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L’art contemporain vu à travers le prisme de la philosophie

Publié le 10 Novembre 2020, 21:50pm

Catégories : #Philo (Notions)

L’art contemporain vu à travers le prisme de la philosophie

Pour comprendre l’art contemporain aujourd’hui, le spectateur doit faire un effort de reconversion de son regard vers la signification, au détriment de l’aspect plastique, empirique et technique de l’œuvre.


Le XXème siècle et ainsi que le début du XXIème siècle sont ceux d’une déstabilisation des repères artistiques : se retrouver devant un bout de ferraille dans une galerie, les bras ballants, et se demander « c’est de l’art ça ? » ou alors déclarer avec dédain « moi aussi je peux peindre un carré blanc sur fond blanc » - voilà les réactions que provoquent l’art contemporain chez les individus qui n’y ont pas été initiés et se cantonnent au confort des définitions classiques et traditionnelles de l’œuvre d’art et du concept même d’art.


Le fait de créer des œuvres qui imitent des produits ordinaires que l’on trouve dans les supermarchés et de les élever au rang d’icône par, en les montrant dans les musées, a ébranlé la définition classique de l’art. Tout comme les ready-made de Duchamp : c’est bien parce qu’on déclare que ces représentations du banal sont des œuvres d’art qu’elles accèdent à ce rang. Le processus de conceptualisation de l’art, fait d’une série de coups de force auxquels sont liés des noms comme ceux de Duchamp ou de Warhol, est la manifestation d’un affranchissement de l’art à l’égard de cette philosophie qui la maintenait sous tutelle.


Dans son œuvre L’assujettissement philosophique de l’art, Arthur Danto, philosophe et critique d’art américain, explore la relation complexe et inévitable entre l’art et la philosophie.  


 En effet, la réception d’une œuvre d’art est inséparable d’une identification et donc d’une interprétation qui pose d’emblée cette question typiquement philosophique : qu’est ce qui fait d’un objet, ou d’un acte, une œuvre d’art ? Au nom de cette nécessité, la philosophie a tenté pendant des siècles de s'assurer de l'art en l'assujettissant à sa spéculation.


Par la conceptualisation de l’art et par sa distanciation des définitions classiques, s'accomplit cette «fin de l'art» jadis annoncée par Hegel : ayant mené à bien la séculaire recherche de lui-même qui fondait son évolution comme étape du déploiement de l’absolu dans le monde, l'art est aujourd'hui entré dans sa phase post-historique.  
 Libéré de son interrogation narcissique, le voici peut-être enfin disponible pour de nouvelles fonctions dans la vie des hommes.


Dans la recherche perpétuelle d’une définition de l’art, Arthur Danto défend une position essentialiste mettant en lumière les critères et propriétés qui définissent le concept d’art : une œuvre d’art, pour lui, se caractérise par sa signification (la partie conceptuelle de l’œuvre d’art) et par l’incarnation de cette signification (la partie physique et empirique de l’œuvre d’art) auxquelles vient s’ajouter la contribution interprétative décisive du public. 


Penchons-nous sur l’exemple des boîtes Brillo en comparant deux objets en apparence identiques : d’une part les boites Brillo de Warhol et d’autre part celles que l’on trouve dans le commerce. Si les unes sont bien de l’art et les autres non, c’est qu’il faut chercher le statut artistique en dehors de la sphère d’apparence de l’objet – contrairement à ce qu’exigeaient les définitions classiques de l’art, et c’est ici que se situe l’effort que doit faire le spectateur pour appréhender l’art contemporain. Celles d’Andy Wahrol sont des objets d’art visuellement indiscernables des objets ordinaires, et pourtant philosophiquement distincts dans la mesure où ils s’inscrivent dans une démarche artistique. La Boite Brillo passe de produit de consommation courant à incarnation d’une signification et devient, de fait, œuvre d’art. 


Ainsi, ce sont les pratiques artistiques qui révolutionnent la théorie de l’art et cette dernière doit s’adapter aux nouvelles formes d’art qui s’inventent dans le courant du XXeme siècle puis du XXIeme siècle. L’art étant passé dans sa période post-historique, la relation entre la définition de l’art et l’œuvre d’art ne se fait plus verticalement du haut vers le bas mais plutôt du bas vers le haut, c’est-à-dire par le modelage de la définition par les pratiques artistiques elles-mêmes. C’est ce basculement dans le mode de définition de l’art qu’il faut accepter pour appréhender la conceptualisation progressive de l’art. 


Il faut chercher le sens de l’œuvre d’art dans le régime de la signification. Certes, ces significations doivent être incarnées dans une forme et la forme des œuvres varie tout au long de l’histoire de l’art, du tableau à l’installation ou à la performance. Les formes changent considérablement, mais au fond toute l’histoire de l’art n’est qu’une variation formelle incarnant les différentes significations que donnent les créateurs à leurs œuvres mais aussi au monde qui les entoure. En mettant l’incarnation exclusivement au service de la signification, l’art contemporain est en fait la suite logique de cette variation. Pour l’appréhender et tenter de le comprendre, l’esprit doit faire l’effort de dépasser l’incarnation pure pour accéder à la sphère de la signification et ainsi peut-être déceler le sens de l’œuvre d’art.

 

source : https://www.bureaudesartshec.com/post/chronique-~-art-contemporain-et-philosophie

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