Proposition de traitement par Frédéric Grolleau, présentée dans le cadre de la certification complémentaire en cinéma-audiovisuel soutenue au rectorat de Nice le 17 décembre 2019
Voir le film en entier en ligne : https://ok.ru/video/93861448278
Fiche technique : Pays : France / Durée : 1h42 / Année : 1995
Genre : Comédie dramatique / Directeur de la photographie : Thierry ARBOGAST /Son : Paul LAINE, Dominique HENNEQUIN, Jean GOUDIER / Décors : Ivan MAUSSION Montage: Joëlle HACHE / Musique: Antoine DUHAMEL
Interprètes : Charles BERLING (le baron Grégoire Ponceludon de Malavoy), Jean ROCHEFORT (le Marquis, Louis de Bellegarde), Fanny ARDANT (Madame de Blayac), Judith GODRECHE (Mathilde de Bellegarde), Bernard GIRAUDEAU (l’Abbé de Vilecourt)
Synopsis : Alors que la monarchie française vit, sans le savoir encore, ses derniers jours, un jeune noble naïf et passionné, Ponceludon de Malavoy, décide de faire part au roi de ses projets d'assainissement des marais putrides de la Dombe, sa région natale. En route pour Versailles, il se lie avec le marquis de Bellegarde et sa fille, l'étincelante Mathilde. Bellegarde initie son protégé aux subtilités et subterfuges de la Cour. Ponceludon, brillant et spirituel, ne tarde pas à faire son chemin, tout en se défendant mal de la fascination que lui inspire la simplicité naturelle de Mathilde. L'influente comtesse de Blayac jette son dévolu sur lui. Devenu son amant, bien introduit à la Cour, Ponceludon peut enfin rencontrer le roi.
Bibliographie : Dossier pédagogique « Collège au cinéma », n°175, par Michel Cyprien et Frédéric Strauss, CNC, 2009 ; L’Avant-scène cinéma, n°521 (avril 2003) ; Positif, n°423, 451, octobre 2006 ;
Histoire de la Révolution française, (l’Introduction), de Jules Michelet (1939), « Bibliothèque de la Pléiade » n°55, Gallimard ; Histoire de la littérature française, XVIIIe siècle, Georges Décote et Hélène Sabbah, dir., Hatier, 1991 ; La Vie quotidienne au temps de Louis XVI, de François Bluche, Hachette Littérature, 1989 ;
L’Invention de la liberté, de Jean Starobinski, Skira, 1962 ; L’Invention technique au siècle des Lumières, de Liliane Hilaire-Pérez et Daniel Roche, Albin Michel, 2000 ; La France des Lumières, de Daniel Roche, Fayard, 1993 ; La Civilisation de l’Europe des Lumières, de Pierre Chaunu, coll. « Champs » n°116, Flammarion, 1997 ;
Le Siècle du persiflage (1734-1789), d’Élisabeth Bourguinat, coll. « Perspectives littéraires », PUF, 1998.
Le dispositif : ateliers conçus en conformité avec le B.O spécial n°9 du 30 septembre 2010 et le B.O spécial du 22 janvier 2019 pour favorisez chez l’élève une démarche active de spectateur, lui permettre de s'informer et de choisir parmi les propositions culturelles de son environnement, de construire sa propre cinéphilie. Développer des compétences construites en analyse filmique. « Carnet de bord » en ligne pour permette à l'élève de construire progressivement ce regard critique. Également, rendre possible chez l’élève d'élaborer une réflexion argumentée, de présenter avec clarté et précision son travail à l'oral comme à l'écrit, d'expliquer et de justifier ses choix, de participer à un débat. Assurer l'implication de l'élève dans l'équipe et son aptitude à occuper un ou des postes de travail.
Afin de restreindre la pratique d’un enseignement vertical et magistral (souvent source de tension ou d’incompréhension puisque réduit à l’aspect dual de la transmission d’un savoir) il est ici proposé un modèle misant sur un enseignement davantage horizontal et collectif (ce, pour renforcer l’ambiance de classe, la solidarité et l’écoute entre les élèves entre eux): de fait, le dispositif permet un gain indéniable dans les compétences d’analyse, de compréhension et de rédaction. Ce dispositif s’applique à des classes de plusieurs niveaux (2de, 1ère, terminale) en classe entière, de 16 à 32 éléments. Idéalement, il se réalise sur des séances de 2 heures consécutives et se déploie pleinement dans une progression annuelle. Néanmoins, il est possible de le mettre en pratique sur un trimestre seulement, à raison de deux heures bimensuelles. Le choix des textes, plans-séquences ou photogrammes doit répondre à une logique dialectique (les concepts et positions théoriques de chacun des supports doivent se répondre) et pédagogique (la compréhension égale de la forme argumentative/explicative de chacun des supports). Plus ces deux logiques seront précises et plus la suite du dispositif sera efficace.
