Que ce soit en philo, en droit ou en histoire, la dissertation fait souvent peur. Réussir cet exercice d'analyse n'a pourtant rien d'inaccessible : il faut d'abord en comprendre l'esprit et respecter ses règles, et pour commencer, bien poser son sujet. Comment donc trouver une problématique et faire un plan ? (1ère partie).
La dissertation n'a donc rien à voir avec un étalage de connaissances. Vous n'êtes pas noté au nombre de lignes ou de pages produites, ni évalué sur sur la capacité de votre mémoire. Ce n'est pas non plus un texte d'opinion personnelle ni de pure création qu'on vous demande.
Qu'attend-on de vous dans une dissertation ?
De même la dissertation pour être réussie doit-elle répondre à une question assez précise. Le cours n'est qu'une boite à outils où vous pourrez piocher - selon la matière - des concepts philosophiques, des références littéraires ou historiques - mais c'est vous l'architecte de la démonstration. "Le plus important, dit Bernard de Castéra, c'est la réflexion !"
Savoir lire son sujet mot à mot
Par exemple, en droit, "Doit-on supprimer l'élection au suffrage universel du président de la République ?", n'est pas la même chose que "Peut-on supprimer l'élection au suffrage universel du président de la République". Le "Doit-on" revient à se demander s'il y aurait des raisons impérieuses de changer ce mode de suffrage. Le "peut-on" conduit à réfléchir à la possibilité de le faire. Vous comprenez que cela ne donnera pas du tout le même devoir !
De même, le sujet "La recherche de la liberté peut-elle tout justifier ?" est un sujet sur la liberté et la morale ; tandis que "La liberté est-elle le pouvoir de tout faire ?" touche à la liberté et la contrainte.
Respirez et prenez de la hauteur...
Respirez bien et résistez à l'envie de vous jeter sur votre stylo pour noircir vos feuilles de brouillon. Eventuellement, soulignez ou encadrez les termes importants du sujet et crayonnez quelques mots-clés si cela vous aide.
Définir sa problématique à partir de la question du sujet
Vous pénétrez ainsi au coeur de la question que l'on vous pose et vous réfléchissez à ce qu'elle recouvre. "La recherche de liberté est essentielle, vous dites-vous, elle justifie bien des combats, mais non les crimes... Il y a d'autres valeurs sans doute à prendre en compte..."
Du coup, vous pouvez reformuler votre sujet, ce qui donne par exemple : "La liberté est-elle une valeur absolue qui pourrait justifier tous les comportements ou doit-elle prendre en compte d'autres valeurs ?" Vous précisez ainsi en la développant la question à laquelle vous allez répondre : vous tenez votre "problématique".
Dans ce cas, la problématique est déjà contenue ou suggérée par la question de l'énoncé, comme souvent dans les épreuves du bac. Mais le fait de la reformuler avec vos propres mots montre que vous avez bien compris le sujet. Et cela vous aide à pousser les bonnes portes pour trouver des réponses.
L'exemple de l'épreuve de la dissertation au bac français
Trouver sa problématique quand le sujet n'est pas une question
Et pourtant ce n'est pas une restitution de cours qu'on vous demande, mais bien une dissertation ! Il faut donc absolument dégager une problématique sous forme de question pour vous permettre de faire une véritable analyse.
Cela nécessite d'abord de bien connaître son cours afin de repérer derrière un énoncé très bref les points théoriques importants qui peuvent être évoqués. Mais il faut aussi un esprit d'analyse bien affûté pour poser une question pertinente qui soit à la fois dans le sujet, et qui traite un thème central et non secondaire.
Dans l'exemple donné ci-dessous, une problématique pourrait être : "Les ouvriers ont-ils disparu en tant que classe sociale en France entre 1930 et l'époque contemporaine ?"
Votre problématique est-elle assez solide ?
