Après un an de totale absence qui laissait même supposer la fin de leur carrière, PNL revient finalement avec un nouveau single extrait de leur prochain album. Les fans s’attendaient à ce que le clip soit celui de Ladif, morceau en partie dévoilé il y a presque 2 ans, mais il s’agit finalement d’un single inédit : A l’Ammoniaque. Il sera donc question dans cet article de comprendre en quoi ce clip et ce morceau s’inscrivent dans la continuité de la discographie de PNL.
Ce clip met en scène Ademo et N.O.S, les deux rappeurs, au milieu de plusieurs paysages : en Afrique du Sud et au Grand Canyon en Arizona. Pour la première fois, la réalisation n’est pas seulement confiée à Kamerameha et Mess qui sont des proches des deux frères, mais aussi à un réalisateur et scénariste de films : Kim Chapiron.
Le clip démarre dans le hall de la tour 27blum là où tout a commencé pour Ademo et N.O.S. : c’est dans ce hall qu’ils ont vendu leurs premiers pochons de drogue. Mais dès qu’Ademo sort de ce hall, un vaste désert nous apparait et les ient-clis attendent par milliers, voire millions, leur dose. Le parallèle entre ient-cli et auditeur est alors évident. Désormais les clients que les deux frères doivent servir ne sont plus des consommateurs de drogue mais des auditeurs de leur musique. On suit Ademo dans un désert, marchant à côté d’une hyène à bout de force. Cette hyène n’est pas sans nous rappeler la phase d’Ademo dans le morceau Abonné de l’album Le monde Chico : « J’ai une drôle de vision entre vautours et hyènes ». Sans trop de surprises, on verra par la suite dans ce clip un vautour, cette fois aux côtés de N.O.S. Mais revenons-en à la hyène qui s’effondre au moment où Ademo dit : « un je t’aime coupé à l’ammoniaque, ou je finis comme Manu le Coq ». PNL reste toujours dans leur univers qui allient des références les comparant aux animaux de la jungle ou de la savane et les références les comparant aux personnages de films culte. Ici, Manu le Coq est un personnage du film La Cité des Dieux qui meurt tué d’une balle. Difficile de dire si Ademo s’identifie à la hyène qui s’effondre ou bien si cette hyène est une allégorie de leurs ennemis.
Par la suite, Ademo chevauche un cheval noir, on sent une nette ambiance western et tout dans leurs visuels reflète leurs états d’âmes à l’instar de tableaux de peintres romantiques. Ademo contemple le soleil se coucher, ce qui nous fait directement penser à sa phase dans le morceau Oh lala : « J’vois l’soleil s’lever, s’coucher, j’mens quand j’dis ça va » puis il lève les yeux lorsque la lune rouge apparaît et cela fait écho à toutes les références à la lune omniprésentes dans leur discographie. Les images du clip ne font pas simplement sens avec les paroles de ce morceau mais elles renforcent tout ce qu’ils ont déjà écrit, interprété et tourné dans leurs précédents projets.
Enfin, passons à la partie du clip qui met en scène N.O.S. On le voit en pleine nuit assis sur un fauteuil, proche d’un vautour et devant le même hall… Le fait qu’il veille devant le hall durant la nuit nous rappelle qu’ils vendaient « sept sur sept, H24, en bas du hall » (phase d’Ademo dans Porte de Mesrine). Le plan suivant montre un œil bleu qui est probablement celui d’une femme. Puis cette même femme fumant devant ce qui semble être le hublot d’une cabine d’un bateau. Ce plan survient lorsque N.O.S dit « Ma vie » et il s’agit sans doute de la même personnification de la vie sous les traits d’une femme que N.O.S faisait dans Jusqu’au dernier gramme : « Igo la vie est moche donc on l’a maquillé avec des mensonges ». La femme de ce clip symbolise donc la nouvelle vie de N.O.S. On voit par la suite que ce même bateau est échoué au milieu d’une étendue de neige et on nous montre une scène où N.O.S et Ademo recompte les billets qu’ils ont gagné après avoir vendu dans le hall… Si on observe bien les mains de N.O.S elles se rident au fur et à mesure qu’il compte les billets et cela nous rappelle sa phase dans Mira : « J’ai compté toute la journée jusqu’à m’en brûler les ailes ». Il est par la suite sur un radeau au milieu de la mer tel un naufragé, on pourrait interpréter cela de cette manière : N.O.S est un survivant de la banlieue, la banlieue serait alors le bateau qui a coulé. Enfin, le clip se termine sur le hall qui s’écroule sous une avalanche et cela nous montre encore une fois la vision très pessimiste qu’ils ont en ce qui concerne leur avenir.
Si le clip est dans la lignée de ce que PNL nous a toujours proposé, musicalement il s’agit également d’une continuité logique dans leur discographie. Difficile de ne pas se souvenir du précédent album qui se terminait par le morceau Jusqu’au dernier gramme, logiquement A l’Ammoniaque sonne comme une transition entre Jusqu’au dernier gramme et le prochain album. Musicalement PNL nous propose une instrumentale qui fait écho au morceau Luz de luna avec cette guitare hispanique qui sert de lead mais cette fois beaucoup moins rythmée, avec des percussions très légères ainsi qu’un bpm toujours lent. Le ton est par conséquent très mélancolique mais PNL recherche toujours cette inventivité dans l’ambiance qui rappelle cette fois une ambiance western.