Organisation : Préalable : les élèves sont en amont sensibilisés au Vocabulaire de l’analyse filmique grâce aux cours en ligne de Laurence Moinereau sur le site de l’Université populaire des images (Upopi) : http://upopi.ciclic.fr/vocabulaire/ à travers l’articulation entre image/plan/montage et son ( 4 séances avec travaux pratiques), Le point de vue au cinéma (cours de Delphine Simon-Baillaud, Clic-clic, 2019 : http://upopi.ciclic.fr/transmettre/parcours-pedagogiques/le-point-de-vue-au-cinema), l’analyse de certaines séquences de films de P. Le Goff (département des Arts du Spectacle, Université Rennes 2 :(http://www.analysesdesequences.com/analyses/) et Du son à l'image (Serious game) : http://upopi.ciclic.fr/du-son-l-image (4 séances)
Séance 2 h (total de 4 séances, chacune donnant une note sur 5 à chaque groupe) / Création 7 ou 8 ilots de 4 tables/4 chaises / 1 photocopie des textes/images pour chaque élève ; projection pour tous au vidéoprojecteur des séquences ou arrêts sur images sélectionnés : le professeur peut soumettre les mêmes supports – avec questionnaire - à l’ensemble des groupes ou des supports par paires ou hétérogènes (selon le contexte la classe peut voir l’oeuvre entière avant ou après les ateliers)
Les 4 rôles : Décryptage (D) + Commentaire (C) +Orateur (O)+ Archiviste (A)
/+Informateur (I) selon nombre élèves dans le groupe (NB: un élève peut parfois jouer 2 rôles si besoin) Quatre rôles sont possibles, permettant ainsi au professeur de choisir quels sont les rôles qui l’intéressent pour sa séance suivant le niveau de la classe. Ces rôles ont été définis et explicités aux élèves au préalable par le professeur (les élèves peuvent s‘aider mutuellement en cas de besoin)
Le Décrypteur : il a pour tâche est de produire l’analyse support (image/son) étudié. Il a un délai d’une heure pour produire son explication en dégageant les concepts du texte ou les éléments fondamentaux des images soumises. / Le Commentateur : cette fonction consiste à se prononcer sur l’articulation thème/thèse/problématique/plan afférente au texte soumis (NB : rôles associables)
L’Archiviste : ce rôle demande à l’élève d’utiliser le cours de lettres/philosophie et l’ensemble des films/supports audiovisuels vus pendant l’année afin de les lier (relation de l’ordre d’un ajout d’argument, d’une réfutation, d’un prolongement, d’une illustration etc.) au support du jour. Ce rôle permet aux élèves de “naviguer” dans leurs cours et de faire des liens par eux-mêmes entre les différents supports et notions et ainsi accroitre leur vision d’ensemble de leur programme.
L’Orateur : Cet élève doit présenter en 5 minutes au reste de la classe l’analyse construite par son et tout le raisonnement logique du support (texte/image) que le groupe a dégagé, en dégageant le thème, la thèse, la problématique de supports. Mais aussi d’être capable de répondre aux questions que peuvent lui soumettre les autres groupes qui l’écoutent. / Eventuellement L’Informateur : cet élève se déplace de groupe en groupe dans la classe pour s’informer de l’avancée de la réflexion de tous : il peut ramener des réflexions sur les supports traités par le groupe (pour compléter un élément manquant à la réflexion collective) mais aussi des éléments de réflexion d’un autre support que celui du groupe, ce qui permet à celui-ci de concevoir la thèse adverse à la leur (véritable gain pour l’argumentation de son groupe).
Travail individuel 1) 30 mn : chacun lit les textes ou s’imprègne des images soumises, puis au bout de 30 mn choisit un des 4 rôles [Consignation par le professeur de la constitution des groupes : le nom de chaque élève dans son groupe et son rôle] 2) 30 mn : chacun joue son rôle et reçoit une note sur 5.