Il vous faut donc des fondations solides : la problématique doit être assez riche pour ouvrir plusieurs portes. Il faut éviter une question trop plate, qui appellerait une réponse évidente ou banale.
Par exemple : "Les ouvriers ont-ils disparu en tant que classe sociale en France depuis 1930 ? " est une problématique beaucoup plus stimulante que : "Quelles sont les évolutions du milieu ouvrier en France depuis 1930 ?"
Car la bonne problématique doit... poser des problèmes, présenter des tensions et des contradictions. Si vous n'en sentez pas, il faut replonger pour en trouver au coeur de votre sujet !
Dans l'excellent "Guide de survie au bac philo" publié par Philosophie Magazine en 2016, le philosophe Charles Pépin invitait l'élève à "rentrer dans le sujet" en commençant par l'écrire en gros caractères sur son brouillon. Puis il utilisait une image amusante pour décrire ce travail de réflexion :
"Et imaginez. Vous êtes un petit bonhomme. Et vous rentrez dedans. Avec vos petits bras, vous reliez d'une corde verte les différents termes (du sujet) qui vont ensemble, et vous tirez une corde rouge entre ceux qui vous semblent incompatibles. Avec vos petits pieds, vous donnez des coups dans certains termes pour voir comment ils réagissent lorsqu'ils se heurtent à leurs voisins." (extrait de l'article A la conquête du sens, p. 11).
Trouver ses idées... en réponse à la problématique
Pour ne pas vous noyer, tâchez de garder en tête votre question centrale. Ainsi les idées seront plus faciles à organiser et à nouveau vous éviterez de vous écarter du sujet... De même si vous pensez à des éléments de cours : vérifiez aussi qu'ils répondent bien à la question que vous vous posez. Pas tout à fait ? Alors, ne les gardez pas !
Illustrer avec des exemples bien choisis
En français, vous les tirerez d'abord des textes qui accompagnent le sujet s'il y en a, puis des auteurs étudiés en classe ou de vos lectures (ce sera un "plus")... En histoire, on citera des événements correspondant à l'espace-temps du sujet ; en droit, des faits d'actualité traités sur un plan juridique, etc.
En philosophie, tout dépend de votre problématique : un sujet sur la science pourra bien sûr vous amener à citer des savants, à faire allusion à de grandes découvertes ou à des innovations. Un sujet sur l'art nécessite au moins deux ou trois références à un artiste (peintre, musicien, poète) ou à des courants artistiques. Mais attention toutefois à ne pas citer pour citer. L'exemple doit venir appuyer un pan de votre démonstration philosophique.
Méfiez-vous également des exemples tirés de la vie quotidienne qui peuvent tourner au "lieu commun" et évitez les phrases utilisant le sujet "on".
Faire un plan clair et logique
Faut-il adopter le classique plan en trois parties bâti sur le schéma "thèse / antithèse / synthèse" ? Non si cela vous conduit à plaquer systématiquement les réponses "oui / non / peut-être" sur n'importe quelle question !
Pour le sujet "La recherche de la liberté peut-elle tout justifier ?" par exemple, cela vous conduirait à admettre dans la première partie que la liberté peut tout justifier... Mieux vaudra procéder par approfondissement progressif :
1/- La conquête de la liberté est une valeur essentielle pour le progrès des sociétés et des personnes
2/- Mais cette conquête peut aboutir à de graves atteintes à l'ordre social et à la vie et ne peut donc tout justifier
3/- La recherche de la liberté ne peut s'exercer qu'en lien avec d'autres valeurs morales et civiques.
Mais éviter de faire du remplissage !
Ancienne enseignante dans le supérieur et auteur du blog donnezdusens.com, Hélène Weber explique qu'il ne faut jamais bâtir un plan de devoir comme on remplit une armoire. "Une fois toutes ses idées trouvées au brouillon, l'étudiant a souvent tendance à vouloir les faire rentrer toutes dans un plan prédéfini, un peu comme on range ses vêtements sur les étagères d'une armoire".
