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"Source Code" décrypté

Publié le 26 Janvier 2019, 09:22am

Catégories : #Philo & Cinéma

"Source Code" décrypté

Brillant à plus d'un titre, Source Code a la particularité d'être au croisement de plusieurs genres : c'est le mariage réussi d'un thriller, d'une histoire sentimentale et d'une fiction futuriste. L'intrigue du film, multiple, se complexifie dans le dernier quart d'heure ; mais contrairement à Inception ou à Sucker Punch, une et une seule explication nous est donnée (qui ne prive pas pour autant la fin de toute poésie...).

Rappelons le début de l'histoire en quelques lignes.

Colter Stevens, un pilote de l'armée américaine, se réveille en sursaut dans un train à destination de Chicago. Amnésique, il n'a aucun souvenir d'y être monté. Pire encore, les passagers du train se comportent avec lui familièrement alors qu'il ne les a jamais vus. Désorienté, il cherche à comprendre ce qui lui arrive quand une bombe explose, tuant tout le monde à bord. Colter se réveille alors dans un caisson étrange et découvre qu'il participe à une expérience permettant de se « projeter » mentalement dans le corps d'une personne et de « vivre » les huit dernières minutes de la vie de celle-ci. On lui assigne la mission suivante : identifier et arrêter l'auteur de l'attentat du train, en « revivant » – autant de fois qu'il lui sera nécessaire – les instants précédant l'explosion à la place de Sean Fentress, l'individu dans lequel il a été « projeté » la première fois. Car un deuxième attentat se prépare en plein cœur de Chicago : de la réussite de sa mission dépend le sort de toute une ville. C'est une course contre la montre qui commence !

 
Source Code 1

Colter « revit » donc plusieurs fois ces huit minutes : échouant à chaque fois dans sa mission, il meurt dans l'explosion du train et revient à la réalité. Entre deux tentatives, une femme officier du nom de Colleen Goodwin lui donne des conseils par écran interposé, afin de l'aider dans sa mission.

De plus en plus à l'aise à chaque « projection » dans le corps de Sean Fentress, Colter fait la connaissance de l'amie de Sean, Christina Warren, qui, comme chaque matin, gagne son travail par le même train de banlieue que lui, à destination du centre-ville. Très vite, il tombe sous le charme de la jeune femme qu'il décide de sauver en même temps que tous les passagers.

Source Code 2

Goodwin essaie de l'en dissuader car c'est une entreprise totalement vaine ! En effet, les huit minutes que « revit » Colter ne sont que des fragments de la mémoire de Sean Fentress : le passé ne peut être changé ; le train a explosé, Colter ne peut plus rien y faire... Mais Colter refuse de l'admettre !

Le docteur Rutledge, le supérieur de Goodwin, décide alors de lui dévoiler la vérité : Colter a été tué au combat il y a deux mois, en Afghanistan ! Ce qui reste de son corps déchiqueté – buste et tête – a été confié aux scientifiques de l'armée à des fins expérimentales : son cerveau, maintenu en état de fonctionner par des stimulations électromagnétiques, est utilisé par un programme informatique appelé « code source » pour lui faire « vivre » les huit dernières minutes avant l'explosion du train !

Source Code 3

Cette annonce anéantit Colter : il est donc mort... Rutledge lui explique que la capsule dans laquelle il croit être n'est que le produit de son imagination. Car Colter n'existe plus que sous la forme d'un cerveau artificiellement stimulé, qui recèle sa « conscience résiduelle »... son âme ? Colter demande alors à Rutledge de lui promettre, une fois sa mission remplie, de le laisser mourir « pour de bon » en le débranchant.

Il retourne dans le train, cependant toujours décidé à sauver celle qu'il aime, découvre enfin où est cachée la bombe et quel passager se révèle être le criminel.

Revenu à la réalité, il livre à Goodwin le nom du criminel – Derek Frost – et le numéro d'immatriculation de son véhicule. L'homme est bientôt appréhendé par la police, évitant ainsi un deuxième attentat : Colter a rempli sa mission.

