comme une personne qui vit sa passion avec intensité, nous font éprouver, par empathie, un sentiment de liberté… et c’est pourquoi il peut nous donner, à notre tour, envie de faire comme lui, c’est pour cela qu’il utilise le terme de « contagieuse ». Par la suite Markus, va « convertir les androïdes,  et devenir le leader afin que son peuple et les hommes puisse vivre pacifiquement ensemble. 


Au sens sensible, émotionnel, la thèse selon laquelle la conscience, qui va permettre le libre arbitre, provient 
du  fait  que  les  androïdes  se  mettent  à  éprouver des  sentiments, tels  que  le  sens de  l’injustice, la  colère pour  Markus etc... Le  sentiment  de  liberté  auquel  certains  robots s’éveillent  provient donc  toujours  d’un  choc  affectif, qui  implique une réflexion  sur  le  lien  entre conscience  réflexive et  conscience affective.

Transition :
Ces androïdes ont donc une conscience, et sont libres mais d’où vient cette possibilité de choisir ?


2ème partie  :Les androïdes sont dotés du libre arbitre 
Lorsque les androïdes commencent à ressentir des émotions, par exemple pour North qui commence à tomber amoureuse de Markus, Kara qui ressent un sentiment maternel envers Alice et Connor qui devient déviant, alors on sera amené a nous demandé mais comment font-ils pour ressentir des sentiments ? Si des androïdes deviennent déviant c’est-à-dire qu’ils arrivent à posséder un libre-arbitre, alors la définition de l’homme les concerne.
Ces androïdes sont tout à fait capable de décider, de choisir entre deux camps ; être déviant ou non. Cela n’est pas le cas par exemple pour un animal qui lui n’est pas doté d’un libre arbitre. A ce propos, l’âne de Buridan est une expérience conçue par Jean Buridan, philosophe français du 14ème siècle afin de prouver l’existence du libre arbitre : la situation serait celle d’un âne ayant faim et soif et qui est placé à une même distance d’une botte de foin et d’un seau d’eau, il est en effet incapable de choisir et finit par mourir. Ce n’est pas le cas pour un humain ou un androïde possédant un libre arbitre car dans ce cas la on possède une liberté d’indifférence c’est-à-dire une liberté par laquelle notre volonté a le pouvoir de choisir spontanément de sa propre initiative.
On peut également le voir dans cet extrait de vidéo ; 

https://www.youtube.com/watch?v=khmbsnvRyLo&list=PL99PbHOFiorlhTQ0ig0DyJxjnR9Z-1Om1&index=11

de 30:24 à 35:32

Le créateur de ces androïdes, teste Connor au sujet de son libre-arbitre, en effet il lui amène une androïde et lui demande de la tuer, en échange il lui dit qu’il lui donnerait chaque information. Cependant Connor, ne tire pas, il fait preuve d’empathie, malgré qu’il essaye de le cacher il se ment à lui même en disant qu’il n’est pas un déviant. En effet il fait un choix, comme lui dit après le Lieutenant  :«  t’as peut être fais le bon choix », ce qui le qualifie comme« humain » doté de libre arbitre. Cette situation montre que les hommes, en l’occurrence ici les androïdes déviants sont donc dotés du libre arbitre, une capacité de choisir en échappant à tout déterminisme. Dans la Médiation quatrième, Descartes considère cette liberté d’indifférence comme « le plus bas degré de la liberté ». 
Ce jeu est basé sur des choix qu’on fait, en toute liberté [montrer choix sur diapo]. Tout homme se croit libre car il est capable de faire des choix de petite ou grande importance, de prendre des décisions. De plus, pour la plus part des philosophes notre expérience intime ou immédiate a une grande valeur comme le dit si bien Descartes « La liberté de notre volonté se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avions » dans les "Principes de la Philosophie" I, art.39. Néanmoins, on doit faire des choix, on est en quelques sortes condamnés à être libre comme le dit Sartre dans "L’Être et le néant" publié en 1943 car on n'a pas d’autre choix que la liberté or refuser d’être libre, c’est éliminer notre liberté. 

