La démocratie est le meilleur des régimes. Spinoza la présente, notamment dans son Traité politique, comme la forme absolue de la politique dans la mesure où elle tire sa légitimité directement du peuple. Il a toutefois renoncé à lui consacrer la troisième partie de son traité, parce qu’il était probablement conscient de la difficile compatibilité de la démocratie avec ses conceptions de la nature humaine et du droit.
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La démocratie protège la liberté. Appartenant à une minorité persécutée (les Juifs marranes), considéré par ses contemporains et par les exégètes modernes comme athée, Spinoza défend une conception libérale et individualiste de la démocratie. Dans sa perspective, ce régime est le moyen d’assurer la liberté et la sécurité requises pour permettre à l’individu d’atteindre ses objectifs. Il doit être suffisamment fort pour que les citoyens soient libres de philosopher. La démocratie garantit donc à l’individu des droits irrévocables : « Si les hommes pouvaient être dépouillés de leur droit naturel, écrit Spinoza, de sorte que dorénavant ils ne puissent rien sans l’approbation de ceux qui détiennent le pouvoir suprême, ceux-ci pourraient régner impunément sur leurs sujets de la façon plus violente, ce à quoi personne ne pense. Il faut donc accorder que chacun conserve certains de ses droits » (Traité politique). Ces droits bénéficieraient également aux servants, aux salariés, et aux femmes. Le philosophe ne conditionne pas non plus la liberté politique à la propriété, mais à la seule honnêteté de la conduite. Insistant sur le versant moral des Écritures, il relativise la doctrine afin de prôner la tolérance religieuse. Enfin, Spinoza escompte que la liberté individuelle à l’intérieur de l’État lui fasse respecter la liberté des États semblables, c’est-à-dire préférer la paix à la guerre.
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Spinoza imagine les contours de la démocratie réelle
L’installation de la démocratie rencontre des obstacles. Spinoza considère qu’elle n’est pas un régime réalisable immédiatement dans la pratique à cause de l’irrationalité des hommes. Dès lors, les préceptes religieux sont utiles comme lignes de conduite ; ils sont même tout à fait nécessaires pour les individus incapables d’agir conformément à la raison, soit la majorité. Qu’il souhaite encadrer la tolérance (comme Locke, Hume, ou Rousseau), ou qu’il ambitionne vraiment de saper les fondements de la religion, le philosophe préconise de simplifier, puis de faire pénétrer l’essence de l’Écriture chez les citoyens afin qu’ils pratiquent la justice, la vertu et l’amour du prochain sans contrainte extérieure. Les prêtres et les ministres de l’Église sont dès lors utiles pour prodiguer cet enseignement. Si Spinoza oppose la grossièreté intellectuelle du peuple au projet démocratique, il conçoit cependant la démocratie comme une école de l’intelligence, de la rationalité, c’est-à-dire, in fine, un apprentissage de la démocratie. « Dans un État démocratique, explique-t-il, des ordres absurdes ne sont guère à craindre […] à raison du fondement et de la fin de la démocratie, qui n’est autre que de soustraire les hommes à la domination absurde de l’appétit et à les maintenir, autant qu’il est possible, dans les limites de la raison, pour qu’ils vivent dans la concorde et dans la paix » (Traité théologico-politique). Ainsi, Spinoza plaide pour une installation progressive de la démocratie, d’autres régimes permettant également de garantir la liberté individuelle.
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La démocratie réelle repose sur un pouvoir fort. Spinoza affirme qu’il n’est pas possible de compter sur la nature humaine – où ne s’épanouissent ni la morale ni les sens de la justice et de la responsabilité – pour asseoir la vie démocratique. Par conséquent, la réciprocité du respect des libertés individuelles ne peut être garantie que par l’État, dont la puissance est concrétisée dans le droit – lui seul décide ce qui est juste ou injuste. En démocratie, la puissance étatique sert notamment à protéger la liberté individuelle de l’intransigeance des différentes Églises. Pour autant, Spinoza évoque la nécessité de limiter le pouvoir de l’État, qui ne doit être ni fou ni monstrueux. La solution est de diviser le pouvoir grâce à une structure constitutionnelle où les pouvoirs s’équilibrent ; à un système d’élections, de tirages au sort, de mandats brefs (non renouvelables), et de magistratures collégiales. Les nombreuses assemblées mettront en évidence la vertu du débat : « L’esprit des hommes est trop obtus pour pouvoir tout pénétrer d’un coup ; mais en délibérant, en écoutant et en discutant, il s’aiguise, et, à force de tâtonner, les hommes finissent par trouver la solution qu’ils cherchaient et qui a l’approbation de tous, dans que personne s’en fût d’abord avisé » (Traité politique). Correspondant forcément à la démocratie représentative (étant donné le grand nombre d’électeurs), les institutions devront, selon Spinoza, veiller à la représentation de toutes les catégories au sommet du pouvoir.
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source : https://1000-idees-de-culture-generale.fr/democratie-spinoza/
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