Goodwin rappelle alors à Rutledge qu'il avait promis à Colter de le laisser mourir. Mais celui-ci a changé d'avis, car Colter prouve que le « code source » fonctionne, et il est peut-être le seul à être « compatible » avec le programme ! L'armée ne peut pas se séparer de lui, car il pourrait à l'avenir déjouer d'autres attentats. Goodwin, qui s'est peu à peu attachée à Colter, essaie de convaincre son supérieur de tenir sa parole : en vain. Source Code 4

Goodwin décide de lui désobéir et de débrancher Colter : mais celui-ci, avant de mourir, demande une dernière faveur : qu'elle le renvoie dans le train afin qu'il puisse sauver Christina. « Vous ne pouvez pas la sauver, car elle est déjà morte », lui répond Goodwin, qui néanmoins accède à sa demande.

Dans le train, Colter appelle son père – qui ne le reconnait pas puisqu'il a la voix de Sean Fentresss – pour lui parler une dernière fois, envoie un message depuis son téléphone (ce détail a de l'importance pour la suite), puis arrête le criminel et prévient la police qu'un attentat a été déjoué.

Les huit minutes se sont presque écoulées... Il ne reste que quelques secondes à vivre à Colter, car il va bientôt être « débranché » par Goodwin. Il déclare à Christina qu'il l'aime et l'embrasse, à la dernière seconde du compte à rebours...

Le réalisateur fige la scène par un long arrêt sur image. A cet instant, le spectateur se demande si c'est la fin du film...

Source Code 5

Mais non ! Le film reprend : le train continue d'avancer, alors que Colter a été débranché...

Le « code source » a créé une nouvelle réalité, une réalité parallèle, dans laquelle Colter – sous l'apparence de Sean Fentress – et Christina peuvent continuer à vivre !

Dans le monde d'où il vient, Colter n'existe plus car Goodwin a mis fin à « ses jours » : mais sa conscience a forcé la porte d'une nouvelle réalité, lui offrant la chance de vivre une nouvelle vie avec la femme qu'il aime.

Dans cette nouvelle réalité, le message que Colter avait écrit dans le train, quelques minutes plus tôt, arrive à son destinataire : il était adressé à Goodwin ! Non pas celle qui a débranché Colter, mais son « alter ego » dans cette réalité parallèle.

Dans ce message, Colter – qui se présente à elle comme étant Colter Stevens – lui explique que le « code source » est encore plus puissant que ce qu'imaginait Rutledge, puisqu'il ne permet pas seulement de revivre des instants du passé mais donne la possibilité de créer de nouvelles réalités !

Il lui annonce aussi qu'il a fait arrêter un criminel du nom de Derek Frost qui s'apprêtait à commettre un attentat.

Goodwin, juste après qu'elle ait reçu ce message, apprend par son supérieur qu'un attentat vient d'être déjoué par la police, et que Derek Frost a été appréhendé : c'est pour elle la preuve que le message de Colter dit vrai ! Rutledge, en disant qu'il espère qu'un attentat permettra un jour d'utiliser le « code source », fait comprendre au spectateur que dans cette réalité nouvelle le programme n'a encore jamais été utilisé. Colter, dans la dernière phrase de son message, demandait à Goodwin de rassurer son « alter ego » artificiellement maintenu en vie en lui disant, quand elle aurait besoin de ses services, que « tout va s'arranger » : c'est ce que Colter répétait à Christina dans le train quand il espérait pouvoir la sauver...

Ce que n'avait pas compris Rutledge, l'inventeur du « code source », c'est qu'à chaque fois que Colter était « projeté » à la place de Sean Fentress, le « code source » créait une nouvelle réalité, une réalité parallèle dont Colter était extrait par sa mort : dans l'explosion du train, ou tué par balles par le terroriste après qu'il l'eut pour la première fois démasqué...

Source Code 4bis

Dans chaque réalité parallèle où Colter est « projeté », il existe donc dans deux endroits : sous l'apparence de Sean Fentress et dans le laboratoire de l'armée où son « alter ego » est maintenu artificiellement en vie. De la même manière que le personnage de Marty, dans Retour vers le futur, existe en plusieurs « exemplaires » quand il voyage dans le passé ou le futur (ce qui ne manque pas d'ailleurs de causer quelques complications).