Transition
On dit que être libre c’est « faire ce que l’on veut » est ce vraiment vrai ? Est ce que c’est nous qui voulons les choix qu’on fait ou bien sommes nous les jouets de forces dont on ignore l’existence comme Spinoza ou Nietzsche le disent ? Les choix libres de ses androïdes n’était donc que le reflet de mes propres déterminismes ?

3ème partie : la critique déterministe du libre arbitre et de la liberté 
Dans le jeu on doit attribuer à chaque personnages un caractère afin qu’il possède une identité ; prudent ou téméraire, honnête ou manipulateur, pacifique ou agressif, soumis ou rebelle, confiant ou hostile envers les humains ou les androïdes, etc. Et c’est cela qui fait l’aisance de "Détroit" : la  liberté de celui qui joue et celui du personnage que ce soit Kara Connor ou Markus nous amène a  nous demander si ce choix que je viens de faire est ce que je le fais en tant que moi Safaa Aboussaoud ou en tant que Kara, Connor ou Markus ? Est ce que ce choix je le fais en me mettant a la place du personnage ? Par rapport a mes valeur ou aux valeurs que je crois être les siennes ? Notre liberté est elle donc basée sur nos expériences ? 
A ce propos, il y a une scène qui reflète bien les choix, quand Kara et Alice se sont enfuis elles ont dû chercher un endroit ou passer la nuit et il y’a avait plusieurs choix, soit passer la nuit dans une voiture, sois voler de l’argent a un supermarché pour pouvoir dormir dans un motel, soit dormir dans une maison abandonnée mais habitée par un androïde avec un comportement extravagant. Non seulement on peut expliquer ses choix par la personne que je suis mais encore par tout les choix que j’ai décidé de ne pas faire ; mon passé, mon expérience etc...donc par l’inconscient comme l’explique si bien Nietzsche dans "Fragments Posthumes" XIV25 : « Il n’y a pas de cas qui montre mieux à quel point la notion de « libre-arbitre » a peu de sens : on dit « oui » à ce qu’on est, on dit « non » à ce qu’on est pas »
Ainsi dans sa "Lettre à Schuller", extraite de sa Correspondance, Spinoza dénonce l’illusion du libre arbitre. Il défend ainsi une position philosophique déterministe suivant laquelle tous les événements sont absolument nécessaires et le sentiment que nous avons d’être libres ne serait qu’une illusion naturelle : « Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent ». 

Pour Spinoza, la source de l’illusion humaine du libre arbitre est l’ignorance des causes qui nous poussent à agir. De plus , le hommes se « vantent » d’être libre car le désir d’être libre, même  illusionne est valorisant pour l’orgueil humain que l’idée d’être totalement déterminé. Dans son ouvrage l' "Éthique", Spinoza expliquait : « Nous nous pensons libre par le simple fait que nous avons conscience de nos actions mais sommes ignorant des causes par lesquelles nous sommes déterminées ». Nous n'aurions donc finalement plus totalement conscience de ce pourquoi nous agissons et ne sommes ainsi plus tellement libre dans nos décisions et nos choix.

Conclusion  : 
"Detroit : Become Human" se veut donc plus qu’un simple divertissement, mais se présente lui-même comme une expérience humaine. On a démontré que les hommes, en l’occurrence ici les androïdes, sont dotés d’une liberté mais d’après une critique déterministe la liberté humaine n'est en aucun cas un donné immédiat : la croyance en cette prétendue liberté dont nous avons immédiatement conscience, et qui nous serait d'emblée acquise, est précisément ce qui nous laisse dans une simple illusion de liberté et ainsi nous interdit d'être authentiquement libres.
Au contraire, la liberté véritable se conquiert ou se gagne, à partir du déterminisme.


Ouverture
La question est alors de savoir si les androïdes font partie de l’humanité parce que désormais nous appartenons tous, androïdes et humains, à la même espèce parce que notre liberté n’est qu’illusion ? 
 


 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article