Le candidat traitera l’un des sujets suivants au choix.
Sujet 1 :
Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ?
Sujet 2 :
Les lois peuvent-elles faire notre bonheur ?
Sujet 3 :
Le fait qu'on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée (1) entre nous, ou qui ne puisse l'être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu'il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable :ce qui est le signe que je l'ai saisi par quelque autre moyen que par un pouvoir naturel qui serait en moi et en tous les hommes.Laissons de côté cette confusion infinie d'opinions que l'on voit parmi les philosophes eux-mêmes, et ce débat perpétuel et général sur la connaissance des choses. On a tout à fait raison, en effet, d'admettre que sur aucune chose les hommes – je veux dire les savants les mieux nés, les plus capables – ne sont d'accord, pas même sur le fait que le ciel est sur notre tête, car ceux qui doutent de tout doutent aussi de cela ; et ceux qui nient que nous puissions comprendre quelque chose disent que nous n'avons pas compris que le ciel est sur notre tête ;et ces deux opinions sont, par le nombre, incomparablement les plus fortes.Outre cette diversité et cette division infinies, par le trouble que notre jugement nous donne à nous-mêmes et par l'incertitude que chacun sent en lui, il est aisé de voir que ce jugement a son assise (2) bien mal assurée. Comme nous jugeons différemment des choses ! Combien de fois changeons-nous d'opinions ! Ce que je soutiens aujourd'hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ; toutes mes facultés et toutes mes forces empoignent cette opinion et m'en répondent sur tout leur pouvoir. Je ne saurais embrasser(3) aucune vérité ni la conserver avec plus de force que je ne fais pour celle-ci. J'y suis totalement engagé, j'y suis vraiment engagé ; mais ne m'est-il pas arrivé, non pas une fois, mais cent,mais mille, et tous les jours, d'avoir embrassé quelque autre opinion avec ces mêmes instruments, dans ces mêmes conditions, opinion que, depuis, j'ai jugée fausse ?
MONTAIGNE, Les Essais (1580)
1 « controverse » : discussion vive.
2 « assise » : base, fondement.
3 « embrasser » : adhérer à une opinion, la faire sienne.
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.
1.
Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.
2.
Expliquer :
a)
« Le fait qu'on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée, ou qui nepuisse l'être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu'il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable » ;
b)
« (…) l'incertitude que chacun sent en lui » ;
c)
« Ce que je soutiens aujourd'hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute macroyance ».
3.
Changer d’opinion, cela nous empêche-t-il de connaître la vérité ?
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