Ain't That a Shame
You made me cry when you said goodbye
Ain't that a shame?
My tears fell like rain
Ain't that a shame?
You're the one to blame
You broke my heart when you said we'll part
Ain't that a shame?
My tears fell like rain
Ain't that a shame?
You're the one to blame
Farewell, goodbye, although I'll cry
Ain't that a shame?
My tears fell like rain
Ain't that a shame?
You're the one to blame
You made me cry when you said goodbye
Ain't that a shame?
My tears fell like rain
Ain't that a shame?
You're the one to blame
Farewell, goodbye, although I'll cry
Ain't that a shame?
My tears fell like rain
Ain't that a shame?
You're the one to blame
Tu m'as fait pleurer quand vous avez dit au revoir.
N'est-ce pas une honte ... mes larmes tombent comme la pluie
N'est-ce pas une honte ... tu es le seul à blâmer.
Tu as brisé mon coeur, maintenant nous sommes séparés.
N'est-ce pas une honte ... mes larmes tombent comme la pluie
N'est-ce pas une honte ... tu es le seul à blâmer.
Ah, oui, vous êtes,
Adieu, adieu, bien que je vais pleurer.
N'est-ce pas une honte ... mes larmes tombent comme la pluie
N'est-ce pas une honte ... tu es le seul à blâmer.
Ah!
Tu m'as fait pleurer quand vous avez dit au revoir.
N'est-ce pas une honte ... mes larmes tombent comme la pluie
N'est-ce pas une honte ... tu es le seul à blâmer.
Né en 1928, Fats Domino a vécu longtemps et grandi vite : à 20 ans, il était déjà marié et père du premier de ses huit enfants, il avait frôlé la mort en voiture, failli perdre une main dans l'usine où il travaillait, et il soignait sa timidité sur les scènes des honky tonks, notamment le Hideaway Bar qui le payait 3 $ la semaine. Benjamin d'une fratrie de sept, initié au créole avant de parler anglais, piètre écolier et pianiste autodidacte, il traînera toute sa carrière une réputation de fêtard porté sur les femmes et la bouteille.
“Big beat”
Doté d'un embonpoint et d'un sourire enjôleur, Fats Domino intègre le groupe du trompettiste Dave Bartholomew en 1949. Mais Bartholomew flaire le bon coup et pousse sur le devant ce surdoué dont il devient le producteur, co-compositeur et arrangeur. Propulsée par The Fat Man dont un million de copies sont vendues, puis Goin' Home (1952) et Going To The River (1953), la paire formera l'un attelage parmi les plus fructueux de l'histoire des musiques populaires. Devenu une valeur sûre des charts R&B, Fats Domino se distingue alors par la syncope caractéristique de son jeu de piano : héritée du blues, du ragtime et du boogie-woogie, elle est baptisée « big beat ». Un balancement appuyé qui apporte une contribution fondamentale à la genèse du rock'n’roll.
Emeutes
Cette rythmique est aussi celle de Ain't It a Shame, sorti cette fameuse année 1955 au cours de laquelle l'Amérique découvre Chuck Berry et Elvis Presley. Fats Domino a non seulement pris le train du rock'n’roll, il en est aussi l'une des locomotives pendant cinq ans, de I'm in Love Again à Whole Lotta Loving en passant par le standard Blueberry Hill auquel il offre une seconde jeunesse.
Ses concerts déclenchent hystérie et émeutes, comme en 1956 à Louisville quand ses musiciens et lui sont légèrement blessés après avoir sauté par la fenêtre pour échapper à une bagarre générale. De 1950 à 1962, période durant laquelle il reste fidèle à Dave Bartholomew et au label Imperial Records, Fats Domino placera quarante chansons dans le Top 10 des charts R&B. Onze d'entre-elles se hisseront même dans le Top 10 pop du public blanc, alors que la ségrégation a toujours cours.
