Pseudo littérature pour BB (Babylon Babies)
Thuriféraires du poète maudit Jacques Clinchamps de Malfilâtre, passez votre chemin. Car sa descendante, Mathilde-Marie, a choisi une autre voie que celle soufflée par les Muses d’antan : entre provocation incessante, racolage outré pour gogos (ou gogues ?) des lettres et onomatopées speed, l’écriture-déchet se veut aussi fractale qu’explosive. Elle repose pour l’essentiel sur des phrases très courtes, très crues aussi - sorte de haïkus sous acide parfois. La recette, malgré sa facture djeune foncedée aux stups, est somme toute « classique » et a fait jadis ses preuves (par l’absurde) : drogue, cul, sexe le tout emballé dans une communication du même acabit. Et en faisant, ben voyons, l’apologie du bio et du vegan !
Ne reculant devant aucun sacrifice putassier — il faut savoir donner de soi pour être reconnue — , l’auteure ira même jusqu’à évoquer Kant (c’est vous dire) afin de confondre une page plus loin le transcendantal et le transcendant dont chacun sait qu’il s’agit là de deux concepts antinomiques chez le philosophe allemand…
Babylone Express expose ainsi le trip de Luna de Pâris et Marco von Z : elle, fille de bonne famille, mi-Normande, mi-Italienne, lieutenante fût un temps aux Renseignements généraux ; lui, aristocrate italien déchu pure souche, mixte de DJ, dealer et défenseur ultra de la cause des animaux (FLA).
L’ « Opération Babylone », leur projet qui donne son nom au titre, consiste à pouvoir acheter au nez et à la barbe de toutes les autorités du globe la meilleure drogue sous toutes les formes possibles afin de la revendre, entre deux orgies et trois gang-bang, dans les lieux les plus interlopes du moment (Paris Marakech Berlin Amsterdam) pour faire fortune. Ite missa est.
Voilà, sur le papier halluciné, qui devrait attirer les foules et, qui sait ?, valoir à l’auteure tel ou tel prix consacrant la dimension trash-gore-punk dudit texte, à mi-chemin du sadisme de supermarché et de la branchitude world-ethnic décadente (tout cela sent le coeur de cible marketing du libertarisme contemporain). Ce qui semble à l’évidence – mais pourquoi pas ? — la seule ambition à laquelle a dû aspirer, au grand dam de son ancêtre, Mathilde-Marie Malfilâtre en ces pages poisseuses.
On se demande – on se demande vraiment – comment un tel scénario qui n’en est pas un a pu attirer ne serait-ce que l’attention des éditions du Dilettante qu’on a connues plus inspirées. Mais il est des mystères éditoriaux impénétrables.
Fille de la Shit Generation devant se coltiner « le sida, le RSA et des profs de merde », MMM croit inventer un ton adéquat à l’envol vers les paradis artificiels de l’époque ou la MDMA/ecsta aurait remplacé l’absinthe. Ajoutez-y une bonne fente en feu et quelques zgegs remarquables, le cocktail sera parfait. Au vu de son phrasé et de l’ampleur de son « style », c’est la preuve que Rimbaud ou Baudelaire, pour ceux qui en douteraient, ne tenaient pas leur talent des seules substances qu’ils absorbaient d’aventure.
Certes, nous objectera-t-on, il ne s’agit jamais ici que de mimer le désespoir générationnel de l’addiction pour montrer comment il est loisible d’en sortir, l’auteure n’est pas ses personnages etc. Personne n’est dupe. Ce n’est pas l’humanité qui est à la fois » exsangue et folle, pourrie et […] pathétique», c’est ce pseudo roman.
frederic grolleau
Mathilde-Marie Malfilâtre, Babylone Express, le Dilettante, août 2018, 251 p.
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