Introduction/ problématisation.
La liberté se définit généralement comme l’absence de contrainte. Nous sommes libres lorsque nous décidons par nous-mêmes, exerçons notre libre-arbitre et poursuivons la réalisation de nos désirs sans que rien ni personne ne nous en empêche. A l’inverse, la loi représente une contrainte subie qui limite notre liberté, qu’elle prenne la forme de la loi politique ou celle de la loi de la nature à laquelle nous ne pouvons nous soustraire. En ce sens, pour être pleinement libre, il faudrait échapper à toute loi.
Mais ne peut-on pas se demander si cette vision de la liberté ne relève pas d’une forme de naïveté ? Dans la vie courante, quand je veux réussir ce que j’ai projeté de faire, je dois souvent suivre des règles ou des lois. Je ne peux pas faire de cuisine sans respecter des principes et des règles culinaires. De même, si je souhaite développer une entreprise, je dois respecter des lois qui n’ont pas pour but premier de m’empêcher d’agir, mais, au contraire, de me rendre libre de mener mon projet à bien : en effet, les autres aussi doivent respecter la loi, ce qui évite qu’ils rentrent en conflit avec moi et représentent un obstacle à ma liberté. Il semblerait donc que la relation entre liberté et loi ne soit pas simplement un rapport d’exclusion réciproque. C’est ce que le sujet nous invite à penser.
Première partie : La loi est une contrainte pour ma liberté.
La loi est une limite posée à mon action. La loi politique se présente d’abord à moi comme une interdiction de faire quelque chose. Par exemple, je ne peux pas disposer intégralement du revenu de mon travail : je dois payer des impôts. La loi morale m’interdit de réaliser certains actes et, même s’il n’y a pas d’autre sanction que celle de la désapprobation que les autres peuvent me faire sentir, je peux souvent ressentir de la culpabilité, du remord ou des regrets de ne pas avoir agi comme il le fallait. Ce qui nuit à ma liberté, car je ne peux, dans ce cas, profiter de ce que je recherchais en accomplissant une mauvaise action. Quant à la loi de la nature, elle me soumet à ce qu’on appelle la nécessité naturelle : je ne peux pas faire tout ce que je veux, car je suis limité par la nature. Par exemple, je subis la loi physiologique du vieillissement et ne suis pas libre de prolonger indéfiniment mon existence
Deuxième partie : Sans loi, pas de liberté.
La liberté semble se définir donc en contradiction avec la loi. Pourtant, sans loi, il n’y aurait pas de liberté. En effet, la liberté ne consiste pas à tant à vouloir qu’à agir. Je peux vouloir jouer parfaitement de la guitare, mais si je ne me soumets pas aux règles élémentaires de l’art musical – ce qu’on peut appeler les lois de l’ harmonie et de la composition – jamais je ne pourrais sortir le moindre son intéressant de ma guitare ni m’exprimer comme je le souhaite. De même, si je change sans cesse de désir (apprendre aujourd’hui la guitare, demain la batterie et puis après-demain le piano), je ne deviendrais jamais musicien. Si le désir n’est pas encadré par des règles, il devient caprice et il ne mène à rien. Ma liberté ne consiste pas à désirer sans cesse au gré de mes humeurs et de changer de désir quand cela me chante. Au contraire, pour réaliser ce que je veux, je dois me soumettre à une discipline : pour l’apprenti musicien, il faut faire des gammes. C’est la loi de la formation musicale. Et je ne parviendrais jamais à maîtriser mon instrument, c’est-à-dire à faire en sorte qu’il restitue le son que je désire librement produire, si je ne la respecte pas.
Troisième partie : La véritable liberté se nomme autonomie.
Cette réflexion est tout aussi valable dans le domaine politique. La loi politique est l’expression de la volonté générale du peuple. En tant que membre du peuple souverain, je contribue directement ou indirectement par mes représentants (députés) à sa formation. Dans ce cas, je dois reconnaître dans la loi l’expression de ma volonté propre. Certes, elle m’empêche de faire tout ce que je veux, mais, surtout, elle me protège des empiétements de la liberté d’autrui sur la mienne. La loi favorise plus ma liberté qu’elle ne la limite. C’est une contrainte libératrice. Sans loi, il n’y aurait pas de liberté, car nous serions tous à la merci les uns les autres et nous vivrions dans un état de crainte permanent incompatible avec l’exercice de la liberté.
La loi est donc l’instrument d’une liberté que l’on nommera désormais autonomie. Nomos (qui donne nomie) signifie en grec la loi. L’autonomie est le fait de se donner et de se soumettre à sa propre loi. La véritable liberté n’est pas synonyme de désir capricieux, car, comme on l’a vu, il ne mène qu’à se contredire et à ne mener aucun projet, aucune action à terme. C’est comme si l’on voulait sans se donner les moyens d’obtenir ce que l’on veut. Ce qui n’est pas réellement vouloir. C’est donc contradictoire : on veut et on ne veut pas à la fois. En d’autres mots, ça s’appelle un caprice.
En revanche, la véritable liberté se nomme autonomie : le fait de se soumettre à la loi que l’on se donne pour réaliser ses désirs.
source : https://www.philomag.com/bac-philo/filiere-technologique-etre-libre-est-ce-nobeir-a-aucune-loi-7655
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