Déclin
Oui mais voilà : Fats Domino est moins bad boy que Chuck Berry, moins fou que Jerry Lee Lewis, moins canon qu'Elvis. En perte de vitesse, il quitte momentanément Dave Bartholomew et signe chez ABC Records où on lui impose d'enregistrer à Nashville plutôt qu'à la Nouvelle-Orléans. Affaibli par ces mauvais choix et la désaffection des fans, il est balayé au milieu des sixties par l'invasion anglaise des Rolling Stones et autres Beatles, même si McCartney reconnut s'être inspiré du style de Fats Domino pour écrire Lady Madonna, tandis que Lennon reprendra Ain't It a Shame en 1975. L'histoire retient moins souvent l'autre de ses contributions aux musiques du siècle : écoutez Be My Guest (1959) dont le contretemps fut immédiatement adopté par le ska jamaïcain, ancêtre du reggae.
Avec les années, les albums se sont espacés et les tournées se sont réduites. Fats Domino a fini par moins quitter son manoir du Lower Ninth Ward, frappé de ses initiales sur le fronton, au point de bouder la cérémonie de son intronisation au Rock and Roll Hall of Fame (première promotion, 1986). Ses apparitions sur scène se sont raréfiées – il n'avait plus joué en Europe depuis vingt ans – même s'il honorait généralement le New Orleans Jazz & Heritage Festival de sa présence. Reclus auprès de son épouse malade, c'est lui qui refusa d'évacuer le manoir quand Katrina s'apprêtait à déferler. Ce n'est pas un ouragan, pensait-il, qui déracinerait Fats Domino, pilier de la Nouvelle-Orléans et pionnier du rock'n’roll. Sauf qu'il est mort et re-mort.
Fats Domino est un pianiste au jeu technique subtil qui a toujours su combiner dans un style inimitable les musiques de son
enfance, telles que le blues, le ragtime et le boogie-woogie. Son ascension soudaine provient de ses chansons novatrices qui
marquent de leur sceau les prémices d'un style musical qui allait devenir quelques années plus tard le rock'n'roll. The Fat Man
(1950), Rockin' Chair (1951), Goin' Home (1952), Ain't That a Shame (1955), Blueberry Hill (1956), Blue Monday (1957), I'm Ready
(1959) et What a Price (1961) sont aujourd'hui devenues des chansons cultes de la musique rock.
FATS DOMINO, LA PREMIÈRE LÉGENDE DU ROCK
Fats Domino parle le français de la Louisiane avant l'anglais. Il débute dans sa ville natale avec son père, violoniste dans un groupe de dixieland, et son
oncle, musicien dans les orchestres jazz de Kid Ory et d'Oscar Papa Celestin. Ses débuts sont difficiles. Employé à 3 dollars la semaine au Hideaway
Bar, il est découvert en 1949 par le directeur d'Imperial Records, Lew Chudd.
Sortie en 1949, la chanson The Fat Man devient aux yeux des historiens de la musique rock, l'un des premiers titres du rock'n'roll. Elle propulse sur le
devant de la scène un certain Antoine Dominique Domino, un homme dont la forte corpulence lui vaudra d'être surnommé 'Fats'. C'est grâce à cette
chanson que le public noir découvre ce personnage à la stature imposante et qui va tracer durant plus de 40 ans une carrière de chanteur/pianiste
exceptionnelle en vendant plus de 70 millions de disques.
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Sa réussite est d'autant plus importante à ses yeux que ses origines créoles sont dans les années 40 un
handicap majeur quand on habite non loin du Mississippi. Pour lui, les bons côtés de la vie se partagent
entre sa foi catholique, la musique et sa famille (Fats Domino est le benjamin d'une famille qui compte sept
frères et sœurs). La pratique musicale va être pour lui un moyen de vaincre sa timidité maladive. Face à la
pauvreté de la famille, les cours sont exclus et Fats apprendra la musique sur un vieux piano en
autodidacte.
