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La technique selon Heidegger

Publié le 28 Novembre 2019, 12:06pm

Catégories : #Philo (Notions)

La technique selon Heidegger

La technique moderne modifie le rapport de l’homme au réel. Martin Heidegger montre en effet dans La question de la technique qu’elle constitue le phénomène central des sociétés contemporaines. Analysant son déferlement à l’aune de la question de l’être, il affirme qu’elle est même la figure ultime de l’histoire de la métaphysique.

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L’essence de la technique réside dans le dévoilement. Sa définition conventionnelle comme fabrication et comme moyen des fins est insatisfaisante, car elle la réduit à la question des causes dans l’activité humaine – or, sa signification est plus large. Réfléchissant à la technique dans son sens grec (issu d’Aristote), Heidegger prend l’exemple d’une coupe sacrificielle : de ses quatre causes – la matière, la destination, la forme et le producteur – aucune ne constitue la technique proprement dite. Celle-ci peut en fait se définir comme le rapport entre le producteur et les trois autres causes, c’est-à-dire qu’elle est le moyen par lequel l’orfèvre fait en sorte de produire effectivement la coupe sacrificielle. C’est grâce à elle que l’énoncé « ceci est une coupe » devient réalité. Cet exemple de Heidegger témoigne du fait que l’essence de la technique est le dévoilement, soit le processus par lequel une chose dissimulée dans le domaine des potentialités est extraite, amenée devant l’individu, et accède ainsi effectivement à la réalité présente. « Le point décisif ne réside pas, écrit le philosophe, dans l’action de faire et de manier, mais dans le dévoilement » (La question de la technique). Pour Heidegger, la technique possède donc une signification métaphysique, car elle s’accompagne d’un certain rapport de l’homme au monde.

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Heidegger redoute le paradigme de la technique

La technique moderne repose sur l’« arraisonnement ». En effet, elle ne constitue plus un simple dévoilement ; elle est au contraire une « provocation » dans la mesure où elle impose sa propre loi à la nature. Dans cette perspective, elle représente aux yeux de Heidegger la manifestation avancée de l’idéologie de la raison, incarnée par l’expression cartésienne de l’homme comme « maître et possesseur de la nature ». Autrement dit, la relation de l’homme au monde consiste à appliquer la raison à la réalité, conçue comme nécessairement conforme aux lois de la raison. La technique moderne met plus précisément en demeure la nature de lui livrer son énergie afin qu’elle l’accumule, la manipule et la diffuse. Par exemple, l’interrupteur électrique constitue pour Heidegger à la fois un dévoilement de la lumière et une véritable sommation à comparaître pour cette énergie. Le philosophe voit donc la technique moderne comme une succession de provocations à l’égard de la nature. Cette dimension provocatrice est exprimée par l’allemand « Gestell » (« cadre ») et par le français « arraisonnement ». « Ainsi appelons-nous, écrit Heidegger dans un style plutôt obscur, le rassemblement de cette interpellation qui requiert l’homme, c’est-à-dire qui le provoque à dévoiler le réel comme fond dans le mode du commettre » (La question de la technique).

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La technique moderne représente un danger pour l’homme. Tout d’abord, elle risque pour Heidegger d’enfermer l’homme dans son mode spécifique de dévoilement : il ne pourrait alors plus concevoir le monde que comme un stock d’énergie à exploiter. Or, il existe d’autres modes de dévoilement tout aussi valables. Les religions, par exemple, placent l’homme dans un rapport sacré au réel. Un Grec qui construit un temple en l’honneur de son dieu, ou un chrétien qui bâtit une cathédrale ne sont pas dans l’exploitation de la nature, mais ils la dévoilent et la célèbrent comme une création divine. De même, le mode de dévoilement de l’art consiste à laisser s’épanouir la beauté et l’harmonie sans les commander. Si l’homme en vient à oublier ces autres modes, il sera alors aliéné par la technique, et il en perdra, pour Heidegger, son essence – il ne sera plus véritablement un homme. Enfin, le risque le plus grave est qu’il subisse le même sort que la nature, qu’il soit lui-même pris comme un fonds disponible dans la logique de l’usure et de la consommation. « L’homme suit son chemin à l’extrême bord du précipice, prédit le philosophe, il va vers le point où lui-même ne doit plus être pris que comme fonds disponible » (La question de la technique). Heidegger illustre ce danger avec les camps d’extermination, une mise en œuvre de la technique qui a précisément appliqué à l’homme l’approche technicienne du monde.

>> La condition de l’homme moderne selon Hannah Arendt sur un post-it

 

source :  https://1000-idees-de-culture-generale.fr/technique-heidegger/

 

 

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