Cratyle est un dialogue écrit par Platon, vraisemblablement durant le IVe siècle avant JésusChrist. Il met en scène trois personnages qui débattent sur l’origine des noms : Socrate, Hermogène et Cratyle.
I. Les personnages
Socrate
Socrate a été le maître de Platon. Il mène ici le dialogue entre Hermogène et Cratyle sur le langage. Il réfléchit avec eux, tout en les interrogeant et en essayant de trouver des réponses à la question soulevée : la dénomination des êtres et des choses est-elle toujours juste ? un nom existe-t-il naturellement ?
Hermogène
Hermogène s’interroge sur ce qu’a voulu lui indiquer Cratyle dans une conversation antérieure au dialogue et demande à Socrate son aide afin de mieux le comprendre. Il acquiesce majoritairement aux idées de Socrate.
Cratyle
Cratyle n’intervient pas dans le dialogue du début. Il entre en scène à la fin, une fois que Socrate et Hermogène se sont beaucoup interrogés. Il est souvent d’accord avec Socrate, mais reste toutefois sur son idée première, c’est-à-dire la juste dénomination des choses, même s’il n’exclut pas complètement qu’il puisse faire erreur. Les derniers échanges entre Cratyle et Platon témoignent d’une réflexion qui sera prolongée entre eux sur ce même thème.
II. Le dialogue entre Socrate et Hermogène
Le « fabricant » des mots
En premier lieu, Socrate tente de définir d’où viennent les mots. Qui peut être considéré comme le mieux placé pour en parler ? Il cite les différents artisans ainsi que leurs fonctions, et il nomme ainsi le « législateur » comme celui qui possède l’art de nommer les mots.
La justesse des noms selon les dieux
Afin d’examiner la question de la justesse des vocables, Socrate et Hermogène conviennent de réfléchir aux noms des dieux. Socrate y émet tout de même quelques réserves, car il s’agit de divinités dont il ne se saurait se prétendre l’égal. Ils étudient ainsi tous deux l’étymologie des mots qualifiant les nombreux dieux (Aphrodite, Zeus, Hermès…) et s’accordent à penser que leurs appellations sont justes.
Examen des beaux noms
Les deux personnages passent ensuite en revue les noms qu’ils estiment beaux et se rapportant à la vertu tels que la pensée, la connaissance, la science, la justice, le courage… L’analyse de l’origine de ces vocables est également longuement développée par Socrate. Il constate l’ajout de lettres ou de syllabes dans les mots pour des raisons d’euphonie. Selon lui, cette tendance des noms retravaillés rend impossible leur compréhension pour les hommes.
Explication par les lettres
Socrate souligne les liens entre les lettres, leurs sons et la signification qu’ils engendrent dans les mots. Il cite notamment le r comme « l’instrument propre à rendre toutes les sortes de mouvement » et détaille son affirmation d’exemples : rhéïn (couler), rhoé (courant), tromos (tremblement), etc. Le o désigne le rond. L’i entraîne la légèreté, le l tout ce qui glisse et est lisse, tandis que le t suscite l’arrêt et le n un caractère interne. La démonstration appuie le discours de Cratyle sur la justesse des noms.
III. Le dialogue entre Socrate et Cratyle
Discussion autour du nom d’Hermogène
Hermogène interroge Cratyle sur l’intervention de Socrate. Socrate et Cratyle commencent leur analyse en conversant autour du nom d’Hermogène. Il devrait être juste que cet homme s’appelle ainsi. Or, ce nom signifie « de la race d’Hermès ». Hermès étant le dieu du gain, il convient mal à ce dernier dans la mesure où il rencontre des problèmes avec ses finances.
La légitimité du législateur
Socrate s’interroge sur le législateur, en l’occurrence l’artisan des noms : « Serait-il tantôt bon, tantôt mauvais ? » Le philosophe fait allusion à l’image d’un objet. Deux éléments coexistent : l’objet en lui-même et l’image de l’objet. Cratyle lui accorde qu’ils ne sont pas identiques, ainsi Socrate se questionne sur la dénomination des deux : doit-elle différer ?
Les noms primitifs
Du raisonnement sur les objets, Socrate établit qu’il existe des noms « bien faits » et des noms « mal faits », ce que Cratyle peine à concevoir. Socrate distingue deux sortes de mots : ceux ayant été composés à partir d'autres plus anciens, et les plus anciens, c’est-à-dire les primitifs. Les primitifs doivent être naturellement semblables aux objets qu’ils désignent. Si ce n’est pas vraiment le cas, les objets sont reconnus grâce aux conventions et à l’usage, qui ne sont pas forcément en adéquation avec l’objet. Par ailleurs, si le nom primitif a été mal élaboré, les noms seront « mal faits ». Socrate se penche ainsi pour sa réflexion sur le point de départ de la conception de toute chose.
L’impermanence
Socrate étaye son discours avec la notion de mouvement, celle de l’impermanence des choses et des objets. Si elle existe, les objets changent et leur dénomination doit également être modifiée, sinon il s’avère qu’elle devient erronée. En revanche, si l’objet demeure le même, la connaissance est juste. Socrate fait en outre référence à l’école d’Héraclite avec la citation de Protagoras où « l’homme est la mesure de toute chose ». Socrate l’interprète par le fait que si à un homme les choses apparaissent d’une manière, elles seront ainsi à ses yeux, si à un autre homme les choses apparaissent différemment, elles seront différentes pour celui-ci. Ainsi, les choses ne seraient pas justes ou fausses, mais justes en fonction de chacun.
IV. La fin du dialogue
Tout au long de ses questionnements et de son argumentation, Socrate a d’abord appuyé la thèse de Cratyle en lui fournissant des exemples la renforçant et l’illustrant. Cependant, la deuxième partie, celle où il converse avec Cratyle, laisse apparaître des doutes et des failles dans la conviction de ce dernier. Cratyle accepte d’ailleurs de continuer à mener une réflexion autour du thème, car malgré certains points soulignés par Socrate contestant sa théorie, il pense qu’elle est globalement plus proche de l’opinion de l’école d’Héraclite.
source : file:///C:/Users/FREDERIC/Downloads/54e21a003ea99.pdf
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