Ayant délaissé les études scolaires dès l'âge de 10 ans, Fats Domino n'a d'autre solution que de trouver du
travail et entre dans une manufacture. Comme la pratique du piano occupe tout son temps de libre, Fats
devient rapidement un bon pianiste. Dès lors, il tente sa chance dans la musique et se produit dans
quelques bars et night-club de la Nouvelle-Orléans…
À 14 ans, il se lie d'amitié avec Robert Buddy Hagans, un saxophoniste qu'il a rencontré dans une boîte de
la Nouvelle-Orléans. Le musicien deviendra un des plus fidèles compagnons de route du pianiste chanteur.
Autour de Fats et de Buddy, d'autres musiciens viendront se joindre à eux : le guitariste Rupert Robertson,
le batteur Victor Leonard et plus tard le bassiste Billy Diamond.
À cette époque, l'influence du boogie-woogie est très présente chez de nombreux musiciens. C'est une
musique très à la mode et si Swanee River Boogie d'Albert Ammons est au programme, il n'y a là rien que
de plus normal. Au fil des années, Antoine Dominique Domino, alias Fats Domino, voit sa popularité franchir
les limites de la Nouvelle-Orléans.
À 21 ans, il se produit au Hideaway, une boîte en vogue qui attire un large public. Les spectateurs sont
venus exprès pour écouter ces chansons dont tout le monde parle. Le trompettiste et compositeur Dave
Bartholomew, également agent pour le label indépendant Imperial Records, très séduit par son show, lui fait
signer aussitôt un contrat... Par la suite, une collaboration fructueuse va naître entre les deux hommes. Ils
vont composer, arranger la presque totalité des morceaux ensemble. Le plus souvent, Fats apporte les
idées et Dave les met en forme. Tous les titres vont être 'calibrés' pour convenir au pianiste chanteur. C'est
ainsi que la chanson The Junker's blues, nouvellement habillée, deviendra The Fat Man, le premier grand
succès de Fats Domino.
LE STYLE FATS DOMINO
À travers The Fat Man, l'esprit du boogie-woogie est bien-là, mais il se dégage une énergie, un
balancement tout à fait singulier qui fait que cette chanson est bien plus qu'un simple boogie-woogie. Ce balancement rythmique très appuyé, va
devenir, en quelque sorte, la marque de fabrique du style 'Fats Domino'. Le pianiste chanteur va ouvrir la porte à une certaine libération rythmique,
directe, en amplifiant les racines musicales de son enfance, mêlant musique blues et musique créole.
Comme pour beaucoup d'artistes noirs, l'époque est dure. Le racisme, tout comme l'injustice, est depuis longtemps comme une institution normalisée.
La soi-disant supériorité de la race blanche fait loi et la musique de Fats n'échappe pas à la règle. Ses chansons, tout en n'étant pas porteuses de
messages subversifs, sont un affront à celles des blancs. Plus tard, la reconnaissance de sa musique par Elvis Presley sera d'une aide précieuse en
touchant les teenagers blancs.
Fats Domino donnait à son rythme le nom de 'big beat'. Le rythme du piano est encore ternaire et s'appuie
fortement sur l'utilisation de triolets. Ce style d'accompagnement pianistique perdurera jusqu'aux slows des
années 60... Sans le savoir, Fats allait conduire d'autres musiciens à emboîter ses pas. En pleine période
'pop', on retrouve les traces de son influence chez The Beatles avec Lady Madonna (qu'il reprendra à son
tour) et chez Stevie Wonder avec Boogie on Reggae Woman. Ce rythme typique que l'on retrouve avec
retenue dans Blueberry Hill ou d'une façon plus prononcée dans Ain't That a Shame influencera également
les musiciens adeptes du reggae et de son cousin le ska.
