Exercice : corréler les 2 séquences de Robocop 2 (scène du "cauchemar" et "Qu'avez-vous fait de moi ?") au cours sur le Sujet
RoboCop (2014)
- End This Nightmare Scene (2/10) :
https://www.youtube.com/watch?v=UFuxiZFwDPs
- What Have You Done To Me ? :
https://www.youtube.com/watch?v=GlCN1EPAoHI
Quel est l’intérêt philosophique de cet extrait ?
Proposition de traitement par Mr Antoine Wigno, TES1, lycée Abert-Ier de Monaco, octobre 2019.
La brève séquence visualisée de Robocop 2, nous montre Alex Murphy, policier rescapé de terribles blessures dont on a transféré les parties humaines et la conscience dans une sorte d’exosquelette robotisé, disposant de capacités surhumaines (Murphy peut ainsi effectuer des sauts immenses, visualiser des cibles, avoir des réflexes et une vitesse décuplés.) La scène du film de José Pardilha décrit donc le moment où Murphy comprend qu’il ne reste plus rien de lui (son corps a été décapité dans un accident de voiture) mis à part son visage, ses poumons, son cerveau (avec la conscience qui l’accompagne) et sa main droite.
La scène, rendue très explicite à l’aide d’effets spéciaux, a un grand intérêt philosophique, étant donné qu’elle permet de débattre de « l’unité du moi » dans un corps étranger. Si en effet, Murphy semble conserver sa conscience -qui est définie par le cartésianisme comme étant en fait la capacité de penser, qui fait le sujet et donc l’individu (« cogito ergo sum »)-, il paraît désorienté et exprime une volonté de ne pas être dans ce corps, qui est maintenant le sien. Il est donc sujet à lui-même mais désormais aussi à une force extérieure (on peut l’éteindre « à distance »).
Murphy ne s’appartient donc plus qu’en partie : ceci est à relier avec la théorie de l’empirisme qui définit que la conscience s’établit grâce au toucher, et aux différents sens. Elle devient ainsi quelque chose de concret. Murphy ne peut presque pas sentir son corps, pour autant, sa conscience reste intacte (au vu de l’extrait) alors qu’il ne sent plus grand chose. De facto, cela peut également renvoyer à la citation de Platon dans Phédon, « le corps est le tombeau de l’âme », ce qui rejette donc aussi le matérialisme, qui peut se définir comme l’être n’étant que de la matière : pourtant, Murphy n’est presque plus fait de matière, et continue tout de même « d’être ». Il est en effet conscient : de sa situation, son passé, sa personne : il pense, c’est un cogito.
Cela renvoie donc à la thèse de Descartes dans le Discours sur la Méthode, IV : « je pense donc je suis » , qui définit que la conscience fait le sujet, car l’individu peut être trompé par le monde qui l’entoure, mais ne peut pas être trompé sur un fait : celui qu’il pense. Dans sa perception du monde (qui est désormais un scanner pour reconnaître des cibles), Murphy peut être trompé et ne pas voir le monde comme il le voudrait, de même dans ses pensées : ainsi, il est un sujet selon le cartésianisme, car être trompé est ce qui permet d’être : on est trompé mais on pense, ainsi, selon le cartésianisme, nous sommes. Mais Murphy peut il être considéré comme un sujet à part entière ?
En effet, s’il est seul maître de sa conscience (on le suppose au vu de l’extrait), il reste soumis à des forces extérieures et indépendantes de sa volonté. Le sujet est donc une individualité (il est conscient et peut être trompé, ce qui caractérise le « moi ») mais il reste contrôlé : il ne peut exercer pleinement sa volonté. Cela renvoie à l’idée d’Emmanuel Kant dans L’Anthropologie du Point de vue pragmatique, où l’auteur déclare que les animaux sont des comme des machines dont on peut disposer à sa guise : cette description peut également s’appliquer à Murphy, puisque ce dernier peut être contrôlé par des tierces personnes.
Le policier robot est donc un animal ayant la raison, qui est emprisonné dans la caverne de Platon. Platon, dans République VII, avec sa fameuse "allégorie de la caverne", décrit l’individu ignorant, et donc trompé, comme étant attaché en bas de la caverne et ne distinguant que des ombres d’objets fabriqués par des hommes à un second niveau de la caverne.
Murphy peut donc, d’une certaine manière, soritir de la caverne tout en restant attaché : on le force à voir le monde autrement, mais il en est conscient. Cela rend donc la scène grandement intéressante du point de vue philosophique. Enfin, l’on peut contester que Murphy dispose d’une conscience et donc débattre de sa réflexivité : il voit les autres individus comme des cibles, rendant sa perception et son entendement subjectifs. Or, cela n’émane pas de lui mais d’une force extérieure à son corps et sa conscience. On peut donc ici débattre de la limite qu’impose le corps matériel à la conscience, et de la différence entre l’homme et l’animal tel qu’il est décrit par Kant.
Cela remet donc en cause l’unité du « moi » quand celui-ci est influencé par un corps étranger.
Proposition de traitement par Mlle Brenda Bakhaya, TES1, lycée Abert-Ier de Monaco, octobre 2019.
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