Losing myself in you (Boky Hackel-Ward)
L’une fait culminer drame et tragédie dans son travail de la matière, l’autre est en quête absolue de ce qui se niche à l’intérieur de toute figure. Tous deux sont sculpteurs, travaillent côte à côte dans leur atelier de Monaco et exposent ensemble, Entre deux, le résultat de leurs réflexions sur l’humaine condition.
Rencontrés à Cap d’Ail, ils ont joué le jeu du double entretien en répondant chacun séparément, en français ou en anglais (parfois dans les deux langues), au questionnaire qui leur était soumis par Frédéric Grolleau.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ? What makes you get up in the morning ?
Boky : Le fait de savoir que je peux vaincre l’ennemi de l’intérieur. Cela m’est venu à l’esprit comme un flash de nouvelles ! Un jour, j’ai réalisé que ce que je construisais, ma sculpture, mes idées, faisaient une différence pour quelqu’un d’autre que Blake et moi. (The knowledge that I can conquer the enemy within. It came to me like a news flash ! One day I realised that what I was building, my sculpture, my ideas, made a difference to someone other than myself and Blake.)
Blake : Mon rêve d’enfant. (My childhood dream)
Que sont devenus vos rêves d’enfant ? What have become of your childhood dreams?
B : Je les cherche sans arrêt, j’étais sûre de les avoir mis par içi… En fait, mes rêves d’enfants se matérialisent devant mes yeux tous les jours de ma vie.
Bl : Mes rêves d’enfance sont devenus ma vie. La tendance naturelle des enfants à adopter un comportement artistique a été encouragée et soutenue chez moi par mes parents et mes frères et sœurs tout au long de ma vie, et ainsi j’ai vécu mon rêve. Je rêvais aussi d’être musicien, mais cela a cédé la place à la sculpture de la figure. Comme j’ étais incapable de trouver quelqu’un en Amérique du Nord qui pourrait m’apprendre la sculpture classique représentative, je me suis mis à apprendre le français pour me qualifier pour un poste à Paris et trouver un professeur à Paris. J’ai eu la chance de trouver un maître très sévère mais talentueux à qui j’ai promis de transmettre l’ancienne méthode de sculpture qu’il avait si soigneusement et mathématiquement enseignée.
(My childhood dreams have become my life. The natural inclination of children towards artistic behaviour was encouraged and supported by my parents and siblings throughout my life, and thus I have lived my dream. I dreamt of being a musician as well, but this gave way to sculpting the figure. When I was unable to find someone in North America who could teach me representational classical sculpture, I went about learning French so that I could qualify for a position in Paris and find a professor in Paris. It was my good luck to find a very stern but talented master to whom I promised to pass on the ancient method of sculpting that he so carefully and maticusly taught.)
A quoi avez-vous renoncé ? What did you give up ?
B : Tout a changé le jour ou j’ai appris que les elfes n’existent pas. J’étais en Suède et on est parti à 2 heures du matin chercher des « elks » [rennes, ndt]. J’avais compris qu’on allait chercher des « elfes «! J’ai grandi au Costa Rica, dans un monde magique. Je connaissait les volcans, les montagnes, les plages, la jungle….mais, au-delà, tout était à découvrir. Même si au Costa Rica je n’avais jamais vu d’elfe, pourquoi pas dans la forêt profonde en Suède ! Vous imaginez ma désillusion quand on a finalement trouvé les elks que mes cousins cherchaient ! Tout à coup, j’ai dû mettre en question l’existence des unicorns… enfin, une journée difficile. Mais je n’ai pas renoncé au pouvoir d’une histoire bien racontée. Les histoires, parfois, nous permettent de aborder des thèmes difficiles sans les évoquer directement.
