INTRODUCTION
Étymologie.
- nature : vient du latin natus, du verbe nascor, naître. C’est ce qui naît tout seul, se génère par lui-même, naturellement.
- culture : vient du verbe colere qui signifie “cultiver” ou “honorer”.
Culture et ... agriculture !
C’est à partir du XVIème siècle seulement que la culture cesse de désigner exclusivement le travail des champs (agriculture) pour évoquer, dans la perspective de l’humanisme, le développement des facultés mentales grâce à des exercices appropriés.
Cicéron est le premier à appliquer le mot “culture” aux choses de l’esprit ou à l’âme, mais toujours via cette métaphore de l’agriculture :
« Un champ si fertile soit-il, ne peut être productif sans culture, et c’est la même chose pour l’âme sans enseignement »
(Tusculanes, II, 13).
Pourquoi le terme de “culture” dérive de l’agriculture ? Parce que la notion de culture implique un certain travail exercé sur une nature donnée, une transformation de la nature susceptible de produire des propriétés nouvelles ou, tout au moins de développer des qualités d’abord virtuelles. C’est ainsi que la terre est cultivée c’est-à-dire travaillée, labourée, ensemencée pour produire la récolte. C’est ainsi que les corps et les esprits peuvent être cultivés, c’est-à-dire soumis à des exercices, à des apprentissages divers afin de développer leurs potentialités. Dans la langue française courante, le mot culture désigne surtout ce processus de formation, de développement.
Donc, la culture, et ce dès l’Antiquité romaine, se présente sous un double visage : elle est culture de la terre (agriculture) et culture de l’esprit (éducation).
Culture, civilisation, formation.
Au XVIIIème siècle le mot culture est employé, d’abord en Allemagne puis aprèsen France, en concurrence avec le mot civilisation. Le mot désigne alors un processus intérieur de formation, d’acquisition d’une discipline, de maturation intellectuelle et morale.
Culture, travail résultats du travail.
Quoiqu’il en soit, la culture est un acte de transformation, un travail. Elle comprendra aussi la par la suite les résultats de ce travail, les œuvres de l’esprit : les œuvres littéraires certes, mais aussi l’ensemble du savoir et des modes de pensée et de vie. Voilà pourquoi l’art fait partie de la culture, tout autant que le langage, l’histoire, la religion, le travail, la technique, les échanges... Ils sont les lieux de la culture, ses activités par excellence.
“CULTURE”. UN MOT POUR TROIS SENS DIFFÉRENTS.
1er sens du mot : ce qui s’ajoute à la nature.
La culture, c’est ce qui s’ajoute à la nature. La culture recouvre tout ce par quoi l’existence humaine apparaît comme s’élevant au-dessus de la pure animalité, et plus généralement tout ce qui élève l’homme au-dessus de la simple nature.
La culture » qui caractérise l’humanité peut être considérée soit comme un état des facultés, soit comme un système de fonctions ou de pratiques, soit comme processus qui peut être étudié ou bien à l’échelle de l’individu ou bien à celle de l’humanité. Généralement on oppose la nature et la culture pour distinguer ce qui est inné de ce qui est acquis. Tandis que la nature d’un être se transmet par hérédité, la culture se transmet par héritage. La culture désigne alors les attitudes, les croyances, les mœurs, les valeurs acquises et transmises par l’éducation.
2ème sens du mot : “être cultivé”.
Lorsqu’on parle d’un « homme cultivé », la culture désigne le résultat d’un processus de réalisation de l’individu.
À la différence du sens 1, on considère ici la réalisation intellectuelle et morale du sujet par l’exercice et le développement des facultés de l’esprit. La culture désigne donc ici le processus unifié d’éducation et de formation de l’esprit humain qui nous donne accès à l’immensité des choses faites ou vécues par les hommes (à la culture au sens 1), ainsi qu’au reste du monde naturel. Cette éducation s’effectue par exemple par la fréquentation des sciences et des œuvres de l’esprit (l’art, la poésie, la littérature, la pensée conceptuelle, que ce soit la philosophie ou la science).