FATS DOMINO, UN ARTISTE OUBLIÉ
Fats Domino a été un musicien qui a influencé la musique du rock'n'roll jusqu'en haut de la pyramide,
pourtant, l'histoire de la musique n'a pas retenu à sa juste mesure toute l'importance de l'artiste, comme
pour Elvis Presley, Jerry Lee Lewis ou Chuck Berry. Avec le temps, son aura s'est dissipée lentement. Son
ascension fulgurante dans les années 50 a dû faire face à l'invasion de la musique pop anglaise dans les
années 60. Malgré un come-back retentissant en reprenant Lady Madonna et d'autres succès des Beatles
(album Fats Is Back), l'artiste ne retrouvera jamais le faste d'antan.
Aujourd'hui, il ne quitte plus sa ville natale, la Nouvelle-Orléans. Il demeure un artiste intègre pour le fan de
rock, une marque de fabrique, le fondateur d'un style musical lié à une époque révolue et à des chansons
empreintes d'un certain optimisme... Tout le contraire d'un pur rock'n'roll dur et intransigeant ! Pourtant, de
nombreuses stars du rock'n' roll ont salué à leur façon tout le talent de l'artiste en reprenant ses grands
succès : Billy Joël, Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Elvis Presley, Little Richard... et même au-delà des
frontières du rock (Blueberry Hill par Louis Armstrong).
Sa renommée l'amènera à faire quelques apparitions au cinéma, dans Rattle & Rock Shake et The Girl
Can't Help It, en 1956, où on le voit interpréter son fameux titre Blue Monday. Ensuite, l'artiste fera de
courtes apparitions dans d'autres films, Shake, Rattle and Roll, The Big Beat, Jamboree et dans la
comédie Any Which Way You Can aux côtés de Clint Eastwood, en 1980.
source : https://www.pianoweb.fr/fats-domino.php
Blueberry Hill (Colline Aux Myrtilles)
I found my thrill on blueberry hill
J'ai trouvé mon frisson sur la colline aux myrtilles
On blueberry hill when I found you
Sur la colline aux myrtilles quand je t'ai trouvé
The moon stood still on blueberry hill
La lune se tenait là immobile sur la colline aux myrtilles
And lingered until my dreams came true
Et s'est attardée jusqu'à ce que mes rêves deviennent réalité
The wind in the willow played
Le vent dans le saule jouait
Love's sweet melody
La douce mélodie de l'amour
But all of those vows we made
Mais tous ces voeux que nous avons faits
Were never to be
Ne s'accomplirent jamais
Tho' we're apart, you're part of me still
Même si nous sommes séparés, une part de toi en moi reste
For you were my thrill on blueberry hill
Car tu fus mon frisson sur la colline aux myrtilles
The wind in the willow played
Le vent dans le saule jouait
Love's sweet melody
La douce mélodie de l'amour
But all of those vows we made
Mais tous ces voeux que nous avons faits
Were never to be
Ne s'accomplirent jamais
Tho' we're apart, you're part of me still
Même si nous sommes séparés, une part de toi en moi reste
For you were my thrill on blueberry hill
Tu fus mon frisson sur la colline aux myrtilles
Blueberry Hill a été écrite par Al Lewis et Larry Stock et composée par Vincent Rose. Ces derniers sont des auteurs-compositeurs de Tin Pan Alley, mythique secteur de New York (initialement sur la 28e rue Ouest, entre la Cinquième et Sixième avenue) où les éditeurs de musique se sont concentrés et font écrire des chansons à la chaîne par leurs équipes.
Interprété pour la première fois en 1940
Blueberry Hill a été interprétée pour la première fois en 1940 par l’orchestre swing de Sammy Kaye, et quelques mois plus tard par l’orchestre du batteur Gene Krupa et celui de Glenn Miller. Elle fait notamment partie des chansons interprétées par Gene Autry, le cow-boy chantant, dans le film The Singing Hill (1941).