Bl : Rêver. J’ai toujours cru aux rêves, et j’ai vécu un rêve que j’ai honoré, nourri et poursuivi avec passion et abandon. Je voudrais vous parler des choses dont j’ai rêvé, de l’espoir et de l’énergie qui ont été consacrées à mon rêve, et de la détermination qu’un rêve exige. Nous pensons souvent que les rêves sont des coquilles fragiles qui se briseront si nous plaçons le poids de nos espoirs en eux. Mais ce n’est pas le rêve qui échoue, c’est plutôt l’homme. On peut seulement choisir pour soi-même de suivre un rêve et ensuite d’être condamné à payer son prix. Car vous devez donner de vous-même tout ce que votre rêve exige
J’ai abandonné ma maison et mon cœur, et je me suis retrouvé seule à côté de mon rêve, cherchant refuge, où je demandais la chaleur des autres. Seulement alors, pour me tourner et offrir humblement ce réconfort à mon rêve, sans penser aux conséquences, pour étancher une soif qui ne connaîtra jamais la paix si souvent trouvée par ceux qui choisissent de ne pas poursuivre leur rêve. Je n’ai pas le droit de garder un cœur, une maison si précieuse pour un sans-abri, et l’obturateur pour regarder ce cœur souffrir le même sort que ceux d’avant, consommé par mon rêve. Pardonnez-moi pour mon rêve, il n’a pas de conscience et laisse peu de place dans ma vie pour beaucoup de choses qui apportent tant à ceux qui choisissent de payer un prix différent, et de laisser les rêves seulement être rêvés. Si vous pouvez trouver dans votre cœur une place pour moi, vous devez aussi trouver une place pour mon rêve.
(To Dream. I have always believed in dreams, and live a dream that I have honoured, nurtured, and pursued with both passion and abandon.To tell you of the things I have dreamt, of the hope and energy that has been dedicated to my dream, and of the determination that a dream demands.We often think of dreams as fragile shells that will shatter should we place the weight of our hopes upon them. Yet it is not the dream that fails, but more, the man. One may only choose for ones’ self to follow a dream and then be bound to pay its’ price, for you must give of yourself all that your dream demands.
I have given up my home and of my heart, and have found myself alone beside my dream, seeking shelter, wherein I beg the warmth of others. Only then to turn and humbly offer that comfort to my dream, without thought of consequence, in afrail attempt to quench a thirst that will never know the peace so often found by those who choose not to pursue their dream. I have no right to keep a heart, a home so precious to a homeless man, and shutter to watch that heart suffer the same fate as those before, consumed by mydream. Forgive me for my dream, it has no conscience and leaves little place in my life formany things that bring so much to those who choose to pay a different price, and leave dreams only to be dreamt. If you can find in your heart a place for me you must find, as well, a place for my dream.)
D’où venez-vous ? Where are you from ?
B : D’un monde lointain mais, de temps en temps, on trouve d’autres voyageurs comme moi dans les parages.
Bl : Je suis né dans un petit village pas très loin du cercle arctique au Canada, fils d’un lutin de brousse,qui m’a appris à honorer la vie et, tout de même, à la risquer très prudemment. (I was born in a small village not too far away from the arctic circle in Canada, the son of a bush piolt, who taught me to honour life and then very carefully risk it, all the same.)
Qu’avez-vous reçu en dot ? What did you receive in dowry ?
B : La sensibilité pour la musique, la poésie et l’art…. et la capacité de traduire cette sensibilité d’un monde à un autre, comme on pourrait traduire une poésie d’une langue à une autre. On m’a offert cinq langues sur un plateau d’argent et un grand amour pour les dialogues qui se produisent, même en silence, devant une œuvre d’art, ou bien les dialogues racontés et entendus à la naissance d’une oeuvre d’art….apportés par les vents, même en silence….
Bl : Tout, la possibilité de forger mes rêves et la discipline pour les suivre, le soutien pour être capable de résister aux périodes de peur et de bénéficier des temps d’abondance. La détermination d’échouer et d’échouer à nouveau sans laisser partir l’espoir, et la détermination de payer le prix qui a été exigé par ces quelles ressources je pouvais trouver. (Everything, the opportunity to forge my dreams and the dicipline to follow them, the support to be able to withstand the periods of scaricty and benefit from the times of abundance. The determination to fail and fail again without letting go of hope, and the determination to pay the price that was asked from what resourses I could find.)
Un petit plaisir — quotidien ou non ? A small pleasure — daily or not ?
