Le jour où Ray Charles a lutté pour la cause noire en refusant de chanter
Derrière le tube « Georgia on my mind » – ballade sentimentale qui marqué la carrière de Ray Charles – se cache la rébellion d'un artiste, visiblement oubliée et légèrement altérée par le temps, qui aurait participé au combat des Afro-Américains en pleine période de ségrégation raciale.
C’est en Géorgie, dans la ville d’Albany plus précisément, que Ray Charles Robinsonpousse son premier cri – tout en mélodie – le 23 septembre 1930. Mais dès ses premières années, il fuit, dans les bras de sa mère, cette région et la pauvreté ambiante pour rejoindre la Floride. Son enfance sera malgré tout malheureuse. À 4 ans, il est atteint d’un glaucomequi le condamne à la cécité complète trois ans plus tard. À 5 ans, il voit son frère cadet se noyer : un épisode qui le traumatisera à vie. Très rapidement, Ray Charles découvre qu’il a un véritable talent et traverse l’État de Washington pour se produire dans des bars. Il s’installe définitivement à Seattle, où il enregistre ses premiers titres, puis déménage en Californie.
Ce n’est qu’au début des années 1950, quand il commence à rencontrer un véritable succès, que Ray Charles se décide à retourner sur les terres géorgiennes de sa petite enfance, pour un seul et unique concert. Mais quand il arrive à Atlanta, il découvre, avec stupeur, que l’accès de la salle dans laquelle il doit se produire n’est réservé qu’aux blancs. Le population noire de la ville accueille celui qu’elle considère comme une icône par des manifestations et lui réclame de porter – lui qui a de la voix – leur message. Ni une, ni deux, le bluesman annule la représentation et repart sans se retourner. Le geste du grand Ray est fort et participe à la lutte contre la ségrégation raciale qui sévit alors aux États-Unis depuis plusieurs décennies. Le combat a été engrangé par les actions de Rosa Parks ou encore de Martin Luther King, mais ne portera ses premiers fruits qu'avec le Civil Rights Act, signé en 1964.
Après cet événement, l’on dit que l'artiste aurait été interdit de concerts en Géorgie pendant plusieurs années. Peu importe pour lui, il choisit de répondre à cette injustice avec ce qu’il fait de mieux : la musique. Il déterre une vieille chanson oubliée : « Georgia on my Mind », composée en 1930 par Hoagy Carmichael sur des paroles de Stuart Gorrell. Une ode à une certaine Georgia – une femme très certainement – qui incarne sans nul doute, dans une subtile personnification, sa région natale. Le titre devient rapidement un tube incontournable et l'un des plus grands succès du chanteur, avec Hit the Road Jack.
Et même s’il reste à jamais identifié à Ray Charles, « Georgia on my Mind » a depuis été repris par toutes les générations d’artistes : Louis Amstrong, Deep Purple, Billie Holiday, Michael Buble, James Brown, etc. Depuis 1979, la chanson est devenue l’hymne officielle de la Géorgie. The Genius – comme on l’appelait alors – n’a pu que se réjouir de cette drôle de conclusion.
pierrick geais
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