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"Battle royale Comment survivre dans une société individualiste ?"

Publié le 8 Janvier 2019, 14:16pm

Catégories : #Philo (exposés), #Ateliers audiovisuels

 "Battle royale Comment survivre dans une société individualiste ?"

Proposition de traitement par Mlle Emma Antonucci, 1L1, lycée Albert-Ier de Monaco, décembre 2018.

 

 

Plan :

I - Mise en place de la société

1) Comment est-t-elle individualiste ?

2) Le rôle des adultes

3) Lien entre « l'arène » et le monde extérieur

II – Des enfants dans un monde violent

1) Les personnages solitaires

2) Les anti-conformistes

3) Perte d'humanité

 

Définitions :

Société : Ensemble organisé d'individus entretenant des rapports d'interdépendance réglés, exprimables sous la forme de règles naturelles ou conventionnelles et en relation d'interdépendance et organisé par des institutions.

Interdépendance : Du latin inter, entre, parmi, avec un sens de réciprocité et dépendre, dépendre de, reposer sur. La dépendance désigne les rapports qui lient certaines personnes, êtres vivants ou choses, et qui les rendent nécessaires les uns aux autres. C'est l'état de personnes ou de choses qui dépendent les unes des autres.

Fact : L'interdépendance est aussi un concept bouddhiste pour décrire le fait que tous les éléments de la nature sont en interactions et dépendent les uns des autres pour exister.

Survivre : 1er sens : Rester/Demeurer en vie dans des circonstances où d'autres périssent après des événements rendant la vie insupportable.

2ème sens : Réchapper à un événement ou une catastrophe.

Individualisme : Dérivé de individu, issu du latin individuus, indivisible, inséparable, lui-même composé du préfixe privatif in- et de dividuus, divisible, divisé, partagé, séparé.

Doctrine qui fait de l'individu le fondement de la société et des valeurs morales. Attitude favorisant l'initiative individuelle, l'indépendance et l'autonomie de la personne au regard de la société. Tendance à s'affirmer indépendamment des autres, à ne pas faire corps avec un groupe.

Doctrine : L'ensemble des opinions, des principes, des thèses ou des conceptions théoriques qui font partie d'un enseignement ou que l'on adopte.

Valeurs morales : Principes de conduite et de jugement partagés au sein d'une société, selon ce qui est bien ou mal.

Nihilisme : Théorie philosophique qui affirme l’absurdité de la vie, l’inexistence de la morale et de la vérité. Le nihilisme consiste à ne croire en rien, à ne croire en aucune positivité.

Le Léviathan repose sur l’idée que les hommes ne peuvent pas s’entendre car trop méfiants et dominateurs pour cela. Il faut donc un tiers pour les faire se respecter l’un l’autre. Le Léviathan est ce tiers, cette force tutélaire qui s’impose aux contractants.

Activisme : Action directe voire violente, entraîne une propagande active.

 

INTRODUCTION :

C’est l’adaptation du roman de Kōshun Takami, paru en 1999. Il est sorti en 2001 en France.

Il a été produit par Kinjin Kukasaku qui a une conception de la vie nihiliste ce qui fait ressentir à travers ce film.

B-A DU FILM

Résumé du film : Dans un Japon futuriste, les adultes redoutent les adolescents japonais, enclins à la violence et à la désobéissance. Ce qui amène au vote de la loi Battle Royale. Le principe de ce «jeu» est très simple : une classe de terminale, tirée au sort, est envoyée chaque année lors du traditionnel voyage scolaire dans un lieu isolé, sur lequel les élèves doivent s'entretuer, et ce durant trois jours. Il ne doit rester qu'un survivant qui pourra rentrer chez lui à l'issue du jeu. Si il en reste plusieurs les colliers dont sont munis les joueurs exploseront.

Le but de ce programme : sélectionner les plus aguerris et en faire des exemples pour la population.

