Hegel donne à la dialectique une ampleur inédite. Il démontre dans ses Principes de la philosophie du droit qu’elle est la propriété fondamentale du processus intellectuel, celle qui lui donne sa pertinence et sa cohérence. Estimant avoir ainsi identifié le mouvement même de la pensée, il conçoit (très modestement) son système philosophique comme l’achèvement de toute l’histoire de la philosophie.
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La dialectique de Hegel dépasse celles de ces prédécesseurs. Se présentant comme l’héritier de toute la philosophie antérieure, le philosophe allemand en hérite donc en particulier de la dialectique. Il cite d’ailleurs de nombreux dialecticiens, dont notamment Héraclite, qui l’a beaucoup influencé ; mais il fait également référence, de ce point de vue, à Platon et à Aristote, et même à la plupart des philosophes significatifs. Cependant, il s’en distingue en ayant mieux pris conscience de la dialectique et en la théorisant plus complètement – le résultat est une dialectique « supérieure », par opposition à la dialectique parcellaire de ses prédécesseurs. « Ce qui caractérise la dialectique supérieure du concept, explique Hegel, c’est qu’elle ne se borne pas à produire une détermination comme une simple limitation ou un contraire, mais qu’à partir de cette détermination, elle engendre et appréhende le contenu et le résultat positif » (Principes de la philosophie du droit). Chez Platon, par exemple, la dialectique se réduit à l’opposition intellectuelle, séparée de l’expérience, des différents points de vue possibles – comme dans les dialogues socratiques – dans le but de dépasser l’opinion, et d’atteindre à la contemplation du Bien dans le monde des Idées. Pour Hegel, en revanche, tout est dialectique : ce qui semble y échapper est en réalité du dialectique amorti ou endormi.
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La dialectique de Hegel s’exprime dans la réalité comme dans la pensée
La dialectique de Hegel est le mouvement de la pensée. Celle-ci progresse en effet par l’opposition, puis le dépassement des contraires – c’est donc leur rapport qui animerait la vie de l’esprit. Ce mouvement se décompose en trois moments : la thèse, ou position, qui affirme l’existence immédiate des choses ; l’antithèse, ou opposition, qui s’oppose au premier moment, le nie ; et enfin la synthèse (« aufhebung » en allemand), ou décomposition, soit le moment qui dépasse les deux précédents tout en les intégrant. La dialectique désigne, au sens restreint, la négation (le deuxième moment) ; mais elle équivaut, au sens large, à la logique même de la pensée, qui a la particularité d’être automotrice. « Le principe moteur du concept, écrit Hegel, en tant qu’il ne dissout pas seulement les particularisations de l’universel, mais les produit lui-même, je l’appelle dialectique […] Cette dialectique n’est donc pas l’activité extérieure d’une pensée subjective, mais l’âme même du contenu, qui fait croître organiquement ses branches et ses fruits » (Principes de la philosophie du droit). Ainsi, dans la perspective hégélienne, le concept est indépendant du sujet pensant individuel ; il lui est même antérieur sur les plans logique et chronologique – le philosophe n’est pas nécessaire à la dialectique. Comme la structure conceptuelle produit d’elle-même son contenu, la totalité de la sphère du pensable est déduite de l’idée d’être – c’est pourquoi Hegel ne parle plus, comme Platon, des idées, mais de l’Idée.
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La dialectique de Hegel anime également toute la réalité. Elle est un processus qui se déploie non pas seulement dans la pensée, mais dans toutes les dimensions de l’expérience : la religion, l’art, l’histoire, ou encore la philosophie. L’histoire, en particulier, est mue par la contradiction, qui se concrétise par exemple dans les guerres. C’est le rôle de la philosophie que de synthétiser et de résoudre les contradictions historiques une fois les processus accomplis, comme lorsque Napoléon achève (pour Hegel) la Révolution française. « La chouette de Minerve ne prend son envol qu’au crépuscule » (Principes de la philosophie du droit), avance le philosophe. L’histoire de la philosophie est alors elle aussi dialectique, puisqu’elle est la discipline grâce à laquelle se pense l’histoire de la réalité. Par conséquent, le mouvement même du réel est inséparable de celui de la pensée ; l’histoire des hommes et l’histoire des idées sont intimement liées. À l’échelle individuelle, l’histoire est mue par la dialectique du maître et de l’esclave, le travail de ce dernier déclenchant le progrès historique par la négation de la nature. À l’échelle macrosociale, elle obéit à une structure ternaire similaire à l’opposition des positions dans le dialogue argumentatif : les événements se nient les uns les autres avant de se réconcilier autour d’une position ultime qui les intègre en les dépassant. La dialectique de Hegel fonde donc une providence rationnelle à l’œuvre derrière les événements.
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source:
https://1000-idees-de-culture-generale.fr/dialectique-hegel/
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