B : Je suis en train d’apprendre… le plaisir et l’importance du silence dans mon quotidien. Ce vide entre deux rêves, qui finalement est le catalyseur d’un dialogue entre Blake et moi quand on crée une œuvre commune. Il ne nous faut pas d’explications.
Bl : Apprendre quelque chose de nouveau qui va nourrir l’imagination, ou ajouter à ma connaissance du comportement humain, phycologie, science et technologie. Je suis un accro des conférences TED [Les conférences TED sont une série de conférences organisées au niveau international par la fondation à but non lucratif nord-américaine The Sapling foundation, ndt ] et de documentaire.org [L’Association internationale du documentaire (IDA) se consacre à la construction et au service d’une culture documentaire florissante, ndt ]. Méditation quotidienne pour calmer l’esprit et célébrer le moment. Quelques heures de divertissement gratuit livrées par Netflix. (Learn something new that will feed the imagination, or add to my knowledge of human behaviour, phycology, science and technology. I am a TED talk and documentary.org adicit. Daily meditation to quiet the mind and celebrate the moment. Some hours of mindless entertainlment delivered by Netflics.)
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes/sculpteurs ? What do you think of other artists / sculptors ?
B : Moi… l’art est un miroir. Je crée pour guérir.
Bl : J’admire tant d’artistes vivants et passés. Et je me sens souvent inspiré et impressionné par leur imagination et leur compétence technique. Ces maîtres nourrissent mon désir et ma détermination à poursuivre, et à apprendre d’eux, même dans les cas où je n’aime pas vraiment leur productions artistiques. (I am in admiration of so many artists both alive and past. And often and myself inspired and awed by their imagination and technical competence. These masters feed my desire and set my determination to follow, and learn from them, even in the cases where I do not really like their art work.)
Quelle est la première image qui vous interpella ? What is the first image that challenged you ?
B : Ça, c’est une bonne question.… le monde vu du ciel. Ma mère était pilote et j’ai passé beaucoup de temps à l’age de 4 ou 5 ans avec elle en avion. En matière d’art la Magdalena de Donatello, et Lucretia de Rembrandt sont des images qui me blessent encore maintenant. Puis j’ai trouvé une libération dans le travail de Laurie Anderson. J’aurais aimé jouer aux échecs avec Marcel Duchamps à Cadaqués.
Bl : Marchel Duchamp « La Mariée » vu à New York en 1966. Les Marbres d’Elgin vus lors de ma première visite à Londres en 1972. (Marchel Duchamp “The Bride” seen in New York in 1966. The Elgin Marbles viewed on my first visit to London in 1972.)
Et votre première lecture ? And your first reading ?
B : Le Livre de la Jungle, Le Petit Prince, Edgar Allen Poe, Lord Byron et Cartas de Amor et Obras Elementales de Pablo Neruda, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de Vasari.
Bl : Il y a eu d’innombrables livres qui m’ont inspiré et enseigné. L’un des premiers qui, je crois, m’a impressionné en termes de liberté d’imagination et d’originalité, est Un cantique pour Leibowitz [roman de science-fiction post-apocalyptique de l’auteur américain Walter M. Miller, paru aux États-Unis en 1960 et publié en France en 1961] que j’ai lu en 1969. Là a commencé mon amour pour la Science Fiction, m’inspirant à essayer de regarder vers l’avenir. Le livre qui a le plus influencé mon art est Transgressions : les offenses de l’artd’Anthony Julius, 1ère édition 2003. (There have been countless books that have inspired and taught me, one of the first that, I believe impressed me in terms of imaginative licence and originality, is A Canticle for Leibowitz, which I read in 1969 and there began my love of Science Fiction, inspiring me to try to look into the future. The book that most signifcantly influenced my art is “Transgressions: The Offences of Art” by Anthony Julius, 1st edition 2003.)
Quel est le livre que vous aimez relire ? What is the book you like to read again?
B : -The Science of Being and the Art of Living [La Science de l’Etre et l’Art de Vivre, ndt] de Maharishi Mahesh Yogi — Silence : Lectures and Writings[ Silence: Conferences et écrits, ndt] by John Cage.