Parmi d’autres, Louis Armstrong chantera le titre en 1949.
Mais la version de 1956 par Fats Domino restera le maître étalon auquel toutes les (très nombreuses) interprétations ultérieures seront comparées.
« I found my thrill on Blueberry Hill/On Blueberry Hill when I Found You » : « J’ai connu le grand frisson sur la colline sur Blueberry Hill/Sur Blueberry Hill quand je t’ai trouvé ».
La ballade sentimentale se finit mal puisqu’au deuxième couplet le couple est déjà séparé. Mais le chanteur n’en tire pas rancœur. Le dernier couplet dit : « Though we’re apart/ You’re part of me still/ For you were my thrill on Blueberry Hill » : « Bien que nous soyons séparés, tu es toujours une partie de moi/ Tu étais mon grand frisson sur Blueberry Hill. »
Fats Domino gardera toujours une place dans le cœur des amoureux de rythm and blues, de rock’n roll, de la Nouvelle Orleans et des belles ballades qui consolent des amours perdus.
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Il y a des chansons qui échappent à leurs auteurs, des chansons qui les dépassent et qui, d’une certaine façon, sont bien plus importantes que ceux qui les chantent. Fats Domino, disparu il y a quelques jours, a beau avoir en partie relancé sa carrière sur le succès qu’il rencontra avec ce morceau, il est à parier que Blueberry Hill, chanson née en 1940, soit plus de 16 ans, avant la fameuse reprise du rockeur de la Nouvelle Orléans, aurait réussi à poursuivre son chemin vers ce fond culturel commun qui héberge les chansons d’exception, éternelles et immortelles, sans le coup de pouce formidable que ce bon Antoine lui a donné. La chose fonctionne dans les deux sens puisque d’aucuns considèrent que si Fats Domino n’avait pas rencontré BlueBerry Hill, il aurait, d’une part, dû batailler un peu plus pour retrouver un succès qui commençait à le fuir au milieu des années 50, d’autre part, aurait sans doute réussi à émerger de nouveau d’une façon ou d’une autre.
Antoine & les premiers frissons
Pour rester sur Fats Domino, il n’est pas inutile de rappeler que le pianiste a d’abord démarré comme un enfant prodige, né dans une famille créole catholique de huit enfants dont il est le dernier né (cinq ans après tous les autres). Antoine Domino passe son temps au piano et dès qu’il en a l’âge devient une sorte de juke-box à lui tout seul reprenant à la note près tous les morceaux qu’il entend à la radio. A 14 ans, Domino est une figure incontournable des clubs et il devient une star locale grâce à une reprise de Swanee River Boogie d’Albert Ammons, elle-même dérivée d’un classique de Stephen Foster Old Folks At Home. Domino tourne un peu plus large mais explose enfin quand il signe en 1949 sur Imperial Records. Il a 21 ans.
L’homme qui l’amène chez Imperial s’appelle Dave Bartholomew et va devenir le principal partenaire musical de Domino pendant les années qui suivent. Les deux inventent le rock en transformant une chanson appelée The Junker’s Blues. Les deux hommes altèrent le rythme du titre, changent les paroles et l’appellent The Fat Man. L’altération devient la marque de fabrique des deux hommes. C’est le début du succès pour Domino. Séparé de Bartholomew, il connaît une bonne phase en 1952-1954. En 1955, son vieux comparse fait son retour même si le duo connaît toujours des tensions. Domino trouve les chansons de Bartholomew trop complexes et Bartholomew trouve les paroles de son copain idiotes et trop simples. Cela ne les empêche pas d’écrire quelques morceaux mémorables comme Blue Monday (déjà) et I Hear You Knocking. La façon de jouer de Fats Domino est admirée et copiée pour sa façon de mêler la tradition blues (ce qu’on appelle le barrelhouse blues) à un nouveau genre de rythmes, plus rapide, plus irrégulier que ce qui se faisait avant. 1955 est une bonne année pour Fats Domino qui gagne des parts de marché, notamment auprès du public blanc.
