La très belle maison Rubens à Anvers propose une exposition sur un thème particulier : les tableaux de "chambres d’art" au XVIIe siècle à Anvers. Si l’expo est petite, elle est superbe et permet de revoir par ailleurs la maison Rubens. Elle bénéficie de prêts de musées prestigieux : de la National Gallery et des collections de la reine d’Angleterre, au musée de Vienne et au Mauritshuis de La Haye où elle ira ensuite, à partir de mars.
Ce type de tableaux, spécifiques à Anvers, est né vers 1610, à l’époque de Rubens et des archiducs Albert et Isabelle. Les peintres imaginaient des architectures énormes et y plaçaient, bord à bord, les tableaux du collectionneur qui voulait ainsi montrer sa richesse et son goût pour les arts. C’était le catalogue avant la lettre, la carte de visite des François Pinault et Guy Ullens de l’époque. Au centre de la pièce, on retrouvait toujours le collectionneur ou l’amateur d’art éclairé, le bourgeois aisé qui discutait art avec des savants ou des princes, entouré de chefs-d’œuvre que chacun pouvait reconnaître. Il montrait qu’il n’avait rien à envier à la noblesse.
Le collectionneur, une espèce vieille comme le monde qui fleurissait dans la riche Anvers du XVIIe siècle, aimait se faire ainsi immortaliser. Les précurseurs du genre furent Jan Brueghel l’ancien et Frans Francken le jeune. Ils peignaient des chambres "abondant d’art" comme on disait alors, où se trouvaient finement reproduits des tableaux célèbres. L’intérêt de l’expo est aussi de montrer, à côté du tableau proprement dit, les "vraies" toiles, sculptures et gravures qui se retrouvent dans "la chambre d’art".
Le meilleur spécialiste du genre était Willem van Haecht (1593-1637), dont il ne reste que trois "chambres d’art", mais regroupées ici, à l’expo, pour la première fois. On y retrouve la figure centrale de Cornelis van der Geest, homme d’affaires prospère et grand collectionneur, un des principaux mécènes de Rubens (c’est lui qui a confié à Rubens le triptyque de l’érection de la Croix de la Cathédrale). Van Dijck en a fait un admirable portrait qu’on montre à l’expo à côté d’un portrait par Van Dijck encore, d’un autre grand collectionneur du Titien et de Van Dijck.
Tous ces personnages parfaitement identifiables se retrouvent dans "la chambre d’art" de van der Geest (notre photo). On y reconnaît, au-dessus de la table, l’imposante "bataille des Amazones" de Rubens. Au-dessus de la porte est écrit "vive l’esprit", allusion au nom "van der Geest" qui signifie "l’esprit".
Dans un autre tableau de van Haecht, on voit le célèbre peintre grec Apelle au travail dans le décor d’une "chambre d’art" remplie de tableaux et de sculptures. On reconnaît, peint au-dessus de la porte, un buste antique de Sénèque qui appartenait à Rubens (et se trouve à l’expo). Ces tableaux étaient aussi des allégories. Ici, Rubens est identifié à Apelle et Sénèque. Dans un autre tableau, on voit, à l’arrière, des hommes saccageant des tableaux et figurant la stupidité et l’ignorance face à l’érudition des amateurs d’art.
Cette mode des "chambres d’art" fut poursuivie par David Teniers le jeune et culmina, avant de disparaître, avec d’imposants tableaux de groupe. Gonzales Coques s’entourait de nombreux peintres pour réaliser ensemble, vers 1660, de grandes "chambres d’art" où chaque artiste reproduisait fidèlement un ou plusieurs tableaux de la collection.
source :
https://www.lalibre.be/culture/arts/le-top-la-chambre-abondant-d-art-51b8b420e4b0de6db9b953e2
Commenter cet article