Mais comment expliquer les « flashs » qui traversent l'esprit de Colter à chaque fois qu'il revient dans la première réalité, celle de son état végétatif, celle de sa « capsule mentale » ?

Ces « flashs » sont en quelque sorte des visions qu'a le héros du futur que Christina et lui partageront dans la dernière réalité où il sera définitivement projeté : on y voit le visage souriant de Christina devant la sculpture métallique d'Anish Kapoor, le « Cloud Gate », œuvre d'art faite d'innombrables miroirs où se reflètent les gratte-ciel du centre-ville de Chicago.

Cloud Gate 1

On peut essayer d'expliquer « rationnellement » ces flashs en se rappelant les lois de la physique quantique auxquelles se réfère l'expérience du « code source » : les réalités parallèles qu'il crée ne se situent pas, dans le temps, après la réalité d'où provient Colter, mais coexistent avec cette réalité comme autant de possibilités que la première réalité aurait eu d'être mais qu'elle n'a pas été... Bref, avec la mécanique quantique, tout devient possible car le temps n'est pas une ligne droite mais plutôt une courbe, car l'espace-temps n'est pas un plan mais plutôt une nappe incurvée : c'est pourquoi la caméra insiste aussi longtemps, à la fin du film, sur la sculpture métallique en question devant laquelle s'arrêtent les deux héros et que Colter voit dans ses visions : elle évoque parfaitement cette particularité quantique de notre univers. C'est pourquoi le réalisateur a choisi d'y faire référence de manière aussi insistante...

Cloud Gate 2

On peut surtout expliquer ces flashs de la manière suivante : Colter, dans la dernière scène, demande à Christina si elle croit au destin... Ne doit-on pas voir, en effet, dans toute cette aventure la preuve que la vie n'est pas le fruit du hasard, que la Providence nous réserve à tous un sort bien particulier ? Remarquez que chaque « flash » que notre héros voit en rêve est de plus en plus précis à mesure que sa destinée s'accomplit, à mesure qu'il aime de plus en plus cette femme et qu'il fait tout pour la sauver : comme s'il parvenait, par les efforts de sa volonté, à embrasser cette vie nouvelle qui ne lui était pas réservée au départ mais qu'il a voulu plus que tout autre, plus d'ailleurs que Sean Fentress qui, lui, est mort dans le train, et qui certainement ne tenait pas autant à Christina que notre héros...

L'amour peut tout : n'est-ce pas là le sens de cette histoire ?

Source Code 7

La dernière image du film : Colter et Christina devant le « Cloud Gate » (comme dans le miroir du train, c'est bien Sean que l'on voit dans le reflet, et non Colter)

Nota Bene : Il n'y a pas lieu de se demander ce que devient Sean Fentress, dont la place est prise par Colter dans la dernière réalité où celui-ci est définitivement « projeté », car il s'agit d'une nouvelle réalité dans laquelle le temps commence à courir à partir de l'instant où Colter y pénètre. Dans cette réalité, il n'y a donc jamais eu d'avant.

Nota Bene Bis : Une question subsiste toutefois (même si elle n'a pas besoin en soi d'être résolue puisqu'il n'est pas nécessaire d'y répondre pour comprendre l'histoire) : est-ce la première fois que le « code source » est utilisé ? Autrement dit, sommes-nous déjà, au début du film, dans une réalité parallèle créée par le « code source » depuis une précédente réalité ? Pour y répondre, il faudrait par exemple vérifier par une deuxième vision du film si Goodwin dit à Colter, pendant sa mission, que « tout va finir par s'arranger » : c'est en effet l'ultime recommandation que Colter a faite à l'officier, dans son message téléphonique, à propos de son « alter ego » inanimé !...

source : 

http://entre-deux-films.over-blog.com/article-source-code-decrypte-explication-de-la-fin-du-film-72666917.html

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