Cette année c'est la classe de Terminale B du lycée de Shiroiwa qui combattra, cette classe perd déjà deux des siens d’entrée de jeu, alors que l'un de leurs anciens professeurs (Takeshi Kitano), leur explique les règles. Chaque élève est ensuite lâché dans l'île avec des armes inégales (certains couvercles de poubelles, d'autres un pistolet) et l’obligation de rapidement prendre une décision quant à la suite des événements entre survivre seul, essayer de s'unir avec les autres pour trouver une solution, tuer pour être le dernier ou tout simplement se suicider.

Pour corser le jeu, les organisateurs ont inclus deux joueurs qui ne font pas partie de la classe : le gagnant du Battle Royale d'il y a trois ans, Shôgo Kawada qui s'est à nouveau fait enlever et est bien décidé à survivre, et Kazuo Kiriyama, qui s'est inscrit à Battle Royale dans le seul but de s’amuser.

C'est ainsi que les 40 élèves (hors les deux morts avant le début du jeu) vont devoir survivre et tuer pendant trois jours. Le film s’intéresse particulièrement au parcours de Shûya Nahara et Noriko Nakagawa, épris l’un de l’autre sans se l’être encore avoué, tous deux désireux de s’en sortir ensemble, avec un maximum de monde, sans tuer qui que ce soit.

(En 2003 sort la suite, Battle Royale 2.)

EXTRAIT DU FILM

I – Mise en place de la société

1) Comment est-t-elle individualiste ?

Définitions société et individualisme.

Dès la première scène, la couleur du film est annoncée, il sera sombre et violent. L'approche de cette société dystopique est pessimiste; il n'y a plus d'espoir possible en l'avenir. Les adultes et les jeunes ne se comprennent plus et ne peuvent plus vivre ensemble.

En effet les élèves sont livrés à eux-mêmes après être entrés dans l'arène et sont seuls contre tous. La plupart des étudiants se méfie et préfère faire cavalier seul plutôt que se faire trahir. Dans un environnement de ce type la confiance n'est pas permise et instaure un climat de crainte et de soupçon.

Ce qui importe c’est survivre dans un monde hostile et de plus en plus concurrentiel. Les élèves doivent mettre de côté leurs sentiments, doivent oublier leurs amis et leurs amours. Toute forme de solidarité est découragée dans ce jeu impitoyable. Il ne peut en effet y avoir qu’un seul survivant, sinon tous les colliers explosent. L’individualisme est un des symptômes les plus visibles de la dégénérescence des sociétés industrielles au Japon.

2) Le rôle des adultes

Comme le note le philosophe Alain Renaut dans La Libération des enfants, l'application des principes de 1789 à l'enfance a ouvert «l'espace d'une profonde et peut-être irrésorbable crise de l'éducation». Comment éduquer, «conduire» l'enfant vers la maturité, si celui-ci est notre semblable ? Comment entretenir des relations «démocratiques» tout en conservant son autorité et son pouvoir de décision ? Comment exercer l'autorité ?

Le manque d’autorité semble avoir abouti à une perte du lien entre les adolescents et les adultes. Le film rétablit donc des règles strictes et contraignantes. Les zones interdites, le collier à explosif, le fait qu’ils soient constamment sur écoute… Sur l’île, les adultes décident de tout, même de la vie et de la mort des enfants, sans faire preuve d’aucune culpabilité. Leur radicalité, leur absence compassion tranche avec les sentiments adolescents : amour, joie, peine, jalousie, colère, doute transcende le film et ses affrontements forcés.

Une communication sincère et franche entre Kitano, amoureux de Noriko, et cette dernière ne peut avoir lieu que dans un « double rêve » qui permet enfin de les réunir et dans lequel ils peuvent enfin se parler. Le rêve, mais aussi le coup de fil de sa fille, vont modifier sensiblement le comportement du professeur qui viendra sauver Noriko. Cette rencontre ne peut cependant que se conclure par la mort du professeur. Celui-ci mourra deux fois dû à ses deux personnalités, l'enfant qui est resté en lui et l'adulte qu'il est devenu malgré lui.