Travail collectif 3) 40 m : présentation par chaque orateur du schéma/travail de son groupe (5 mn/orateur) par rapport à un même support 4) 15 mn : synthèse des exercices confiés au groupes par le professeur : noter les points centraux de chacun des supports en mettant en lumière la relation qu’entretiennent les supports entre eux (des liens Internet vers tel ou tel point d’analyse sont incrémentés sur Pronote) / Travail final : les élèves doivent rédiger sur leur cahier de cours pour la prochaine séance une synthèse de chaque support étudié durant l’atelier (la plus élaborée est mise en ligne sur le site de l’enseignant).
Application à partir de Ridicule :
Groupe 1 : analyse des 7 photogrammes de la scène d’ouverture
Questions : 1) En quoi peut-on dire que ce premier photogramme du film est inattendu ? Quels sont le statut et le rôle de ce personnage ? 2) Que montre ici le jeu sur les oppositions de la caméra ? Quel est le rythme de ce début ? Que montre dans cette séquence parfaitement délimitée le passage travelling avant / travelling arrière ? Que signifie le regard du personnage et l’absence de profondeur de champ ? Qu’ajoute la bande-son (liée au talon) sur ce début ? 3) En quoi le troisième plan est-il radicalement différent ? Quelle information doit-il apporter ? 4) A travers les yeux de qui voit-on ? Quelle atmosphère se dégage de ce photogramme et pourquoi ? Pourquoi le gros plan sur l’œil du comte de Blayac 5) Quel souvenir veut raviver le visiteur ? Que vient-il faire ? Pourquoi passe-t-on, sans transition, d’un axe frontal à un axe latéral ? 6) Décrivez le photogramme : qu’a-t-on recherché précisément à mettre en valeur ? Quel objet est au milieu de la pièce ? Quelle information donne-t-il sur le maître du lieu ? Quel élément vient contredire cela ? Qu’est-ce que le « bel esprit ? » 7) Quelle différence souligne-t-il en disant : « J’ai voyagé (moi) » Quelle action fait-il coïncider avec ses paroles sur les « barbares » aux moeurs plus rudes ? De quelle opposition témoigne la profondeur de champ ? Précisez le lien entre la parole policée, la violence de l’image pornographique (gros plan du sexe) et le son du violon. Synthèse : Qu’est venu faire le visiteur, le Chevalier de Milletail ? Que gardons-nous en mémoire de ce qui vient de se passer ? Apprenons-nous des choses sur l’époque et lesquelles ?
Groupe 2 : Image/son - Analyse séquences :
a) La scène du repas : 0H32mn48: Le comte de Guéret est ridiculisé à plusieurs reprises et l’on entend, hors les bruitages liés au repas (les couverts...) plusieurs bruitages d'animaux (dindon, pigeon, paon, cheval) alors qu'il est évident qu'il n'y a pas d'animaux dans ce salon : pourquoi ces chants de volaille notamment ? quels types de sons pouvez-vous repérer pendant cette séquence ? La musique jouée au piano par la jeune fille est-elle diégétique ?
b) « Le marquis des antipodes » 1H25mn Ponceludon qui a découvert qu'à l'instar des marais, la cour du roi est un milieu délétère, infesté par une autre affection mortelle, celle de l'intrigue, va en être victime dans cette scène. La comtesse de Blayac veut de venger d'avoir été repoussée et souhaite une humiliation publique lors d'un bal à Versailles.
Questions : Quels sont les enjeux de cette scène ? Qui est en bas, qui est en haut ? Peut-on tuer (socialement, moralement) avec des mots ? Peut-on mourir d'un mot malheureux ? Que dit le silence ? Qui sort vaincu, qui gagne ? A quelle scène fait écho cette scène finale : quel lien entre la première scène et la dernière scène ? En quoi ces deux scènes se font-elles écho ?
Groupe 3 : la structure narrative & la mise en scène
Axe : La représentation du monde (option 1ere HLP) La fluidité et l’élégance caractérisent le récit de Ridicule, mené sur un rythme vif : tout s’enchaîne. Les bonnes manières et les mauvais coups se mêlent, se confondent presque. Le récit avance comme les répliques fusent du tac au tac.
Questions : Qui est le personnage principal ? Quel est l’enjeu de l’intrigue principale ? Quel moyen est utilisé pour réussir à la cour ? Quel est le dénouement ? Quel enseignement en tirez-vous ?
