Le désir doit être démystifié. Schopenhauer s’y attelle dans Le monde comme volonté et comme représentation en tirant les conséquences des principes fondamentaux réellement à l’œuvre derrière les phénomènes. Il anticipe la philosophie nietzschéenne et la psychanalyse freudienne en affirmant la primauté des pulsions aveugles de l’organisme sur l’intelligence.
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Le désir est fondamentalement illusoire. Schopenhauer étaye tout d’abord cette idée en reprenant la définition du concept. Étant donné qu’il est impossible d’éteindre le désir, la satisfaction n’existe pas vraiment ; elle est seulement apparente, puisqu’un nouveau désir particulier renaît derrière le précédent. Le sujet désirant est déçu dans la transition entre les deux, mais il ne retient pas la leçon au point de prendre conscience de l’illusion dont il est victime. « Nous ressentons le désir, comme nous ressentons la faim et la soif, décrit le philosophe ; mais le désir est-il rempli, aussitôt il en advient de lui comme de ces morceaux goûtés par nous et qui cessent d’exister pour notre sensibilité, dès le moment où nous les avalons » (Le monde comme volonté et comme représentation). Ainsi, pour Schopenhauer, le cercle vicieux du désir condamne le sujet à des répétitions dépourvues de sens. Le premier moteur de cette illusion est la perspective du plaisir. Celle-ci suffit à assurer la tension du désir alors que le plaisir est éphémère, même difficilement saisissable, et que son intensité réelle est toujours infiniment moindre par rapport à son intensité imaginée. Le second moteur de l’illusion du désir est la passion qui brouille les enjeux de l’action, comme dans l’amour. Schopenhauer range finalement le désir parmi les illusions de la représentation, le principe selon lequel les choses équivalent à ce que nous connaissons d’elles.
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Schopenhauer dévoile l’essence du désir
Le désir exprime la volonté de vivre. Schopenhauer met en lumière son essence en partant du corps : il existe une force pulsionnelle qui engendre et anime le désir. Celui-ci tire en réalité son énergie de l’effort instinctif par lequel tout être lutte, contre l’environnement mais aussi contre les autres êtres, pour maintenir la forme de vie qui est la sienne. Dès lors, le désir humain serait une des manifestations du « vouloir vivre » qui agit aussi bien toute chose particulière que l’ensemble ; il est en fait la tension propre à la volonté qui est l’essence de tout phénomène réel. Or, cette force naturelle est aveugle, sans raison, et inconsciente. Par conséquent, le désir n’a pas non plus pas d’orientation. Schopenhauer révèle ce faisant une illusion supplémentaire : le sujet désirant ne recherche pas consciemment un objet ; c’est la représentation, c’est-à-dire ce qu’il connaît du monde, qui lui indique un but factice. Même le désir qui semble le plus pur et le plus beau – le désir sexuel – est un autre avatar de la volonté, car les amoureux ne font que servir un dessein qui les dépasse. « Le désir sexuel, explique le philosophe, est empreint d’un caractère bien différent de tous les autres […] il est le désir qui forme l’essence même de l’homme » (Le monde comme volonté et comme représentation). Pour Schopenhauer, le désir sexuel traduit donc la volonté de l’espèce, dont la perpétuation est suspendue à l’accouplement effectif des individus.
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L’illusion du désir n’est pas une fatalité. Si Schopenhauer passe pour un penseur pessimiste, il évoque cependant deux solutions pour sortir du cercle vicieux du sujet désirant. Puisque la satisfaction, et le plaisir en particulier, sont des sources de malheur, il faut chercher le bonheur ailleurs. Pour le philosophe, la contemplation esthétique est un moyen d’échapper aux illusions de la représentation : la jouissance esthétique permet à l’individu d’atteindre une forme de plénitude qui découle de l’épanouissement par la connaissance. La contemplation extrait le sujet de son individualité et le préserve par-là de la souffrance inhérente à l’existence. D’après Schopenhauer, elle l’instruit également sur le monde et sur lui-même, de telle sorte qu’elle enrichit sa conscience. L’homme qui contemple les choses dans une perspective esthétique accède à leurs essences, il saisit les Idées qui les sous-tendent. Dans cette expérience, il se purifie de la vanité du désir. La seconde solution pour sortir du cercle vicieux du désir offre une libération plus durable. Il s’agit de prendre conscience de la dimension essentielle de la souffrance pour convertir la volonté en son inverse, et ainsi en annuler la tension : « De là procèdent le renoncement à tout désir, la conversion, la suppression de la volonté qui entraîne dans le même anéantissement le monde tout entier ; de la résulte, en un mot, le salut » (Le monde comme volonté et comme représentation). Schopenhauer prône un ascétisme commun au christianisme et à l’hindouisme, celui des saints immortalisés par l’art.
>> L’esthétique selon Hegel sur un post-it
source : https://1000-idees-de-culture-generale.fr/schopenhauer-desir/
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