Si la seconde partie des années 50 apparaît toutefois plus compliquée, sa vie est transformée à jamais par la reprise qu’il fait de BlueBerry Hill, laquelle devient non seulement sa chanson signature mais aussi son plus grand succès. Pendant 22 semaines, le morceau est en tête des charts r&b et c’est probablement lui qui vaut à Fats Domino d’être adoubé publiquement par Elvis Presley qui dès lors ne jurera plus que par lui. La chanson permet à Domino d’entrer dans la cour des grands, de passer à la télé, de tourner avec les plus grands (Buddy Holly, The Everly Brothers) et de faire carrière au Nord des Etats-Unis. Blueberry Hill est pour lui un formidable catalyseur. C’est la chanson qui change sa vie et fait qu’il pourra se la couler douce pendant une bonne partie des 25 années qui suivent. Epuisé à 32 ans, Domino est réputé pour…. Ses prises de congés. Il n’y a qu’à partir des années 80 qu’en tant que survivant du rock des premiers âges, il bénéficiera d’un nouvel éclairage glorieux et reprendre un rythme un peu plus soutenu ! Pour le reste, entre alcool et femmes, Domino mène une vie qui est assez éloignée de sa chanson fétiche. Son romantisme s’arrête, à ce qu’on raconte, à appeler sa femme tous les soirs entre deux nuits orgiaques. Domino aime les belles voitures et s’installe au début des années 60 dans un manoir rose et blanc du plus bel effet, maison qu’il abandonnera pour une nouvelle construction après les désastres engendrés par l’Ouragan Katrina. C’est dans cette nouvelle maison qu’il meurt le 24 octobre.
Myrtilles, petite mort et grandes idées
Reste Blueberry Hill donc ou la colline aux myrtilles. Fats Domino n’en aura été que le messager le plus connu. La chanson naît en 1940. Elle est signée par un trio d’auteurs, Vincent Rose (musique), Larry Stock et Al Lewis (textes). Ces deux-là sont ce qu’on appelle des compositeurs de la Tin Pan Alley, c’est-à-dire une époque et un système nés à la fin du XIXème siècle et qui regroupe dans un quartier unique de New York une multitude de compositeurs chargés d’alimenter en chansons les éditeurs de partitions mais aussi l’industrie du cinéma, la radio, etc. D’emblée l’Amérique industrialise la société du spectacle et dissocie ceux qui écrivent les chansons de ceux qui les interprètent. Al Lewis naît en 1901. Larry Stock en 1896. Vincent Rose est issu de l’immigration italienne. Stock d’origine hongroise. Les trois hommes signent ensemble ou la plupart séparément quelques autres morceaux connus pour Dean Martin et quelques autres mais ne font pas forcément partie des cadors du système. Blueberry Hill reste la chanson qui connaît la plus grande postérité. Le titre est enregistré par six ou sept chanteurs différents lors de sa création en 1940. On trouve des traces discographiques dès mai 1940, puis deux autres en juin. Plus tard dans l’année, le morceau est repris par le Glen Miller Orchestra et on le retrouve un peu partout jusqu’à ce qu’il intègre en 1941 un film appelé The Singing Hill. Gene Autry en enregistre une version qui circule pas mal.
Comme souvent, la popularité du morceau passe par une phase de décantation : implantation dans le fond sonore culturel, puis une relative disparition avant une reprise du chemin en 1949 avec la version de Louis Armstrong. Armstrong en donne une version pleine d’émotion mais qui n’a pas l’impact que connaîtra celle de Fats Domino en 1956. La version d’Armstrong sonne comme une explication de texte, assez lente, mais sublimée en émotion par la voix rocailleuse du chanteur. Elle finit en 29ème position dans les charts, ce qui est bien mais pas décisif. La version de Domino se glissera jusqu’à la seconde place du Billboard et sera intégrée au classement des meilleures chansons de tous les temps établi par Rolling Stone (en 82ème position).