Ce morceau marque un tournant véritable dans la discographie de PNL. Pour rappel, dans les deux premiers projets (Que la famille et Le monde Chico), le duo parlait de leur quotidien dans la bicrave et il s’agissait de projets très sombres et emplis de désespoir mais les frères s’exprimaient au présent dans leurs textes. Puis Dans la légende a été un album charnière puisqu’il était très solaire et évoquait leur réussite malgré tous les doutes qu’ils avaient. Dans la légende parlait de bicrave mais de manière moins systématique et le duo s’exprimait au passé car ils n’avaient plus besoin de ça pour vivre. C’était un album globalement abstrait et plein de doutes quant à l’avenir. A l’Ammoniaque sonne comme une continuité logique. Dans ce morceau ils ne parlent plus du tout de bicrave, la vente de drogue n’est présente que métaphoriquement et totalement absente de leurs textes. Désormais, PNL ne nous parle que de leur avenir qui s’annonce très sombre et nous évoque clairement leur mort : « L’histoire sera courte à mon avis, comme la dernière phrase de ma vie », « un je t’aime coupé à l’ammoniaque, ou j’finis comme Manu le Coq ». Il n’est plus question de sortir de la jungle (métaphore de la banlieue). Aujourd’hui la jungle cherche à les rattraper : « Pourquoi petite fleur a fané ? Elle était belle loin de la jungle / Mais bon la jungle l’a rattrapé ». Le fatalisme des deux frères est plus présent que jamais.
Par ailleurs, on remarque quelque chose d’inédit dans les textes d’Ademo et N.O.S. Ademo parle certes de ses regrets par rapport à ce qu’il a fait par le passé comme il l’a déjà exprimé dans ses précédents projets : « Que Dieu nous pardonne pour nos crasses », « J’crois que personne ne vit sans regrets ». Mais il exprime également pour la première fois ses sentiments : « J’remplace centimes par sentiments ». Il abandonne enfin son obsession de l’argent pour parler à cœur ouvert et dire « Je t’aime » comme s’il avait brisé une barrière pour se livrer. Malgré cela, l’obsession de l’argent ne s’en ira jamais car il contrebalance « J’remplace centimes par sentiments » en ajoutant « Mon cœur se transforme en billets ».
L’écriture de N.O.S a également évolué. Il ne dit plus « La vie » mais « Ma vie », cela peut paraître anodin mais il nous avait habitués à toujours figurer la vie comme quelque chose d’intangible dans le titre La vie est belle par exemple ou bien dans Jusqu’au dernier gramme lorsqu’il dit « Igo la vie est moche donc on l’a maquillé avec des mensonges ». Désormais, il ne parle plus de la vie comme quelque chose qui lui est étranger mais bien de sa vie, comme si elle était maintenant à ses côtés. Il répète « Ma vie » à peu près une vingtaine de fois dans son couplet ce qui donne l’impression qu’il s’adresse à une personne, en l’occurrence personnifiée par une femme dans le clip.
Malgré toutes ces évolutions dans les textes, il demeure une obsession inchangée chez PNL : l’auto-référence. Dans ce morceau, on a droit à des références aux précédents morceaux de leur discographie et quelques-unes ont déjà été citées plus haut dans l’article. Ademo réutilise une phase qu’il avait déjà faite dans Recherche du bonheur : « Si j’te tends la main tu me couperas le bras, mais j’ai pas de Rolex » en la modifiant : « Que j’aimerais leur tendre la main / Mais ces sauvages me la couperaient ». Il évoque ensuite le soleil et la lune comme il le fait très souvent : « Le soleil se couchera dans la vallée / La lune sortira une bière ». Enfin, on a encore une fois droit à ses fameuses onomatopées, dans ce refrain il a opté pour « Ouais, ouais, ouais, ouais, ouais » comme dans Le monde ou rien.
N.O.S, quant à lui, nous noie littéralement dans les auto-références. Il commence bien sûr son couplet par « Ma vie » puis évoque la jungle comme ils l’ont fait bon nombre de fois dans toute leur discographie. Il y a aussi l’obsession pour la famille : « Mais j’n’ai d’yeux que pour ma famille » et pour l’argent : « Donne-moi du temps j’en f’rai du biff ». Vers la fin de son couplet, il fait une allusion au morceau Lion avec : « Les anges sont tristes, les démons kiffent » qui nous rappelle cette phase : « Sinon j’fais dans la bibi, banni les anges me sifflent / Les démons kiffent ». Enfin, N.O.S répond à une promesse qu’il avait fait dans le morceau Le M : « On veut le monde chico / T’inquiète, on rendra tout ce qu’on acquiert » en clamant dans A l’Ammoniaque : « J’ai fait l’million j’me suis assagi / Mais on doit rendre ce qu’on a pris » comme s’il se sentait coupable d’être fortuné et était nostalgique de sa vie dans la misère.
Pour conclure, le single A l’Ammoniaque se situe clairement dans la continuité logique de leur discographie : le clip est contemplatif dans la lignée des clips Oh lalaou La vie est belle. Musicalement, le flow des deux frères est toujours dans cette hybridation entre chant et rap, même si cette fois ils sont clairement dans le chant. Avec une instrumentale très mélodieuse, lente et mélancolique. Les paroles renferment les mêmes obsessions du duo pour l’auto-référence. Cette dernière cimente la portée de leurs phases. Enfin, il ne faut pas négliger l’évocation de leur avenir qui est inédite et nous indique que le prochain album sera bien plus sombre que Dans la légende. Peut-être le dernier album de leur carrière ?
source :
https://nostroblogs.wordpress.com/2018/07/17/a-lammoniaque-pnl-marque-le-renouveau-de-la-chanson-francaise/
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