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João Gilberto, "The Girl from Ipanema" (1964)

Publié le 31 Octobre 2019, 22:19pm

Catégories : #Philo & musique

   João Gilberto, "The Girl from Ipanema" (1964)

The Girl From Ipanema (La Fille D'Ipanema)

Tall and tan and young and lovely
Grande et bronzée et jeune et belle
The girl from Ipanema goes walking
La fille d'Ipanema sort marcher
And when she passes, each one she passes goes - ah
Et quand elle passe, tous ceux qu'elle dépasse s'écrient - ah

When she walks, she's like a samba
Quand elle marche, elle est comme une samba
That swings so cool and sways so gentle
Qui oscille si calmement avec des balancements si doux
That when she passes, each one she passes goes - ooh
Que quand elle passe, tous ceux qu'elle dépasse s'écrient - ooh


(Ooh) But I watch her so sadly
(Ooh) mais je la contemple tellement tristement
How can I tell her I love her
Comment puis je lui dire que je l'aime
Yes I would give my heart gladly
Oui je (lui) donnerais mon coeur avec joie
But each day, when she walks to the sea
Mais chaque jour, quand elle marche vers la mer
She looks straight ahead, not at me
Elle regarde droit devant, pas moi

Tall, (and) tan, (and) young, (and) lovely
Grande, (et) bronzée, (et) jeune, (et) belle
The girl from Ipanema goes walking
La fille d'Ipanema sort marcher
And when she passes, I smile - but she doesn't see (doesn't see)
Et quand elle passe, je souris - mais elle ne voit pas (ne voit pas)
(She just doesn't see, she never sees me, ... )
(elle me voit simplement pas, elle ne me voit jamais... )


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"La fille d'Ipanema" reste la plus immortelle des Bossa Nova, chantée par les plus grands, tel Franck Sinatra.

Lorsque le matin elle traversait sa rue du quartier d'Ipanema, pour acheter les cigarettes à sa maman, la jeune et innocente Heloïsa Pinheiro, dans son petit maillot deux pièces ignorait, que de l'autre côté de la rue, attablés à la terrasse d'un café, deux auteurs compositeurs l'observaient et allaient s'en inspirer pour écrire "The Girl from Ipanema".

Inutile de préciser que la chanson a fait la notoriété d'Ipanema, ce quartier chic et branché au sud de Rio de Janeiro et rendu célèbre, aussi, sa muse Héloïse devenue depuis top Model et styliste...

Quatre décennies plus tard en 2003, Amy Winehouse venue à Miami pour rencontrer son producteur Salaam Remi, interprète cette version très personnelle de "The Girl from Ipanema". Un enregistrement que l'on retrouve aujourd'hui gravée sur son album posthume.

"The Girl From Ipanema" est probablement la chanson la plus interprétée et enregistrée dans le monde. Quant à la belle Heloïsa Pinheiro qui a inspiré nos deux auteurs compositeurs Antonio Carlos Jobim et Vinicius de Morales, elle continue d'alimenter bien des histoires. A l'ouverture des Jeux Olympiques de Rio en 2016, les organisateurs ont rejoué avec Gisèle Bündchen, la scène de la jeune fille qui traversait innocemment la rue pour acheter des cigarettes.

Mais la version la plus mythique de "La Fille d'Ipanema" restera à jamais celle enregistrée à New York en 1963 par Joao Gilberto et le saxophoniste Stan Getz. A l'origine c'est la chanteuse de Jazz Sarah Vaughan qui devait assurer les couplets en anglais. Finalement on a confié cette lourde responsabilité à Astrud Gilberto l'épouse de Joao, qui n'avait jamais, auparavant, enregistré une seule note de musique.


Il était "o Mito", le Mythe, cofondateur et survivant vénéré de la bossa nova, parrain retiré de la Musique populaire brésilienne (MPB). On le savait âgé, diminué, endetté, miné par un conflit qui avait duré des années - et qu'il avait remporté - avec une grosse maison de disques, tiraillé entre différents membres de sa famille qui s'entredéchiraient sur le dos de ce vieil homme qui n'était rien de moins qu'un trésor national pour le Brésil. Et un simple coup d'oeil aux médias brésiliens ce dimanche matin indique que cette guerre ne s'interrompt même pas le temps du deuil.

Ces dernières semaines, son fils Marcelo, notamment par l'intermédiaire du compte Facebook de sa fille de 3 ans, postait des photos du chanteur. On le voyait dans des moments de complicité, en pyjama et robe de chambre, avec la fillette qui semblait lui apporter un peu de sérénité sur ses vieux jours. Les photos n'en étaient pas moins douloureuses, tant ce géant de la musique du XXe siècle nous apparaissait amoindri, elles étaient même embarrassantes, nous donnant l'impression d'être voyeurs, car cet homme qui avait toujours cultivé la discrétion voyait son intimité et sa fragilité dévoilées à des millions d'abonnés des réseaux sociaux - c'est pourquoi nous n'avons pas le coeur à les partager ici.