Bl : Un grand nombre d’entre eux, si seulement j’avais le temps, car il y a trop de nouveaux livres sur ma liste d’attente. (A great many of them, if only I had the time, as there are too many new books on my waiting list.)
Quelles musiques écoutez-vous ? What music do you listen to ?
B : J’aime tout ! Monteverdi, Barbara Strozzi, Brahms, Phillip Glass, Pat Matheny, Brian Eno, Jon Hassel…. The Plateau of Mirror. John Cage et David Tudor. Schoenberg, Jan Garbarek, même la bachata, le flamenco et le reggae !….
Tout dépend de la journée.
Bl : Il est plus facile de mentionner ce que je n’écoute pas : certains longs opéras comme Wagner et le Free Jazz, que je ne sens pas avoir la compétence musicale de comprendre et d’apprécier. (It is easier to mention what I do not listen to : Some long Opera such as Wagner and Free Jazz, which I do not feel that I have the musical competance to understand and thereby appreciate.)
Quel film vous fait pleurer ? Which movie makes you rain ?
B : At Eternity’s Gate [A la porte de l’éternité, ndt ]- Julian Schnable
Bl : Mon monde se déploie avec les histoires merveilleuses et sensibles qui racontent, avec des émotions vives, même un petit fragment de notre condition humaine. (My world rains with the many wonderful, sensitive stories that recount, with vivid emotion, even a small fragment of our human condition)
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ? When you look in a mirror who do you see ?
B : C’est exactement ce que je demande à cette personne qui me regarde… “Qui êtes-vous et qu’est-ce que vous avez fait à Boky ? »
Bl : Après de nombreuses années de méditation, et beaucoup de thérapie, j’ai appris à regarder la personne à l’intérieur de l’homme dans le miroir. La psychologie sous cet homme est devenue la base de la collection de sculpture que j’ai commencé en 2011 et que Boky et moi avons co-créée depuis 2013. Nous incluons souvent une citation de Carl Jung sur le mur des expositions : « Qui regarde dehors, rêve. Qui regarde à l’intérieur, se réveille.“
C’est un homme qui essaie de faire des miracles et qui a appris à définir le succès comme :« La capacité de passer de l’échec à l’échec sans perte d’enthousiasme », Winston Churchill. (After many years of meditation, and a good deal of therapy, I have learnt to look for the person within the man in the mirror. The psychology beneath that man has become the basis of the collection of sculpture that I began in 2011 and that Boky and I have been co-creating since 2013. We often include a quote from Carl Jung on the wall of the exhibits: “Who looks outside, dreams. Who look inside, awakes. He is a man trying to create miracles and has learnt to define success as“The ability to move from failure to failure without loss of enthusiasm.” Winston Churchill.)
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ? Who have you ever dared to write to ?
B : Je n’ai jamais eu peur d’écrire à quelqu’un.
Bl : Chaque lettre que j’écris à une galerie pour demander une exposition est une lutte. Au début de ma carrière, j’ai en fait recouvert mon mur de salle de bain avec chaque lettre de rejet que j’ai reçu, mon objectif était de recevoir 101 lettres de refus. Aujourd’hui, je ne suis pas aussi courageux et je communique rarement avec les galeries sans un contact préalable ou une invitation à poser ma candidature. (Each letter I write to a gallery asking for representation is a struggle. At the beginning of my career I actually papered my bathroom wall with every rejection letter that I received, my objective was to receive 101 letters of disappointment. Today I am not so brave and now rarely contact galleries without an introduction or invitation to apply.)
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ? Which city or place has myth value for you ?
B : Chichicastenango au Guatemala.
Bl : Paris, Rome et Ephèse (Paris, Rome and Ephesus).
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ? Which artists do you feel closest to?
B : Laurie Anderson, John Cage, Marcel Duchamps, Stephen De Staebler, Giacometti et Barbara Hepworth.