Or la bonne dissertation n'est pas une armoire à remplir ! Encore une fois, vous n'êtes pas évalué sur la quantité de vos connaissances mais sur la qualité de votre réflexion. Mieux vaudra donc laisser tomber certaines idées que d'aboutir à un texte confus qui cherche à tout caser sans rien démontrer.
Bien suivre le fil directeur de sa démonstration
Tout en ayant toujours en tête votre question centrale, placez-vous donc face à vos idées : vous voyez que certaines sont similaires,il faut les regrouper. D'autres apportent un complément, une nuance ou un autre point de vue : c'est une autre partie ou bien une sous-partie de la première.
Mais quel est le lien entre elles ? Au moment de bâtir votre plan, il est très important de l'avoir en tête pour ne pas vous contenter de juxtaposer des idées les unes à côté des autres. Vous avez échappé à l'armoire, mais il ne s'agit pas non plus de faire "un plan à tiroirs" ! Des flèches, de petits mots de liaison ou une numérotation (selon vos habitudes) vous permettent d'exprimer les liens logiques entre vos parties.
Votre texte pourra ainsi passer de façon fluide et bien articulée d'une idée à l'autre, comme un gymnaste parcourrait une échelle en lançant ses bras d'un barreau à un autre.
A la fin, votre démonstration vous amène naturellement à la conclusion : vous apportez une réponse claire à la problématique, sans répéter ce que vous avez dit mais en prenant plus de hauteur.
Utiliser une méthode visuelle ?
"C'est une méthode visuelle qui consiste à isoler les grands thèmes du sujet dans des cercles, explique Josette Ripoll, dirigeante de Week-End Bac. Souvent il y a un thème mineur à l'intérieur du thème majeur. On en tire très vite un plan, et l'on cherche ses idées ensuite, ce qui fait gagner beaucoup de temps".
Lors des stages de révisions qu'elle organise, l'association complète ce travail sur le plan par une révision systématique des auteurs et des idées (en français, philo ou histoire-géo). "Il faut absolument remettre les auteurs dans leur espace-temps", souligne Josette Ripoll, ancienne enseignante de français.
Les élèves peuvent ainsi les citer où il faut dans leur devoir et enrichir leurs exemples.
Utiliser des couleurs pour identifier ses idées
"Sortez votre arme fatale d’étudiant en droit : j’ai nommé vos surligneurs, écrit-il pour expliquer comment bâtir son plan après avoir réfléchi à son sujet. Prenez 4 couleurs différentes, et surlignez d’une même couleur les idées/informations qui sont liées, qui peuvent être regroupées entre elles.
Si l'étudiant conseille d'utiliser 4 couleurs, c'est que la dissertation juridique doit traditionnellement comporter deux parties de deux sous-parties chacune, ce qui fait donc 4 sous-parties.
Mais personne ne vous empêche d'utiliser des surligneurs dans d'autres disciplines, et de trouver votre propre code couleur : par exemple une pour les grandes parties, une autre pour les sous-parties et une pour les illustrations.
Comment s'exercer ?
Pour cela :
- Prenez des sujets d'annales et accordez-vous un temps limité pour trouver la problématique et faire le plan. Ne regardez surtout pas le corrigé car cela empêche de penser par soi-même et ne vous fera pas progresser.
- Faites ce travail à plusieurs : pendant 15 minutes, chacun cherche une problématique, puis vous les confrontez. A tour de rôle, chaque étudiant présente alors aux autres le plan qu'il envisagerait. La méthode est stimulante et vous permet de réviser sans en avoir l'air. Elle vous habitue aussi à envisager un sujet sous différents angles.
- En parallèle, continuez à apprendre classiquement vos fiches de cours.
Il vous faudra ensuite travailler la rédaction de votre dissertation, ce que nous verrons dans un deuxième article. Car pour passer maître dans l'art de la "dissert", il faut maîtriser le fond et la forme.
Commenter cet article