Le théorème de Gödel représente une rupture dans l’histoire de la logique. Avant ce résultat de 1931, en effet, les mathématiciens considéraient que toutes les vérités mathématiques étaient susceptibles d’être démontrées par déduction. Or, le mathématicien austro-américain réfute, avec une démonstration inédite, mais de manière formelle l’hypothèse de la cohérence des mathématiques.
Le théorème de Gödel s’énonce en deux versions. La première version, dite « théorème d’inconsistance », montre que les mathématiques rendent possible, dans certains cas, de démontrer à la fois un énoncé et son contraire. Ce résultat s’oppose à la conception aristotélicienne de la vérité comme non-contradiction, selon laquelle deux énoncés contraires ne peuvent être vrais en même temps. La seconde version du théorème de Gödel, dite « théorème d’incomplétude », est la plus célèbre. Elle affirme qu’il existe des vérités mathématiques impossibles à démontrer. Autrement dit, une théorie mathématique peut être incomplète au sens où elle comprend des énoncés dits « indécidables », c’est-à-dire qu’ils ne sont ni démontrables (impossible de les déduire des axiomes de la théorie) ni réfutables (impossible aussi d’en déduire sa négation). Ainsi, les mathématiques rencontrent des limites y compris dans leur propre univers.
Le théorème de Gödel en philosophie
Le théorème de Gödel a été transposé des mathématiques à la philosophie. Admiratifs à l’égard de cette découverte mathématique majeure, les philosophes en ont déduit que, de manière générale, une théorie ne peut être à la fois complète – c’est-à-dire tout expliquer – et cohérente – c’est-à-dire être formée d’éléments non contradictoires, car il existera toujours des énoncés vrais, mais indémontrables. Le théorème de Gödel a également été transposé en philosophie politique par Régis Debray. Pour le sémiologue, il en découle qu’une communauté doit obligatoirement se définir par l’intermédiaire d’une référence extérieure transcendante, à laquelle sont par exemple intégrées les figures nationales mythiques. Sans cette référence extérieure, la communauté ne peut pas être cohérente. « Du jour où Gödel a démontré qu’il n’existe pas de démonstration de consistance de l’arithmétique de Peano formalisable dans le cadre de cette théorie (1931), écrit Debray, les politologues avaient les moyens de comprendre pourquoi il fallait momifier Lénine et l’exposer aux camarades « accidentels » sous un mausolée, au Centre de la Communauté nationale » (Le scribe : Genèse du politique).
Cette transposition philosophique du théorème de Gödel est toutefois controversée. En effet, le théorème dit « de Gödel-Debray » est parfois présenté comme une imposture. Dans Prodiges et vertiges de l’analogie, le philosophe Jacques Bouveresse dénonce l’extension abusive du théorème de Gödel à la théorie des systèmes sociaux et politiques. Il affirme ainsi que la transposition est « contestable et hasardeuse » parce que les sociétés ne constituent pas des systèmes formalisés comme les mathématiques ; parce que la vérité et la cohérence ne sont pas des concepts qui s’appliquent à des communautés ; parce l’extériorité de la référence ne peut pas être définie avec rigueur ; enfin, parce que Régis Debray mélange avec négligence les deux versions du théorème de Gödel.
source: https://1000-idees-de-culture-generale.fr/theoreme-godel/
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