Bl : Les artistes en tête de ma liste ont changé avec le temps. Au début de ma carrière artistique, les plus importants, et ceux que je sentais très proches en tant que mentors, étaient : Jean-Baptiste Carpeaux (1827–1875), Auguste Rodin (1840–1917), Aimé-Jules Dalou (1838 –1902), and Jean-Antoine Houdon (1741 — 1828). Avec l’évolution de mon travail, j’ai trouvé que les sculpteurs énumérés ci-après étaient plus intéressants pour moi bien que je ne suis pas sûr que je me sente plus proche d’eux : Henri-Robert-Marcel Duchamp, (1887, 1968), Louise Bourgeois (1911 — 2010) et Joseph Beuys (1921 — 1986). Une influence majeure, et le seul sculpteur « moderne ou contemporain » dont j’aurais pu être proche, est Stephan De Staebler (1933 — 2011). (The artists that top my list have changed over time. Early in my artistic career, the most important, and those that I felt very close to as mentors were : Jean-Baptiste Carpeaux (1827–1875), Auguste Rodin (1840–1917), Aimé-Jules Dalou (1838 –1902), and Jean-Antoine Houdon (1741 — 1828). With the evolution in my work I found that the sculptors listed below were more interesting to me although I am not sure that I feel closer to them. Henri-Robert-Marcel Duchamp, (1887, 1968), Louise Bourgeois (1911 — 2010) and Joseph Beuys (1921 — 1986).
A major influence, and the only “modern or contemporary” sculptor that I feel I could have been close to is, Stephan De Staebler (1933 — 2011).)
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
B : Du temps… une centaine d’années encore et des journées plus longues.
Bl : Un spectacle de musée. (A museum show.)
Que défendez-vous ?
B : Les droits de l’Homme, des femmes, des enfants, des animaux. Je défends la justice.
Bl : Quelle question intéressante ! Je défends la “figure”. Notre espèce, depuis la période du Paléolithique inférieur (2.500.000 — 200.000 AEC– Avant l’ère commune), a développé le comportement symbolique, qui désigne le fait de sculpter une représentation de la figure humaine. Avec cette histoire comme fondement, un des objectifs de mon travail est de faire avancer la figure dans le 21ème siècle, de créer une manière de représenter la figure qui est une représentation physique exacte, tout en étant aussi originale que possible et de notre temps.
La représentation « moderne » et « contemporaine » de la sculpture figurative a abstrait la figure et l’idée de la figure ad infinitum. J’ai choisi de créer une approche différente, d’abord en ne représentant qu’une figure « partielle », qui exige que le spectateur complète l’image, puis en ouvrant la figure pour inciter le spectateur à regarder à l’intérieur. Ainsi, le public sera confronté à une représentation de la figure qui, je crois, reflète notre société d’aujourd’hui. À cette fin, je tente d’aider à l’évolution de la figure en y incluant les aspects psychologiques et philosophiques de notre temps : une sorte de “zeitgeist” [Le Zeitgeist [ˈʦaɪ̯tˌɡaɪ̯st] est une notion empruntée à la philosophie allemande signifiant littéralement « l’esprit du temps », au sens d’« esprit de l’époque », utilisée notamment dans la philosophie de l’histoire et la psychologie, ndt]
(What an interesting question ! I am defending the “figure”. Our species, since the Lower Paleolithic period (2,500,000 — 200,000 BCE), has been involved in symbolic behaviour, which includes, sculpting a representation of the human figure. With this history as a foundation, one of the objectives of my work is to advance the figure into the 21st century, to create a manner of representing the figure that is an accurate physical representation, while being as original as possible and of our time.
The “modern” and “contemporary” representation of figurative sculpture abstracted the figure and the idea of the figure ad infinitum. I choose to create a different approach, first, by portraying only a “partial” figure, that requires the viewer to complete the image, and then opening the figure to incite the viewer to look within. Thus, the audience will be presented with a representation of the figure that I believe reflects our society today. To this end I attempt to assist in the evolution of the figure to include the psychological and philosophical aspects of our time and zeitgeist.)