3ème sens du mot : manière dont une population à un moment donné réalise la culture.
Depuis la fin du XIXème siècle il est devenu courant de désigner sous l’expression “une culture” la manière déterminée dont une population donnée, prise à un moment de son histoire, réalise LA culture.
On caractérise donc une culture par tout un ensemble d’habitudes et de représentations mentales, constituant les unes par rapport aux autres, un système original et se communiquant de manière invariable à tous les membres d’une certaine population. La culture d’une société donnée inclura la totalité des coutumes, des lois, des croyances, des formes d’art, de langage et de pensée, d’une société.
Il faut remarquer que même si la culture a pour sujets immédiats les individus, elle ne peut s’accomplir qu’à travers une entité sociale et politique. C’est pourquoi, dans un sens sociologique qui vient de l’allemand Kultur, on entendra par culture non plus le processus de formation, mais les institutions elles-mêmes, les valeurs, les modèles de comportement qui, dans telle société donnée, participent à la formation des individus. Le mot culture devient synonyme du terme civilisation. La culture se définit alors comme le mode de vie d’une société, c’est-à-dire un ensemble de faits sociaux, de caractéristiques propres à un groupe.
La culture est ainsi l’ensemble des formes de comportement d’un groupe d’individus, unis par une tradition commune, transmise par l’éducation. La manière de laver la vaisselle, de faire la cuisine, de coucher les bébés, la façon de désigner le chef du gouvernement, tout cela fait partie de la culture.
NATURE /CULTURE.
La nature précède-t-elle la culture ?
L’antériorité de la nature sur la culture est évidente et tient du bon sens puisque nous définissons en effet la culture comme une transformation de la nature, voire une seconde nature (la nature humaine étant culturelle).
La nature, c’est d’abord tout ce qui entoure l’homme et qui n’est pas son œuvre, du brin d’herbe à l’étoile. Comme le suggère l’étymologie latine, la nature comprend tout ce qui subsiste par sa propre force, tout ce qui est vivant et originaire. À noter que si dans les faits la nature précède bien la culture, nous sommes dans l’impossibilité de saisir la nature en elle-même, indépendamment de la culture. Pourquoi? Tout simplement parce que c’est toujours par l’intermédiaire d’une langue et d’une culture que s’effectue la prise de conscience de la nature et notre rapport à cette dernière. (Selon les cultures, le rapport à la nature est très différent : animisme de certains, naturalisme d’autres, artificialisme d’autres encore). L’idée de la nature est donc culturelle.
La seconde nature de l’homme.
La nature actuelle de l’homme, ce qu’il est devenu en se détachant de la nature, doit être soigneusement distinguée d’une nature originelle. La nature actuelle de l’homme est artificielle, puisque l’homme actuel, fort éloigné de sa constitution originelle, est devenu ce qu’il est. Rousseau oppose ainsi l’homme de l’homme à l’homme de la nature. De sorte qu’il est très difficile d’imaginer l’homme de base, brut, sauvage, tel que l’a formé la nature.