Sur l'une des toutes dernières photos postées il y a seulement quelques jours, João Gilberto se tenait debout, dans un costume devenu trop ample pour sa silhouette émaciée, avec sa guitare, le regard dans le vague, déjà ailleurs. Qui a mis en scène cette image ? Aujourd'hui, elle résonne comme un adieu. Alors, laissons la musique parler.


Bim bom (João Gilberto) - 1958

Paroles et musique : João Gilberto
L'une des rares chansons composées par João Gilberto, essentiellement connu comme interprète de classe mondiale, cette petite samba historique et pétillante composée vers 1956 figure sur son premier album solo Chega de Saudade (1959) après être sortie en 78 tours en 1958 combinée au titre Chega de Saudade.

Chega de Saudade (Jobim / Moraes) - 1958

Musique : Antônio Carlos Jobim / Paroles : Vinícius de Moraes
La chanson fondatrice de la bossa nova. Enregistrée une première fois par la chanteuse Elizete Cardoso en 1958, sous la houlette de son compositeur Antônio Carlos "Tom" Jobim, avec João Gilberto à la guitare. Puis par João Gilberto lui-même au chant, dans son premier album solo (il avait démarré sa carrière dans un groupe vocal où il n'avait pas tenu longtemps...). Timbre de la voix, suavité du phrasé, et cette façon unique de jouer avec le rythme et les espaces. Le reste est de l'Histoire.

Samba da minha terra (Dorival Caymmi) - 1961

"Samba da minha terra" (Dorival Caymmi)
Quand João Gilberto reprenait l'un de ses maîtres, le grand Dorival Caymmi, né dans l'Etat de Bahia comme lui. La chanson est sortie sur le premier des deux albums de sa discographie intitulés João Gilberto, lancé en 1961.

Garota de Ipanema (Jobim / Moraes) - 1962

Musique : Antônio Carlos Jobim / Paroles : Vinícius de Moraes
L'hymne de la bossa nova, créé à Rio de Janeiro en août 1962 et enregistré par Gilberto en mars 1963 à New York avec Tom Jobim et le saxophoniste américain de jazz Stan Getz, pour un album intitulé Getz/Giberto, lancé en mars 1964 et entré dans la légende. Avec ce disque, la bossa nova a conquis le monde. A Garota de Ipanema, traduite en anglais par The Girl from Ipanema est l'une des deux chansons les plus jouées sur la planète.

Desafinado (Jobim / Mendonça) - 1959

Auteurs : Tom Jobim et Newton Mendonça
La chanson, qui parle d'un artiste "désaccordé", qui répond officiellement à une bien-aimée qui se moque de lui et de sa façon de faire de la musique, fut écrite par Tom Jobim et Newton Mendonça en réaction aux premiers détracteurs de la bossa nova. João Gilberto l'a enregistrée sur les albums Chega de Saudade (1959) et Getz/Gilberto (1964).

Aguas de Março (Jobim) - 1973

Paroles et musique : Tom Jobim
Il y a deux "albums blancs" dans l'histoire de la musique pop. Celui des Beatles sorti en 1968. Et celui intitulé João Gilberto, que le chanteur-guitariste a sorti en 1973. C'est l'un des plus grands albums de l'histoire de la musique brésilienne. Il s'ouvre par cette version hypnotique d'une chanson alors tout juste enregistrée par son auteur-compositeur Tom Jobim, en solo, dans son album Matita Pêre sorti la même année, et qui allait devenir un classique incontournable du répertoire de la MPB.

Eu vim da Bahia (Gilberto Gil) - 1973

Paroles et musique : Gilberto Gil
Autre extrait du mythique "album blanc", l'ode d'un Bahianais à un autre, l'hommage d'un disciple à son illustre aîné : Eu vim da Bahia est une chanson que Gilberto Gil a écrite pour João Gilberto, avant de la reprendre lui-même.

É Preciso Perdoar (Luz / Coqueijo) - version de 1976 avec Stan Getz

Auteurs : Alcyvando Luz et Carlos Coqueijo
Cette chanson, encore un joyau de l'"album blanc" de 1973, a été revisitée trois ans plus tard dans une version époustouflante avec Stan Getz, pour des retrouvailles somptueuses avec le saxophoniste dans l'album The Best of Two Worlds (1976)...

Estate (Bruno Martino) - 1977

Paroles et musique : Bruno Martino
La chanson, écrite par le musicien italien Bruno Martini, n'avait pas spécialement franchi les frontières de son pays... Jusqu'au jour où João Gilberto l'a entendue lors d'une tournée en Europe. Il l'a reprise et en a fait un standard international. Sur la vidéo ci-dessus, il la chante à Rome en 1983, accompagné par un orchestre à cordes.

'S Wonderful (Gershwin) - 1977

Musique de George Gershwin / Paroles d'Ira Gershwin
Même quand João Gilberto reprenait un classique de George et Ira Gershwin dans son célèbre album Amoroso de 1977, ça sonnait encore et toujours, avant tout, comme du João Gilberto. Avec cette suavité, et ici, ce sourire dans la voix, cette "batida" rythmique à la guitare qui firent les fondations d'un style et d'un mythe.