Kawada, jeune adulte rescapé constitue le lien entre l’idéalisme des adolescents et le défaitisme des adultes. C’est le liant nécessaire entre les deux générations qui se retrouvent à la fin du film. D’ailleurs, il n’est tué ni par un élève ni par Kitano.

La situation démographique du Japon est marquée une forte proportion de personnes âgées et un faible taux de natalité. Ce conflit inter-générationnel poussé à son paroxysme n’est pas marqué seulement par des conflits économiques ou sociaux mais aussi par des problèmes de communication.

On remarque une constante opposition entre des adultes oppresseurs et des adolescents victimes.

3) Lien entre « l'arène » et le monde extérieur

Cohabitation forcée entre deux mondes (traditionnel et moderne), de deux âges (adulte et enfant).

L’île est une représentation, miniature et intensifiée, de la société japonaise, avec ses règles impitoyables qui forcent les « habitants » à adopter un comportement individualiste et de survie.

Au lieu d’épanouissement, il serait juste un lieu de soumission. L’élève devra impérativement devenir l’adulte dont la société a besoin.

Le problème est que l’école ne montre qu’une partie de la société. Dès lors, l’adolescent a intérêt à se construire aussi par lui-même, par sa propre curiosité, ses propres expériences, quitte à s’échapper du moule et ne pas forcement réussir à l’école. On peut donc percevoir ce film comme une critique de l’élitisme du système scolaire japonais, très structurant et particulièrement difficile qui prône la réussite à tout prix.

Ce massacre est l’image de l’entrée dans la vie active, vers les écoles supérieures. Se serait alors l’image de la lutte pour accéder à des études supérieures, ou à un métier dans une société où il semble difficile de se créer une place.

On peut parler de panem et circenses. C'est la locution latine traduit en français par "du pain et des jeux". Elle a été écrite par le poète et écrivain Juvénal qui vécut durant l'Empire romain. Elle dénonce l'usage délibéré fait par les empereurs romains de distributions de pain et d'organisation de jeux dans le but de flatter le peuple afin de s'attirer la bienveillance de l'opinion populaire.

III – Des enfants dans un monde violent

Chaque personnage correspond un stéréotype : on retrouve le dur à cuire, l’informaticien, le bouffon, le timide, la fille apeurée, la manipulatrice, le solitaire, le souffre-douleur. Même s’ils peuvent paraître exagérés, le résultat est efficace et nous permet de s’identifier et d'identifier les personnes que l'on connait aux acteurs. Il y a deux types de personnages : ceux qui font bande à part et ceux qui se rallient ensemble. Ainsi chaque participant du Battle Royale est confronté à un choix et à un dilemme moral.

1) Les personnages solitaires

Certains choisissent de se débrouiller seuls, ne faisant confiance à personne. Ils veulent à tout prix survivre et adopte une stratégie « furtive » caractérisée par la dissimulation et l’embuscade. D’autres utilisent au contraire la ruse et la traîtrise. Certains encore n’ont pu supporter le choc émotionnel et se retrouve à errer seuls à moitié fou, avec peu de chance de survie. Enfin l’ajout par les autorités de deux « mercenaires » dans le jeu est une sécurité : ils permettent de s’assurer d’un comportement de survie des participants. Aucune de ces stratégies n’est récompensée dans le film, puisque le réalisateur privilégie des rapports amoureux ou de fraternité.

On peut citer Thomas Hobbes « L'homme est un loup pour l'homme » qui fait référence à sa théorie du Léviathan : «Tout ce qui résulte d’un temps de guerre, où tout homme est l’ennemi de tout homme, résulte aussi d’un temps où les hommes vivent sans autre sécurité que celle que leur propre force et leur propre capacité d’invention.» Il en conclut que «la vie de l’homme est solitaire, indigente, dégoûtante, animale et brève».