« Et comment l'homme viendra-t-il à bout de se voir tel que l'a formé la nature, à travers tous les changements que la succession des temps et des choses a dû produire dans sa constitution originelle, et de démêler ce qu'il tient de son propre fonds d'avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajouté ou changé à son état primitif ? Semblable à la statue de Glaucus (1) que le temps, la mer et les orages avaient tellement défigurée qu'elle ressemblait moins à un dieu qu'à une bête féroce, l'âme humaine altérée au sein de la société (2) par mille causes sans cesse renaissantes, par l'acquisition d'une multitude de connaissances et d'erreurs, par les changements arrivés à la constitution des corps, et par le choc continuel des passions, a, pour ainsi dire, changé d'apparence au point d'être presque méconnaissable; et l'on n'y retrouve plus, au lieu d'un être agissant toujours par des principes certains et invariables, au lieu de cette céleste et majestueuse simplicité dont son auteur l'avait empreinte, que le difforme contraste de la passion qui croit raisonner et de l'entendement en délire. Ce qu'il y a de plus cruel, encore, c'est que, tous les progrès de l'espèce humaine l'éloignant sans cesse de son état primitif, plus nous accumulons de nouvelles connaissances et plus nous nous ôtons les moyens d'acquérir la plus importante de toutes, et que c'est en un sens à force d'étudier l'homme que nous nous sommes mis hors d'état de le connaître. […] Que mes lecteurs ne s'imaginent donc pas que j'ose me flatter d'avoir vu ce qui me paraît si difficile à voir. Car ce n'est pas une légère entreprise de démêler ce qu'il y a d'originaire et d'artificiel dans la nature actuelle de l'homme, et de bien connaître un état qui n’existe plus [...] ».
ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité.
La perfectibilité.
Ce néologisme créé par Rousseau désigne la faculté « presque illimitée » qui « réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu », de faire des progrès, d’évoluer, en bien comme en mal. Cette faculté de transformation ne s'oppose pas seulement à l'instinct animal, par définition statique, mais à l'idée même d'essence ou de nature humaine. Le rôle de la perfectibilité ne se réduit pas, en effet, à développer des germes ou des dispositions qui seraient contenues en puissance dans la nature originaire de l'homme; elle signifie que la véritable nature de l'homme est de ne pas en avoir.
Le rôle de l’éducation et de l’instruction.
La plasticité de l’être humain, la perméabilité de son esprit à toutes les influences, ouvrent un espace de travail quant à la transformation de l’homme, celui de l’éducation ou de l’instruction. On dit souvent, à cet égard, d’un individu ne connaissant pas les bonnes manières, qu’il est « une brute mal éduquée, mal-élevée », ou d’un simple d’esprit qu’il manque d’instruction. Pour devenir des hommes dignes de ce nom, il semblerait donc que l’instruction et l’éducation soient nécessaires et jouent un rôle fondamental.
L’éducation serait une discipline qui règle le comportement humain. L’instruction pourrait permettre de développer favorablement et indéfiniment la nature humaine. La malléabilité de nos facultés permet en effet de concevoir un grand perfectionnement.
5) L’homme, être bio-sociologique.
Comme tout être, l’homme possède naturellement des qualités, des facultés, des capacités, que la culture développera. La culture en aucun cas ne peut créer de toutes pièces des capacités qui n’existaient pas dans la nature humaine originelle.
Ainsi, il serait plus juste de considérer l’homme comme un être dans lequel la nature et la culture jouent ensemble, que comme un être exclu de la nature et simplement culturel. Il y a la double action chez l’homme de la nature et de la culture, des gènes et du milieu / de l’éducation, de l’inné et de l’acquis. La culture ou l’instruction permettent seules l’épanouissement de certaines dispositions qui ne peuvent se concevoir à l’état pur.
Il s’agit alors d’affirmer, comme le fait Jacob dans Le jeu des possibles, l’interaction du biologique et du culturel en l’homme, et instituer l’unité de l’homme comme réalité bio-sociologique, qui explique la diversité des hommes selon les milieux, les mœurs et les époques.
LA DIVERSITÉ DES CULTURES.
Toutes les cultures se valent-elles?
Si la culture désigne tous les modes collectifs d’existence d’une société quelconque, cela signifie qu’il ne peut pas y avoir de société humaine inculte, dépourvue de culture. On ne peut donc pas diviser le monde en voyant d’un côté les « civilisés » et de l’autre « les sauvages » ou les « barbares », il y a juste des cultures ou des civilisations différentes, qui ne sont pas comparables ni supérieures ou inférieures les unes par rapport aux autres.