Par-delà cette longue histoire, difficile d’expliquer le succès du morceau, si ce n’est en étudiant de plus près son contenu. Larry Stock et Al Lewis se livreront assez peu finalement sur le titre lui-même : « écrit un peu comme ça » diront-ils. Il semble que la fameuse « Colline à Myrtilles » reste à jamais un endroit non identifié. Les exégètes ont cherché un peu partout et il n’y a jamais eu à New York d’endroit qui portait ce nom. Une dizaine de lieux dits ou de sites ont été identifiés aux Etats-Unis avec cette caractérisation mais aucun d’entre eux n’a été à l’origine du morceau. D’aucuns ont fait valoir qu’il n’y avait pas de myrtilles dans ce coin là (New Yrok) et surtout qu’il était assez peu probable que des myrtilles poussent en haut d’une colline. Larry Stock, trente ans après, a expliqué que l’inspiration lui était venue d’une situation qu’il avait connue à l’âge de 8 ans, c’est-à-dire autour de 1903/1904 où il se souvenait enfant avoir picoré quelques baies dans un buisson. Buissons rares et disparus, buissons enfantins et qu’on imagine salvateurs quand après une course échevelée, un jeu buissonnier, le gamin avec le rouge aux joues découvre les baies pourpres et s’en délecte la bouche pleine de ce sucre si particulier et doux des fruits.
I found my thrill
On Blueberry Hill
On Blueberry Hill
When I found you
The moon stood still
On Blueberry Hill
And lingered until
My dream came true
The wind in the willow played
Love’s sweet melody
But all of those vows you made
Were never to be
Though we’re apart
You’re part of me still
For you were my thrill
On Blueberry Hill
The wind in the willow played
Love’s sweet melody
But all of those vows you made
Were never to be
Though we’re apart
You’re part of me still
For you were my thrill
On Blueberry Hill
Le texte complet est en gros tout ce qui nous reste pour tenter de décrire le charme incroyable de ce morceau. Des myrtilles il n’est nulle question ici, en dehors du titre et des rimes qu’elles permettent : Hill/still/thrill/until. Il manque évidemment ill, malade qui n’est pas utilisé mais qui fait figure, par son absence, de suggestion cachée.
La clé des émotions
L’enjeu du texte est bien de décrire le plaisir nostalgique, le frisson du souvenir et de la sensation disparue : la principale maladie des hommes qui est de se nourrir de ce qu’ils ont vécu et de courir, la larme à l’œil, vers la plus grande maladie (illness) qu’on ait inventé pour eux…. la mort (et de son substitut terrestre le sexe). Ce qui fait le succès de Blueberry Hill, c’est évidemment l’universalité de son évocation. Le texte est une fantaisie poétique qui n’a rien de réaliste mais renvoie à la fois à un sentiment de satiété et de bonheur (celui du ventre rempli de myrtilles du gamin, du cœur rempli par l’amour, du sexe consommé sur l’herbe tendre au soleil d’une colline surplombant la ville) mais aussi à la disparition de celui-ci. L’être aimé est absent, disparu, il n’en reste qu’un souvenir nostalgique, vivace, nourrissant. Il n’en reste que la vibration (thrill), sensuelle, violette, la pulsation. On peut supposer que l’écho donné à la version de Fats Domino vient de ce système de résonance entre le sens du texte et le principal apport du musicien à la chanson-souche : ce tempo accéléré, ce frémissement, cette frénésie qui sera la caractéristique du rock. Pour la première fois, le « thrill » est non seulement prononcé mais prolongé tout du long comme on tiendrait la note absolue dans l’électricité du morceau contenue dans le jeu de Fats Domino, son chant, son emballement.