2) Les anti-conformistes

Des petits groupes se forment pour augmenter les chances de survie à court-terme et trouver des informations pour se sortir de la situation. Cette stratégie est un échec pour le groupe décimé rapidement par Kiriyama Kazuo dès le début du jeu. L’alliance des filles sur le phare est tout aussi précaire, et l’arrivée d’un nouvel entrant dans le groupe va venir perturber l’équilibre des rapports de confiance établis. Plus intéressante est l’alliance des « résistants » dont le leader est Shinji Mimura, qui, à la manière d’activistes, ils veulent s’en sortir en détruisant le système. Ils piratent le système informatique de contrôle du jeu et construisent des explosifs en vue d’une attaque de grande ampleur.

Le couple Shuya/Noriko ne veulent pas tuer, mais refuse de se laisser mourir. Le trio formé avec l’arrivée de Kawada veut signifier le combat de sentiments nobles tels que l’amour, l’amitié et la fraternité dans leur lutte contre la machine idéologique totalitaire (= cherche à contrôler la sphère intime de la pensée en imposant à tous les citoyens l'adhésion à une idéologie en dehors de laquelle ils sont considérés comme des ennemis de la société.

La population est embrigadée à la fois physiquement et mentalement dans un Etat qui absorbe la société civile) et abolit toute notion de vie privée. Ils veulent s’en sortir à tout prix et n’hésiteront pas à faire acte de violence si nécessaire. Comme le dit Shuya : « maintenant chacun de nous porte une arme » et ils n’hésiteront pas à s’en servir, même si « c’est à contrecœur ».

Ce personnage est passé par la mort de sa mère, le suicide de son père, le meurtre de son meilleur ami et se refuse à vivre la mort de celle qu'il aime. Une figure anti-sociale, indépendante, émancipée, avec un vécu difficile, qu'on peut voir comme un héros.

3) Perte d'humanité

Le système éducatif n’est plus là pour à proprement parler «éduquer» et protéger les enfants, mais au contraire pour punir et crée une société idéale où seul les meilleurs survivent ce qui entraine une tuerie entre ces adolescents. Ils infligent la violence autant qu'ils la subissent, c'est un cercle vicieux qui les suit jusqu'à leur mort.

Shuya et Noriko refusaient toute violence, mais ils ont été contraints par les adultes de se défendre et de tuer. Ils sont ainsi devenus des hors-la-loi aux yeux du gouvernement. Le film montre ainsi comment un système répressif et violent engendre l’émergence de citoyens violents.

Deux amies appelées Kusaka et Yukiko, qui sont pacifistes vont se faire massacrer de façon ignoble, montrant par là même qu’adopter une position pacifiste dans un contexte de conflit généralisé est dangereux.

EXTRAIT : Le huit clos du phare est une belle illustration. En quelques minutes, comment une amitié solide laisse place à la suspicion et brutalement basculer vers la trahison, la vengeance dans un joyeux carnage et finalement le regret et la culpabilité. Cette scène dont la violence soudaine et absurde nous montre fatalement que l'amitié n'est d'aucun secours.

Conclusion

Les armes des deux survivants dans le film sont un couvercle de marmite et des jumelles, pour souligner le fait que Noriko et Shûya, ironiquement ont reçu des armes leur ôtant pratiquement toutes chances de survie.

Pour finir je dirai que ce film est un violent réquisitoire contre la société moderne japonaise qui dénonce le déficit (= manque, insuffisance) démocratique et de communication inter et intra-générationnelle, la perte d'unité du système éducatif et du relâchement du lien social.

Elle dénonce aussi une violence qui se veut plus répandue, à la limite entre l’humour et la critique sociale, ce film attaque le spectateur de par un principe totalement décalé mais surtout horrifique.

Le message de Kinjin Kukasaku est surtout d’apprendre à dépasser les divisions et les générations, renouer le dialogue et le rapport de confiance pour ne pas perdre ce lien.

 

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