– A partir des 7 photogrammes soumis, raconter la première séquence (où un ancien faiseur de bons mots est terrassé par un déballage de corps trivial. Le sexe du chevalier de Milletail triomphe de l’esprit de monsieur de Blayac) et montrer qu’elle nous informe sur les deux grands risques que va encourir Ponceludon de Malavoy en se rendant à la Cour à Versailles.
– Lire le texte de Paul Hazard ci-dessous et dire en quoi le film illustre le propos
Demeurer ; éviter tout changement, qui risquerait de détruire un équilibre miraculeux : c’est le souhait de l’âge classique. Elles sont dangereuses, les curiosités qui sollicitent une âme inquiète ; dangereuses et folles, puisque le voyageur qui court jusqu’au bout du monde ne trouve jamais que ce qu’il apporte: son humaine condition. Et quand il trouverait autre chose, il n’en aurait pas moins émietté son âme. Qu’il la concentre, au contraire, pour l’appliquer aux problèmes éternels, qu’on ne résout pas en se dissipant. Sénèque l’a dit : le premier indice d’un esprit bien réglé est de pouvoir s’arrêter, et demeurer avec soi-même ; et Pascal a découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. L’esprit classique, en sa force, aime la stabilité: il voudrait être la stabilité même. Après la Renaissance et la Réforme, grandes aventures, est venue l’époque du recueillement. On a soustrait la politique, la religion, la société, l’art, aux discussions interminables, à la critique insatisfaite ; le pauvre navire humain a trouvé le port : puisse-t-il y rester longtemps, y rester toujours ! L’ordre règne dans la vie : pourquoi tenter, en dehors du système clos qu’on a reconnu pour excellent, des expériences qui remettraient tout en cause ?
Paul Hazard, La crise de conscience européenne, Boivin et Cie, 1935 (ici, Livre de Poche, 1994, pp.11-13)
Groupe 4 : Le langage et ses bons mots - Axe : Le pouvoir de la parole (option 1ere HLP)
« Je classe tous les mots d’esprit dans ce carnet », dit Bellegarde. Relever les mots inscrits sur le carnet de Bellegarde [NB : l’équivoque, la saillie drolatique, l’allusion piquante, le brocard & le calembour] et en chercher le sens. Relever ce qui pousse les courtisans à faire des bons mots. Sur quoi reposent le rap et le slam ? Quelles relations voyez-vous avec les habitudes de la Cour ?
Analyse scène du jeu : 00h15mn32 - Script de la scène :
La scène se passe à la cour : à une table sont assis Bellegarde, l'abbé Vilecourt et une comtesse; ils jouent aux dominos en misant de l'argent.
L'abbé : Vous pensez bien que si les Évangiles étaient de quelque utilité à Versailles, cela serait venu à ma connaissance. (Rires). / L'abbé : Joignez-vous à notre partie, si le cœur vous en dit. Nous jouons à dix sols le point.
Grégoire : Les boucles d'argent de mes souliers sont ma seule richesse. Il avance son pied vers l'abbé.
Grégoire : Mais, vous pouvez les estimer de plus près, en vous courbant bien … / L'abbé : Que sollicitez-vous à Versailles ? / Grégoire : La charge d'assainir les marais de la Dombes, un paradis pour les moustiques. La vie d'un paysan n'y dépasse pas trente-cinq ans.
L'abbé : Pauvres gens … Comme un malheur n'arrive jamais seul, leur simple évocation provoque l'ennui. / Grégoire : C'est que voyez-vous, monsieur, les paysans ne nourrissent pas seulement les moustiques, ils nourrissent aussi les aristocrates.
Un courtisan, à sa voisine : Il est moins sot qu'il n'en a l'air … /Grégoire : C'est toute la différence entre nous, monsieur. (Rires).
Questions : 1) Quelle est la réaction des personnes présentes à l'arrivée de Grégoire ? Pourquoi ? 2) Pourquoi Grégoire pourrait-il avoir "un regard aiguisé sur les ridiculités de la cour" ? (Pensez aux personnages des Lettres persanes) 3) Relevez deux exemples qui montrent le cynisme de l'abbé. 4) Les paroles des personnages ont souvent un double sens ; donnez-en deux exemples en les expliquant. 5) Comment comprenez-vous la dernière réplique de Grégoire ? 6) Expliquez quelle critique de la cour de l'époque est faite à travers cette scène.
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