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
B : Je trouve que c’est assez négatif, en fait. Bien sûr, il y a le romantisme de l’amour négligé comme étant la seule et unique vérité dans l’amour. Je trouve que l’amour peut aussi être intense quand on le voit sous une lumière positive, comme par exemple, satisfaire les besoins de l’autre, physiquement et émotionnellement. Essayons de changer la phrase. Que je ne donner pas ce que j’ai à quelqu’un qui le veut mène à la seule conclusion possible que je ne l’aime pas, en fait, car je ne suis pas intéressée par ce partage. En donnant à quelqu’un qui peut nous le refuser, nous risquons beaucoup. Cherchons-nous à être reconnus ? Sommes-nous aimés ? Sommes-nous reconnus ? Sommes-nous remarqués ? Existons-nous ? Il y a cette horrible question qui nous hante éternellement : « Est-ce que tu m’aimes? » Et si nous n’étions pas désirés de la même façon que nous désirons l’autre ? L’amour est bien plus que le romantisme dans le suicide ! Pourtant, dans mon travail, il y a le drame et la tragédie. C’est une drôle de dichotomie… Il va falloir que j’y réfléchisse !
(I find it quite negative, in fact. Of course, there is the romanticism of derelict love being the one and only truth in love. I find love can be just as intense when seen in a positive light, such as fulfilling each other’s needs, physically and emotionally. Let’s try turning the sentence around. I won’t give what I have to someone who wants it leads to the only possible conclusion that I do, in fact, not love them, as I am not interested in sharing. In giving to someone who may refuse us we risk a lot. Are we seeking recognition ? Are we loved ? Are we recognized ? Are we noticed ? Do we exist ? There is that horrible question eternally looming over our heads: ”Do you love me ?”. What if we are not desired in the same way that we desire the other ? Love is so much more than the romanticism in suicide ! Still, in my work, there is drama and tragedy. It’s a funny dichotomy… I’m going to have to think about that !)
Bl : La contemplation de cette phrase m’amène à une partie de mon travail que je ne comprends pas entièrement mais que j’accepte comme vraie. Je n’aime pas prendre possession de ma sculpture, ma pièce préférée est celle sur laquelle je travaille en ce moment, et une fois terminée, elle sera remplacée par la suivante sur laquelle je travaille. Je sens rarement que le travail est à moi, bien que je puisse le créer pour moi-même, une fois terminé, je ne veux pas le garder ou le posséder. Je crois qu’il vaut mieux laisser ça à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui l’apprécie. Il y a un sens d’humilité dans cette attitude que j’aime en moi, bien qu’elle conduise à la tendance autodestructrice que j’ai de donner le fruit de mon travail. J’ai du mal à garder le travail que je crée, et j’ai beaucoup de plaisir à m’en séparer, peut-être cela reflète-t-il les émotions paradoxales auxquelles Lacan fait référence.
(Contemplation of this phrase brings me to a part of my work that I do not entirely understand but accept as true. I do not like to take ownership of my sculpture, my favourite piece is the one that I am working on at the moment, and once finished will be replaced by the next one I am working on. I rarely feel that the work is mine, although I might create it for myself, once complete I do not wish to keep it or own it. I believe that it is best left with someone else, someone who shows appreciation for it. There is a sense of humility within this attitude that I like in myself, although it leads to the self-destructive tendency that I have of giving the work away. I struggle with keeping the work that I create, and take great joy in parting with it, perhaps this mirrors the paradoxical emotions that Lacan is referring to.)
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?
B : Pas grand chose….
Bl : …
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
B : Les chefs d’État souffrant de l’effet autruche ou d’un état mental Normalcy Bias, , bénéficieraient-ils, dans un pays confronté à un désastre financier imminent, des conseils d’un Gestalt-thérapeute ? Non. (Would the heads of state suffering from the Ostrich Effect or a mental state of Normalcy Bias, in a country facing imminent financial disaster, benefit from a Gestalt therapist? No.)
Bl : Quel conseil donneriez-vous à un jeune ? Dites la vérité chaque fois que vous le pouvez. (What one piece of advice would you give a young person ? Speak the truth whenever you possible can.)
Propos recueillis et traduits par frederic grolleau pour lelitteraire.com le 5 juillet 2019.
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