proposition de traitement
image : Les Danaïdes par John William Waterhouse, 1903.
Introduction / Problématisation
À la différence de l’animal supposé n’avoir que des besoins, l’homme est un être de désirs. Cela signifie qu’il est travaillé, au cœur de lui-même, par un manque dont il a conscience et qui le pousse à tenter de le combler. Il est à la recherche continuelle de satisfaction.
L’imperfection évoque l’état de quelque chose qui présente un écart par rapport à une norme attendue comme, par exemple, un objet technique qui ne rend pas bien le service qu’on en attend à cause d’un défaut.
À première vue, le désir semble être la marque d’une imperfection puisque l’homme se vit comme un être inachevé, insatisfait, toujours en manque de quelque chose. Comme s’il présentait des défauts, comme s’il n’était pas à la hauteur de ce qu’il pourrait ou voudrait être. Mais, vu sous un autre angle, le fait de désirer incite l’homme à repousser ses limites, à progresser, à rendre possible ce qui est au départ semble impossible. Le désir est alors le moteur d’un perfectionnement continu de l’homme. Ces deux approches de la question nous montrent qu’au fond il y a deux façons de considérer l’imperfection. La première correspond à l’idée d’un défaut général, d’une limite fondamentale pour l’être ou la chose qui est concerné. Mais, si l’on y réfléchit bien, l’imperfection ne concerne paradoxalement qu’un être capable de beaucoup de choses.
Partie I Le désir est la marque de l’imperfection de l’homme.
Désirer, c’est éprouver la conscience d’un manque, d’une absence. Le désir creuse à l’intérieur de nous-mêmes un écart entre ce que nous avons conscience d’être et ce que nous voudrions être ou avoir. De ce point de vue, le désir participe à la prise de conscience d’une imperfection puisque nous ne sommes pas tels que nous désirons être. De plus, le caractère répétitif du désir implique que nous soyons rarement satisfaits, soit parce que ce que nous obtenons n’est pas à la hauteur de nos attentes, soit parce qu’un autre désir vient prendre la place du premier une fois satisfait.
Dans Le Banquet, Platon utilise une image célèbre pour évoquer la situation de l’homme. Tout se passe comme si chacun d’entre nous était à la recherche de sa moitié perdue, comme si nous formions un être complet à l’origine (donc parfait) qui avait été coupé en deux et ainsi condamné à rechercher sa part manquante pour restaurer l’état de complétude originel.
Partie II Le désir est la marque de la perfectibilité humaine.
Cette insistance sur le versant pessimiste du désir doit néanmoins être nuancée. L’homme n’est pas seulement un être de besoins. Contrairement à l’animal, il ne se contente pas de ce qui assure sa survie et son bien-être. À ce sujet, on a parfois trop facilement le réflexe d’opposer le besoin fondamental au désir superflu, comme si l’homme était sujet au caprice et souhaitait « toujours plus ». Mais, en réalité, le désir est aussi la marque de la perfectibilité humaine, comme le montre Rousseau dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Sans désir, les hommes n’auraient pas d’histoire. Comme les animaux, ils subiraient passivement une simple évolution dont ils ne seraient pas les acteurs. Or, l’homme, mû par le désir suscité en lui par la conscience de valeurs et de principes, agit en fonction d’idéaux. Certes, il se vit comme imparfait, mais c’est la condition pour aspirer à la perfection et donc pour se perfectionner.
Partie III L’imperfection de l’homme n’est pas défaut fondamental mais ce qui donne sens et valeur à l’existence.
Sans désir, notre existence serait comparable à celle de l’animal. Or, affirme John Stuart Mill, « il vaut mieux être Socrate insatisfait qu’un porc satisfait ». Une manière de dire que le désir donne un sens à l’existence humaine. Sans désir, pas d’aspiration à la connaissance, pas de projets ni de progrès. Le désir est aussi ce qui rend possible l’impossible, car, même s’il est la marque d’une imperfection, il est également ce qui motive son refus. Par exemple, la société est imparfaite en raison de l’existence d’inégalités injustes et, si nous les considérons comme telles, c’est justement parce que nous refusons cet état de fait social. Or, refuser la réalité, c’est désirer la changer !
Conclusion.
L’imperfection est un terme qui comporte une connotation péjorative. Mais nous avons vu que, dans le cas du désir, il revêtait aussi une dimension positive. Cependant, pour s’en assurer, il convient d’apprendre à faire bon usage de notre désir et à le cultiver de manière à ce qu’il ne nous conduise pas à l’excès, à la frustration et à l’insatisfaction chronique. C’est pourquoi nous devons être à la hauteur de notre désir et ne pas confondre, par exemple, réalisation du désir et consommation permanente. Au risque, sinon, que l’imperfection dont il est le signe ne soit plus une force motrice, mais l’état d’une créature finie, tristement condamnée au sentiment d’incomplétude.
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