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Roger Seiter & Pascal Regnauld," Trou de mémoire — Intégrale"

Publié le 19 Mars 2019, 10:02am

Catégories : #BD

Roger Seiter & Pascal Regnauld," Trou de mémoire — Intégrale"

Moi en émois

18 ans après la sor­tie du mémo­rable – si l’on ose dire - Memento de C. Nolan, et la saga bédéique du mythique XIII la quête d’un amné­sique en recherche de son iden­tité pour­rait paraître conve­nue. Mais il n ’en est rien ici, pas seule­ment parce que la bande des­si­née n’est pas le cinéma mais parce que le scé­na­rio malin, tout en fausses pistes,  concocté par R. Sei­ter tient la route et est bien sou­tenu par la sombre charte gra­phique de Pas­cal Regnauld.
Tout com­mence avec un homme qu’on découvre à San Fran­cisco dans les six­ties, hagard, sur une scène de crime, blessé, avec une arme et plus aucun sou­ve­nir :  suite à la vio­lence subie, il ne sait même plus qui il est, ne recon­naît pas la vic­time, une femme,  qui est à ses côtés et ne peut que suivre ce qui semble un ata­vique réflexe : prendre la poudre d’escampette avant que la police ne débarque…

Ainsi vont se croi­ser, de la côte Ouest à la côte Est des Etats-Unis, en hom­mage aux romans et films amé­ri­cains noirs, les trois pers­pec­tives imbri­quées par Sei­ter qui montre qu’il n’est pas à l’aise que dans les scé­na­rii d’albums his­to­riques (voir L’Or du Rhin) : notre mal­heu­reux pro­ta­go­niste porté conti­nû­ment par sa voix off, les membres de la mafia à ses trousses et les deux poli­ciers Mc Gowan et Car­novsky cher­chant à résoudre le pre­mier crime (avant que d’autres ne soient bien­tôt com­mis).
Le héros réa­lise au fil de ses péré­gri­na­tions qu’il est un tueur à gages sti­pen­dié par la mafia (il vient à priori d’assassiner l’influent séna­teur Pat­ter­son) et que l’accident sur­venu à San Fran­cisco remet en cause, outre sa rigueur pro­fes­sion­nelle, sa vie même.

Si le récit est sti­mu­lant de par la remise en ques­tion intros­pec­tive d’un homme qui ne coïn­cide plus avec lui-même et se voit opposé l’image que les autres avaient de lui avant son amné­sie (qu’est-ce donc que le moi lorsqu’il ne se recon­nait plus lui-même ?) ), ce sont les planches sublimes de Pas­cal Regnauld qui achèvent la satis­fac­tion du lec­teur :  à l‘appui d’un chro­ma­tisme ocre/sepia/bleuté vin­tage, le cadrage pro­pose une ambiance dark à sou­hait avec un beau tra­vail sur cer­taines ver­ti­cales d’immeubles et les effets d’ombres — tout en main­te­nant tout du long une touche d’humour assu­mée grâce à un trait semi-réaliste (mais l’on songe aussi aux pneu­ma­tiques des voi­tures lou­chant du côté de Qui veut la peau de Roger Rab­bit ?).

Bref, une course contre la montre effi­cace et maî­tri­sée qui ravira les ama­teurs du genre… mais pas que.

fre­de­ric grolleau

Roger Sei­ter (scé­na­riste) & Pas­cal Regnauld (illus­tra­teur), Trou de mémoire — Inté­grale, Edi­tions du Long Bec, octobre 2018, 120 p. — 25,00 €.

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