Comme dans un conte de fées, on voit avec la version de 1956 les signifiants se répondre et, selon des règles mathématiques, se multiplier pour développer une intensité insoupçonnée. Blueberry Hill fonctionne comme un mécanisme proustien mais beaucoup plus fort, beaucoup plus puissant, beaucoup plus moderne. Proust est né en 1871. La Recherche a été écrite à partir de 1906 et il est assez probable que le mécanisme du souvenir ait été exploré, sous des formes différentes, et finalement assez semblables par les deux hommes qui sont à l’origine d’un côté de l’épisode de la Madeleine et de l’autre, de ce frisson myrtille. Rien n’est jamais coïncidence.
Fats Domino arrive pour consacrer, cinquante années plus tard, ce thrill qui caractérisera le rock et plongera les racines de celui-ci dans un passé enfoui et lui-même disparu : l’excitation de l’enfant, les cendres du blues, la sexualité du désir disparu. C’est tout ça qui se mélange ici et assure l’intemporalité merveilleuse de Blueberry Hill. C’est une chanson enfantine mais aussi une chanson adulte, une chanson « chaude » où resurgit le souvenir d’une vraie baise. C’est ce qui dérange dans cette apparition de l’adolescent Richie dans Happy Days et qui constituera l’un des motifs récurrents de la série.
C’est pour cette raison aussi que reprise ensuite par des dizaines d’artistes, de groupes, on peut considérer que Blueberry Hill est la matrice autour de laquelle se nouera le rapport si particulier du rock à l’adolescence, à la réminiscence, à cette logique d’apparition/disparition si présente dans tout ce qui viendra, de désir et de sublimation de celui-ci. Le rock est d’emblée une musique qui s’organise autour de la satiété perdue, une musique qui en veut plus, qui pleure la perte d’un âge tendre et célèbre la course, souvent frénétique, droguée, alcoolisée, sexuelle, pour s’y projeter à nouveau, quitte à s’y perdre dans la débauche. Les plus belles versions de la chanson, après Fats Domino, viennent de Nat King Cole, des Beach Boys, de ces gens qui cherchent après quelque chose et qui, l’espace d’un instant, y parviendront à leur manière.
Entre cette course nostalgique et les frissons essentiels que procurent le souvenir et la perspective de renouer un jour avec le bonheur, se noue la destinée des hommes. Posséder/perdre/retrouver. La destinée du rock Aimer/Jouir/Pleurer. Les plus observateurs noteront que l’une des chansons auxquelles on s’est intéressé en premier, Just Like Heaven de The Cure, n’était ni plus ni moins qu’une variation quasi littérale sur Blueberry Hill. La colline est falaise. L’amour est là puis regretté en songe. Ce motif est répété dans des centaines, des milliers d’autres chansons. Est-ce un hasard si la dernière résurrection du morceau est apparue sous les traits rococo de Vladimir Poutine, le leader de toutes les Russie ? Pourquoi ce choix, si ce n’est parce que l’essence de la politique russe est toute entière contenu dans ces quelques vers depuis la chute de l’Empire : retrouver le lustre perdu, retrouver le sens de l’histoire.
On terminera, pour ne pas en faire trop, sur la version la plus artistiquement signifiante de tous et à laquelle on renverra désormais : celle entendue dans l’Armée des 12 Singes de Terry Gilliam qui permet à Bruce Willis de donner l’une de ses plus intenses séquences d’acteur et d’expliciter, s’il le fallait encore la puissance phénoménale du morceau. Blueberry Hill peut émouvoir aux larmes mais aussi sauver un homme de la folie. Elle peut attirer dans un univers parallèle mais tout aussi bien vous prouver que vous êtes encore un homme. C’est une chanson pour se raccrocher aux branches, s’y pendre ou s’y balancer, la plus humaine de toutes car elle nous rappelle qu’il fut un temps où nous tutoyions les dieux. Hier. Ou demain.
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