"EXPLICATION
Nous avons dit plus haut, dans le scolie de la proposition 9 de cette partie, que le Désir est l'appétit qui a conscience de lui-même, et que l'appétit est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est déterminée à faire les choses qui sont utiles à sa conservation. Mais, dans le même scolie, j'ai fait observer aussi qu'en réalité, entre l'appétit de l'homme et le désir, je ne fais aucune différence. Car, que l'homme soit conscient ou non de son appétit, cet appétit reste un et le même ; par conséquent, pour ne pas paraître énoncer une tautologie, je n'ai pas voulu expliquer le désir par l'appétit, mais j'ai pris soin de le définir de façon à y comprendre à la fois tous les efforts (conatus) de la nature humaine que nous nommons appétit, volonté, désir ou impulsion (impetus). J'aurais pu dire, en effet, que le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est conçue comme déterminée à faire quelque chose ; mais de cette définition... on ne pourrait pas tirer que l'esprit peut être conscient de son désir, autrement dit (sive) de son appétit. Donc, voulant que la cause de cette conscience fût impliquée dans ma définition, il m'a été nécessaire (selon la même proposition) d'ajouter : en tant qu'elle est déterminée par une quelconque affection d'elle-même, etc. Car, par affection de l'essence de l'homme nous entendons toute organisation de cette essence, qu'elle soit innée — ou acquise — qu'elle soit conçue par le seul attribut de l'Étendue, ou enfin rapportée à l'un et à l'autre à la fois. J'entends donc ici sous le nom de Désir tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme ; ils sont variables selon l'état variable d'un même homme, et souvent opposés les uns aux autres, au point que l'homme est entraîné en divers sens et ne sait où se tourner. "
Spinoza, Éthique, troisième partie, Définitions des sentiments : I, trad. R. Caillois, Pléiade Gallimard 1954, pp. 525-526
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