Gilbert Garcin – Le dilemme (2000)
C’est dans l’introduction que le problème doit être posé ; il sera discuté tout au long du développement. La problématisation est un exercice relativement artificiel qui, plus qu’un autre, demande que l’habileté soit entraînée.
Voici plusieurs techniques pour problématiser la question d’un sujet de dissertation ; suivant les sujets, elles sont d’inégale valeur : elles peuvent parfois se cumuler ou se confondre. Toutefois, le but de toute problématisation est d’aboutir à un problème = l’opposition équilibrée de deux réponses immédiates, crédibles mais aporétiques.
- Technique de l’opposition problématique : si, dans une dissertation, il doit y avoir une opposition franche (d’un côté, oui… mais d’un autre côté, non…) c’est dans l’introduction et non pas dans le développement. Pour trouver une opposition, il suffit simplement de s’opposer à la question posée et de déplier toute la justification de cette opposition. Une simple différence ne fait pas toujours une opposition.
- Technique de la question essentielle : convertir un sujet de dissertation en question essentielle (sous la forme canonique du « qu’est-ce que… ? ») permet de cadrer, d’encadrer, et d’orienter le développement dans lequel il s’agit de construire par la discussion la définition du « terme essentiel ».
- Technique du moyen terme sous-jacent : un troisième terme – le « moyen terme » – peut permettre d’expliciter l’opposition entre deux termes forts d’un sujet. Il s’agit de faire attention de ne pas glisser hors du cadre problématique du sujet.
- Technique de la contradiction interne : le problème peut quelquefois se trouver dans la contradiction non pas entre deux termes du sujet, mais entre leurs conséquences apparentes et prévisibles. La problématisation reviendra à dégager explicitement cette contradiction.
- Technique de l’alternative : au moyen d’une alternative, le problème se présente explicitement comme une discussion entre deux solutions exclusives l’une de l’autre : ou bien… ou bien…
- Technique du paradoxe : le problème peut quelquefois se trouver dans un paradoxe explicite entre deux termes du sujet. La problématisation reviendra à clarifier et renforcer ce paradoxe.
La problématisation sera réussie si :
- elle évite un contresens ou un hors-sujet.
- elle permet de vraiment lancer la discussion (dans le développement).
Quand ce n’est pas le cas, l’introduction est déséquilibrée et provoque souvent un plan contradictoire en oui/non (ou l’une de ses variantes).
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La sensibilité aux œuvres d’art demande-t-elle à être éduquée ?
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Le dialogue est-il
le chemin de la vérité ?
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Etre libre, est-ce
ne rencontrer aucun obstacle ?
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Présupposés
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Il existe une sensibilité propre aux œuvres d’art.
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La vérité existe.
La vérité accessible par une méthode.
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Nous sommes libres.
Il existe des obstacles à la liberté.
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Hors sujets
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Sommes-nous sensibles aux œuvres d’art ? (ou aux beautés naturelles ?)
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La vérité existe-t-elle ?
Faut-il partir à la recherche de la vérité ? p>
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La liberté est-elle absence de contraintes ?
Quels sont les obstacles à la liberté ?
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Opposition
problématique
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Non, la sensibilité est immédiate, spontanée, personnelle, singulière.
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Non, mais c’est un chemin de la vérité.
Non, c’est l’autoroute des opinions.
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Non, être libre, c’est être libre d’affronter des obstacles.
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Question essentielle
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D’où vient le goût artistique ?
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Qu’est-ce que le dialogue ?
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Qu’est-ce qu’être libre ?
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Moyen terme
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Immédiateté : du côté de la sensibilité mais pas du côté de l’éducation.
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Unicité : du côté de la vérité mais pas du côté du dialogue.
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Contrainte : d’un côté, contrainte # obstacle mais d’un autre côté la liberté comme absence de contrainte.
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Contradiction externe
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D’un côté, comment éduquer une sensibilité ? D’un autre côté, c’est la fréquentation des œuvres d’art qui nous sensibilise.
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D’un côté, si le dialogue est ce chemin, il peut être sans fin et la vérité sera inaccessible ; d’un autre côté, si la vérité ne passe pas par la confrontation, elle sera également inaccessible.
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D’un côté, l’obstacle est ce qui empêche d’être libre ; d’un autre côté, l’obstacle oblige la liberté à se réaliser (par la victoire ou l’évitement).
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Alternative
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Soit elle est demande soit elle est refus de toute éducation.
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Ou bien c’est le seul chemin, ou bien ce n’est qu’un des chemins possibles.
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Soit la liberté est absence d’obstacle, soit elle se forge dans ces rencontres.
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Paradoxe
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Rien ne semble plus naturel que la sensibilité ; mais, rien n’est plus artificiel, artistique qu’une œuvre d’art.
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Comment le dialogue qui suppose une pluralité des points de vue peut-il amener à une vérité qui est unique ?
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Comment savoir que je suis libre, si je ne peux jamais l’éprouver dans une rencontre avec un obstacle ?
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suite page 2
source : http://www.philosisyphe.net/problematiser/
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