Problème de l’ethnocentrisme.
Chaque société a néanmoins toujours eu tendance à confondre sa propre culture ou civilisation avec LA culture ou civilisation, allant jusqu’à rejeter hors de l’humanité les hommes qui appartiennent à d’autres cultures. C’est ce qu’on appelle l’ethnocentrisme.
L’ethnocentrisme, donc, c’est la « tendance, plus ou moins consciente, à privilégier les valeurs et les formes culturelles du groupe ethnique auquel on appartient » (Sumner, inventeur du mot). Il signifie « voir le monde et sa diversité à travers le prisme privilégié et plus ou moins exclusif de idées, intérêts et archétypes de notre communauté d'origine, sans regards critiques sur celle-ci.
C’est donc un comportement social et une attitude inconsciemment motivée qui amènent en particulier à surestimer le groupe racial, géographique ou national auquel on appartient, aboutissant parfois à des préjugés en ce qui concerne les autres peuples. L'ethnocentrisme peut se trouver associé à la pensée raciale.
« Derrière ces épithètes [“sauvages”, “barbares”] se dissimulent un même jugement ; il est probable que le mot barbare se réfère étymologiquement à la confusion et à l’inarticulation du chant des oiseaux, opposées à la valeur signifiante du langage humain ; et sauvage, qui veut dire “de la forêt” évoque aussi un genre de vie animal, par opposition à la culture humaine. Dans les deux cas on refuse d’admettre le fait même de la diversité culturelle. On préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit. »
Claude Lévi-Strauss, Race et histoire.
La diversité des cultures, la marque de l’homme par rapport à l’animal.
La diversité des cultures est une caractéristique spécifique à l’homme. Tandis que les animaux d’une espèce ont approximativement des mœurs identiques, le trait caractéristique de l’espèce humaine réside précisément dans les différences considérables qui existent d’une culture à une autre. Par son aptitude aux extrêmes diversités culturelles, l’homme, dans ce qu’il a de
spécifiquement humain, semble se définir sur un plan qui n’est plus celui de la nature. Alors que tous les êtres vivants sont soumis à l’évolution qui transforme très lentement les espèces au cours de millions d’années, seul l’homme a une histoire car il est le seul parmi toutes les espèces vivantes à être à la fois un inventeur et un héritier de culture : l’homme crée des langues, des outils, des religions, des œuvres d’art, transmettant d’abord par la parole, puis dans les derniers millénaires, par l’écriture, ce patrimoine aux générations suivantes qui pourront exercer à leur tour leur faculté d’invention dans le cadre de ce qu’elles ont reçu.
Dans ces conditions, le système des valeurs, des règles sociales, des conduites apprises dans chaque groupe social est le résultat d’une longue succession d’inventions et d’héritages. Et il y autant de cultures qu’il y a de groupes distincts.
Tandis que ce qui est universel, propre à tous les hommes, révèle leur nature et porte la marque de constantes biologiques, tout ce qui appartient à la culture porte la marque du divers et du relatif : il y a plusieurs religions, plusieurs formes d’art, plusieurs systèmes politiques. Les lois naturelles appartiennent à la modalité du nécessaire : on ne saurait s’y soustraire, elles sont universelles. Par contre, les règles sociales et culturelles sont contingentes. Elles varient selon les civilisations. Ce sont des règles édictées par le groupe et il arrive que l’individu leur désobéisse.
Conclusion
Reconnaître la diversité culturelle, en faire valoir à la fois la nécessité (c’est quelque chose d’inhérent à l’homme) et la fécondité (heureusement que nous ne sommes pas identiques les uns les autres), en d’autres termes respecter les différences, n’interdit pourtant pas de s’interroger sur les orientations et les normes propres à chaque culture.
source : https://www.bacstmg.net/document/philosophie/la-culture-philosophie-bac-stmg-2840.html
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