Corcovado (Jobim) sur scène avec le compositeur en 1992

Paroles et musique : Tom Jobim
Rio de Janeiro, 1992. Des retrouvailles historiques - et uniques - sur scène entre deux pères de la bossa nova, trente ans après leurs dernières prestations scéniques communes... Le temps de chanter quelques classiques dont l'intemporel Corcovado, connu dans le monde anglo-saxon comme Quiet Nights and Quiet Stars, l'un des chefs-d'oeuvre de l'album Getz/Gilberto.

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Le père de la bossa nova est mort le 6 juillet mais on voulait prendre notre temps pour lui rendre hommage. Rendez-vous ce soir à 18H pour un mix spécial dédié à son art inimitable de l’onomatopée. De “Bim Bom” à “Ho-Ba-La-La”, plongée dans le monde des bruits qui font sens.
“Melhor do que isso só mesmo o silêncio / E melhor do que o silêncio só João” chantait Caetano Veloso dans le morceau de clôture de son génial Livros. Traduction: dans la hiérarchie des valeurs, le silence trône tout en haut. Et seul João Gilberto peut prétendre à tutoyer son règne. Il faut dire que celui qui est unanimement considéré comme le père de la bossa nova n’avait pas son pareil pour murmurer une chanson. Souvent imité, jamais égalé, le Brésilien avait ce qu’on appelle tout simplement la classe. Le genre de type qui arrive et qui calme tout le monde. Et pas en haussant le ton, en criant ou en faisant péter les décibels. Non, le respect et l’admiration, il les provoquait en chuchotant ses mots, comme s’il chantai plus pour lui-même que pour les autres. Le meilleur moyen de convoquer la silence comme on convoque Dieu dans une prière. 

Parfois même, il ne les prononçait même pas ses paroles. Rarement interprète n’aura autant magnifié l’art délicat de l’onomatopée, ce son à mi-chemin entre le tout et le rien, la raison et la folie, le mot et la chose. À l’image du célébrissimme “The Girl From Ipanema” avec Stan Getz où il débute par cette mise en bouche non verbale, João Gilberto a développé son scat à lui: un scat qui lui ressemble, minimaliste et sophistiqué. De “Tin Tin Por Tin Tin” à “Ho-Ba-La-La” en passant par le déconcertant “Undiu” ou le collectif “Cordeira de Nana”, Le Grigri a sélectionné quelques-uns de ces grands moments de bim bam boum. Rendez-vous à 18H sur la radio porte-bonheur pour ce mix spécial onomatopées du géant brésilien.
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Se réabreuver, déjà, à ce timbre suave jugé trop blanc pour le film Orfeo Negro (le réalisateur recruta à la place Agosthino dos Santos...) mais dont le phrasé n'avait rien de blafard. Cette voix, c'est la source chaude, le requiem, l'éternité de la bossa nova. La guitare qui lui tombe sous la main n'enjolive rien. Elle accompagne la mise à nu. Elle surfe sur les étés, les silences, les fantômes. Car contrairement aux deux autres membres de la "sainte-trinité" de la bossa, l'interprète des mythiques Chega de saudade et A Garota de Ipanema préservait ses secrets et son quant-à-soi.

Tom Jobim jubile, Vinicius de Moraes rugit, la grâce d'Elis Regina, plus tard, sera tout aussi communicative, mais João Gilberto, lui, cultive son hédonisme en solo. Il ne parle pas beaucoup aux journalistes. Invité à définir son art, il s'en tire par une pirouette: la bossa, explique-t-il, c'est "une petite samba faite d'une seule note"... Mais encore ? De quoi donner parfois au personnage un aspect un peu reiche, comme si João Gilberto s'était méfié d'une certaine mythologie autour de la bossa nova, ou du moins de ce que les Américains en ont fait.

Pour lui, la bossa n'est pas seulement un dérivé de "cooltitude", et encore moins l'affluent exotique d'on ne sait quel Jazz West Coast, même s'il a lâché une fois à Gerry Mulligan: "C'est toi qui m'a appris à chanter, je voulais imiter ton saxophone"... Bossa et jazz, liaisons amères. Le 18 mars 1963, c'est Stan Getz qui touche le jackpot en gravant pour le label Verve l'album Getz/Gilberto. Sur Girl from Ipanema, vocalisé en langage yankee, João est même sommé de laisser sa place à sa dulcinée, Astrud Gilberto, qui jusque là n'avait jamais chanté ailleurs que dans sa cuisine.

Sa place, mais aussi son cœur, puisqu'Astrud divorce avec son Brésilien pour rejoindre le saxophoniste. Mais la rancune n'est pas son fort, à João Gilberto. La preuve, ce E Preciso Perdoar -"Il faut bien pardonner"- à travers lequel il retrouve Stan Getz en 1976 dans The Best of Two Worlds, et tant pis si le saxophoniste tire à nouveau la couverture à lui. Du même morceau, on préfère la version poignante et minérale de 1973, dans ce fameux João Gilberto resté dans la légende comme le fameux "album blanc" de la bossa en référence à celui des Beatles. L'âme chantante de la bossa y prolongeait avec génie l'hymne tout en mélancolie de A Felicidade: "la tristesse n'a pas de fin, le bonheur, si"...


 

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