La bureaucratie est une nouvelle forme d’organisation. Ayant vécu à cheval sur les XIXe et XXe siècles, Max Weber a été le témoin des changements profonds de l’État prussien et de la société allemande. Dans Économie et société, il décrit à partir de son expérience la rationalisation de toutes les sphères d’activité, y compris celle de l’administration.
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La bureaucratie naît avec le développement naturel de l’État. Max Weber la présente tout d’abord comme une nécessité pratique. L’ordre étatique implique en effet l’emploi d’un certain nombre de personnes pour garantir l’exécution des lois ou des directives gouvernementales. C’est cependant l’État moderne qui se distingue dans l’histoire politique de l’humanité par la création d’un appareil administratif conséquent, fondé sur la division du travail et la séparation de la propriété des moyens techniques et du personnel humain. Cette évolution se retrouve dans tous les domaines (État, Église, armée, parti, entreprise économique, groupement d’intérêts, association, fondation, etc.), où le développement des formes modernes de groupement révèle la progression constante de l’administration bureaucratique. Celle-ci est également, pour Max Weber, une nécessité politique. De fait, dans les sociétés modernes, la direction de l’État requiert un instrument qui soit à la mesure de la dimension monopolistique de son pouvoir. « […] Il faut concevoir l’État contemporain, écrit Max Weber, comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques –, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime » (Le Savant et le Politique). Ainsi, en tant que détenteur d’un monopole étendu, l’État moderne a besoin de la bureaucratie afin d’éveiller et de maintenir la foi en sa domination.
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Max Weber voit dans la bureaucratie une rationalité dangereuse
La bureaucratie est l’expression de la rationalité. À partir de la distinction des dominations traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle, Max Weber caractérise l’État moderne par la prédominance de la domination légale-rationnelle, c’est-à-dire « par l’autorité qui s’impose en vertu de la « légalité », en vertu de la croyance en la validité d’un statut légal et d’une « compétence » positive fondée sur des règles établies rationnellement » (Le Savant et le Politique). Or, la bureaucratie est la forme d’organisation qui, appuyée sur le droit et la rationalité, correspond à cette forme de domination impersonnelle. Dans le détail, son fonctionnement repose sur plusieurs principes qui le rendent efficace : des règles de droit, l’impersonnalité des fonctions, le recrutement du personnel sur la base de ses compétences, le respect de procédures et l’importance du contrôle hiérarchique. Max Weber ajoute qu’elle tire sa supériorité de son savoir spécialisé, rendu nécessaire par la technique moderne et la production de masse des biens et services, qu’elles soient organisées par le capitalisme ou par le socialisme. Ainsi, l’édification d’une direction administrative et l’aptitude à en disposer témoignent d’une indéniable supériorité d’organisation. En tant qu’expression de la rationalité, la bureaucratisation est un mouvement inéluctable indépendant des régimes politiques, si bien que Max Weber prédit que « c’est à la bureaucratie qu’appartient l’avenir ».
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La bureaucratie est dangereuse pour la liberté. Max Weber affirme qu’elle l’est à deux points de vue : elle nuit d’une part à la liberté individuelle en rendant la vie individuelle de plus en plus dépendante et en limitant la marge d’autonomie des individus ; elle réduit d’autre part la liberté politique en accroissant le rôle politique des fonctionnaires au détriment de celui des dirigeants politiques. Dans cette seconde perspective, la bureaucratie apparaît comme un instrument de domination tendant à devenir une instance de pouvoir autonome, à tel point que l’idée se répand, selon laquelle le « pouvoir réel » se trouverait entre les mains de la bureaucratie. Il est dès lors nécessaire de réintroduire un rapport approprié entre les bureaucrates et les hommes politiques. « Les hommes politiques, écrit Max Weber, doivent constituer un contrepoids contre la domination de l’appareil administratif d’État » (Économie et Société). Le sociologue imagine alors deux perspectives pratiques. Il souligne tout d’abord l’importance de systèmes politiques susceptibles de sélectionner des hommes politiques de qualité. Il plaide ensuite pour la création d’une institution pouvant garantir le contrôle de la bureaucratie. Depuis la mise en garde de Max Weber, la bureaucratie est devenu un mode d’organisation très controversé : lui sont reprochées sa rigidité hiérarchique, la lourdeur de ses procédures décisionnelles, et la déshumanisation de son personnel.
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source : https://1000-idees-de-culture-generale.fr/bureaucratie-max-weber/
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